Baugé-en-Anjou. Pas d’indemnisation posthume pour le nonagénaire forcé de travailler en Allemagne nazie

La cour administrative d'appel de Nantes a rejeté la requête d'un nonagénaire de Baugé-en-Anjou qui avait été forcé à travailler en Allemagne durant la Seconde guerre mondiale dans le cadre du Service du travail obligatoire (STO) entre le 29 mars 1943 au 30 mai 1945.

Nous vous en parlions dans un article paru en août dernier : Le neveu d’un nonagénaire de Baugé-en-Anjou forcé à travailler en Allemagne durant la Seconde guerre mondiale dans le cadre du Service du travail obligatoire (STO) a demandé à la cour administrative d’appel de Nantes, ce mardi 30 août 2022, de condamner l’Etat à lui verser 50.000 € de dédommagements (relire notre article).

Nouveau jugement le 16 septembre 2022

Adolphe Hulin – décédé en avril 2019 à l’âge de 97 ans – jugeait pourtant que l’administration française était la principale « responsable de sa déportation contrainte au travail forcé » et lui réclamait 50.000 € à ce titre : c’est sa loi du 4 septembre 1942 « relative à l’utilisation et à l’orientation de la main d’oeuvre » qui l’avait envoyé à 21 ans en Allemagne nazie. Cette loi a en effet autorisé le « transfert » d’hommes âgés de 21 à 35 ans afin qu’ils soient contraints à effectuer « toutes sortes de travaux que le gouvernement juge importants dans l’intérêt supérieur de la nation ».
Ce « déporté du travail » – selon les mots repris sur son propre avis d’obsèques – avait donc introduit un recours en justice contre l’administration française en août 2018, huit mois avant son décès, alors qu’il résidait à l’EHPAD de la Girouardière.

Sa créance était « prescrite »

Son combat avait été repris à sa mort par son neveu, Ludovic Hulin, mais le tribunal administratif de Nantes avait rejeté sa requête en juillet 2021. L’héritier du « déporté du travail » de Baugé-en-Anjou avait donc fait appel du jugement. « L’action en responsabilité contre l’Etat français est imprescriptible », maintenait son avocat dans ses écritures. « Son oncle a subi une « déportation » ou un « transfert forcé de population » qui constitue un crime contre l’humanité. »
Me Emmanuel Ludot mettait aussi l’accent sur les « conditions de vie » de son client au sein des camps de travail nazis et « l’impact psychologique de cette période tout au long de son existence ». Mais la cour administrative d’appel de Nantes juge que la « créance » dont se prévalait son client est aujourd’hui « prescrite » : le délai de quatre ans pour la réclamer est dépassé.

Une argumentation « pas opérante »

« Le fait générateur de la créance (…) doit être regardé comme (…) la reconnaissance par l’Etat, dans l’arrêté du 16 octobre 2008 (…) du statut de « victime du travail forcé en Allemagne Nazie », expliquent les juges nantais dans un arrêt en date du 16 septembre 2022 qui vient d’être rendu public.
Adolphe Hulin – qui « pouvait être légitimement regardé comme ignorant l’existence de sa créance avant le 16 octobre 2008″ – avait ainsi demandé cette carte indiquant qu’il a été personnellement « victime du travail forcé en Allemagne Nazie ». Cette carte lui avait d’ailleurs été délivrée le 18 juin 2009, relève la cour administrative d’appel de Nantes dans son arrêt.
« Sa créance était prescrite à la date de la demande d’indemnisation dont il conteste le rejet, en 2018 », en déduit-elle donc. « L’Office national des anciens combattants et victimes de guerre est fondé à lui opposer la prescription quadriennale. »
« L’invocation » de l’imprescriptibilité des « crimes contre l’humanité » n’est « pas opérante », notent au passage les juges nantais, dans la mesure les dispositions du Code pénal « ne valent que pour des crimes commis à compter du 1er mars 1994« .

Commentaires 3

  1. Superdeg says:

    Mon père a été envoyé en Allemagne FFA et il a perdu un an de paie, tout pour l’armée Française

  2. Moi aussi says:

    J’ai, moi aussi, donné 16 mois de ma vie pour l’armée française. Et, si je regrette tout ce temps perdu, tous ces salaires perdus, toute l’inutilité de ce service militaire, je ne regrette pas la camaraderie très forte, issue de la pénibilité de la situation qui nous a forcé à resserrer les liens entre nous. Solidarité, ça s’appelle : une notion hélas bien mal en point, de nos jours.

  3. Et Moi Aussi says:

    Moi aussi j’vais déposer un recours…. où ?? Pour avoir été obligé de travailler pendant 43 ans , pour toucher une retraite d’apprenti . D’abord contre mes employeurs , ( qui m’ont exploité ) ensuite contre le gouvernement qui n’augmente pas les pensionsl des retraités méritants a leurs juste valeur.

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