L’édito du Kiosque : Légion d’honneur ou de déshonneur ?

En juin dernier, Pierre Gay, co-fondateur et président du Bioparc de Doué-en-Anjou, a reçu les insignes de chevalier de la Légion d’honneur. Pour certains, cette haute distinction de l’Etat s’est enfin popularisée, pour d’autres trop banalisée. L’éminence de l’action et la moralité des récipiendaires échappent parfois à tout entendement.
AFP

Nicolas et ses copains ont fait des bêtises. Ils ont beaucoup d’ennuis. On s’en amuse, toujours et encore, depuis que les plumes et fusains de Goscinny et Sempé ont croqué avec tendresse et talent les espiègleries du petit héros et de ses copains, Alceste ou Geoffroy. Dans un procédé quelque peu audacieux et cynique la comparaison pourrait bien s’établir avec un contemporain national, notre Nicolas (Sarkozy) et ses complices Thierry, l’avocat (Herzog), et Gilbert, le magistrat (Azibert), confondus par la justice pour un pacte de corruption. L’affaire « Bismuth » a fait grand bruit, des dégâts, condamnant notamment l’ancien chef de l’Etat à trois ans de prison, dont un ferme à effectuer sous surveillance électronique. Sous ce fameux bracelet auquel vient d’échapper son ancien « collaborateur », François Fillon, reconnu coupable de détournement de fonds publics, sanctionné de quatre années et d’une amende de 375 000 euros. Décidemment, les copains trinquent mais, parfois, sans partager l’humiliation, bonus aléatoire accordé par l’appréciation des juges. Voire variablement par la stricte exécution de la loi obligeant, pour l’exemple, à retirer la Légion d’honneur à ses titulaires en cas de condamnation pénale (1 an) ou de comportement jugé incompatible avec les valeurs de l’ordre. Les peines plancher ont parfois leurs limites. Malgré les réticences d’Emmanuel Macron, la Grande chancellerie en a décidé ainsi, Nicolas Sarkozy ne pourra plus arborer cet insigne dont vient d’être fièrement distinguée Martine Crnkovic, maire de Louailles (Sarthe), par un certain… François Fillon. Un grand habitué du rituel de distinction dont l’ex Premier ministre récompensait régulièrement son entourage, tel un certain Bertrand Jaquet, propriétaire du gastronomique Grand Hôtel de Solesmes. Quand on aime la bonne chère et les élégants costumes, il est bien raisonnable de primer les services éminents rendus à sa panse et sa prestance par de délicats serviteurs. Bien loin de l’ambition première portée par Napoléon Bonaparte, créateur de la Légion d’honneur (1802) pour honorer le mérite individuel au service unique de la nation. Depuis, les distinctions de l’Ordre s’adossent néanmoins régulièrement aux conforts de la politique étrangère du pays.

Même les mal-aimés

Ainsi donc, la diplomatie peut-elle s’extraire des conventions habituelles pour parer des dirigeants peu vertueux de la rosette nationale. Bachar Al-Assad l’a eue, puis rendue, Vladimir Poutine, quant à lui, la conserve dans le chloroforme de la veulerie politique, de la soumission au pouvoir des puissants. Au grand déshonneur de la France, bien plus brutale et rosse avec les petits amis de Nicolas. Finis les rubans rouges pour Isabelle Balkany, pour Claude Guéant, son ancien ministre de l’Intérieur, et pour son grand soutien, Gérard Depardieu, fidèle camarade du nouveau tsar de Russie. Décidément, les copains trinquent, sanctionnés par la grande chancellerie de la plus haute décoration française dont les 400 employés gèrent quelques 2500 promotions annuelles. Les récipiendaires sont donc nombreux désignés régulièrement par les ministères ou, désormais, par n’importe quel individu ayant collecté cinquante signatures de concitoyens, afin de considérer l’ensemble des classes sociales de notre société. Une initiative qui fait débat pour les légitimistes pointant la banalisation d’un trophée dont ils devraient seuls distiller les grâces à leurs chouchous adorés. « Toute personne au métier éminent ou à la moralité louable peut prétendre au titre honorifique ». C’est écrit. La probité, même des mal-aimés, arracheurs de dents, fonctionnaires, assureurs, agents immobiliers, journalistes ou politiciens doit donner accès à la reconnaissance suprême de l’Etat. Ainsi, l’homme empreint de sagesse et de raison échappe au carcan des aprioris, des jugements quel que puisse être le dilemme posé par son engagement. A l’instar de Pierre Gay, président et co-fondateur du Bioparc de Doué-en-Anjou. Ce lieu contradictoire de captivité, d’exhibition et de conservation des d’animaux, ce lieu de coïncidence entre le réalisme et la préoccupation écologique. Depuis longtemps Pierre Gay a exporté sa générosité dans des « projets natures » pour protéger la faune à travers le monde. Son obligation et sa promesse justifient la tolérance des uns, le respect et la gratitude d’autres, mobilisés pour lui accorder la Légion d’honneur.

Georges Chabrier

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