Edito du Kiosque : sa voix s’éteint, son cri résonne

Dans une bouleversante supplique, Charles Biétry a interpellé Emmanuel Macron sur le choix de fin de vie. En débat à l’Assemblée nationale, le texte engagé sur le suicide assisté, l’assistance au suicide et l’euthanasie ne fait pas l’unanimité. Comme les Français de la convention citoyenne mobilisés sur le sujet, le président veut y croire.
Photo AFP

Confortablement installé à la direction des sports de l’Agence France Presse (AFP), cet incontournable passionné de foot et de boxe déroulait pudiquement et diligemment sa carrière. Dans le microcosme de cette presse spécialisée, Charles Biétry était une référence, le pilier d’une voûte recouvrant son organisation, son actualité. L’inamovible menhir autour duquel s’exprimaient tous les témoins de l’information incandescente des stades. Aussi, quand, en 1984, le breton annonça son départ pour une aventure incertaine, le ciel leur tomba sur la tête. L’homme discret s’en allait planter ses choux ailleurs, en terre inconnue, sur la première chaîne de télévision à péage. Une vraie folie, selon les timorés convaincus de l’échec annoncé de la 4, de Canal+. On sait ce qu’il advint, dans une impulsion audacieuse le nouveau patron révolutionna tous les codes de la retransmission sportive pour en faire une référence absolue, aujourd’hui inégalée. Avec autant d’acuité, il servit ensuite les desseins d’Eurosport et de BeIN avant de regagner ses pénates, en sol breton, à Carnac, où il siège au conseil municipal depuis 2014. Cette semaine, l’homme pudique est sorti de sa réserve en interpellant Emmanuel Macron lors d’une entrevue sur TF1. « Ma vie a été très belle, je voudrais que ma mort le soit aussi. » s’est exprimée la voix de synthèse de Charles Biétry, affaibli depuis huit ans par la maladie de Charcot. « Sans les souffrances qu’on m’annonce atroces, sans que ceux que j’aime restent des semaines auprès d’un corps inerte, sans qu’on vienne me priver de mon dernier espace de liberté, le choix de ma fin de vie », a-t-il poursuivi en interrogeant Emmanuel Macron sur son approche de la loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement, actuellement en examen à l’Assemblée nationale.

Le choix de partir dans la dignité

Les 184 Français tirés au sort pour la convention citoyenne dédiée à cet objet sociétal sensible s’étaient quant à eux majoritairement prononcés en faveur de l’euthanasie et du suicide assisté dans des conditions bien entendu, très encadrées. S’ensuivit un débat parlementaire perturbé et brusquement interrompu l’été dernier par la dissolution du président de la République. Les travaux ont donc repris dans l’hémicycle pour amender la loi Claeys-Léonetti, de 2016, autorisant uniquement aux malades incurables le bénéfice d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès. Or, pour les détracteurs du projet, seul ce soutien demeure nécessaire à condition qu’il soit opérant partout et pour tous, afin que l’aide à mourir ne s’impose pas, qu’il devienne « plus facile de demander la mort que d’être soigné » selon Bruno Retailleau, voire de « l’accélérer, de la légaliser » affirme encore Jordan Bardella. Comme eux, certains pensent donc qu’il est inconcevable d’organiser sa fin de vie soi-même (assistance au suicide) ou, en situation d’incapacité physique, accompagné (suicide assisté). Encore moins, bien entendu, à sa propre demande, de mettre un terme délibérément à une situation insupportable et inhumaine (euthanasie). « Je souhaite que le texte qui est engagé soit voté » a confirmé Emmanuel Macron, par nos représentants ou par référendum en cas de non consensus. « C’est déjà dur de mourir, mais alors, mal mourir, c’est double peine (…) et quand on entend sur les plateaux de télé ceux qui militent contre notre volonté de partir dans la dignité, ou de choisir librement, c’est abject » a plaidé Biétry. Charles, ta vie a été très belle, je souhaiterais que ton dernier départ le soit aussi. Merci.

Georges Chabrier

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