Ils, elles sont passé(e)s par Saumur. Chronique de Gino Blandin : Urbain Fardeau

Sans vouloir ternir son image, on peut penser qu’Urbain Fardeau eut une vie tumultueuse, certes, mais une certaine réserve s’impose : ses mémoires semblent parfois teintées d’affabulation.

Il voit le jour le 28 janvier 1766 à Varennes-sous-Montsoreau. Il est le fils de Jean Fardeau, tisserand, et de Marie Pavillon. Tout jeune, ses parents l’envoient étudier chez les Oratoriens de Saumur. Il poursuit son parcours au séminaire d’Angers. Puis il revient à Saumur où il enseigne la rhétorique au collège des Oratoriens qui se situe alors dans le centre-ville. Il est ordonné prêtre en 1790, à l’âge de 24 ans. Cette même année, il accompagne la famille du comte de Saint-Germain en Italie, il est devenu précepteur de leur fils. Qui est ce personnage ? S’agit-il du sulfureux comte de Saint-Germain qui se targuait d’être immortel ?

En France, c’est la Révolution et tout est bouleversé. En 1792, le parcours de Fardeau prend une curieuse orientation : de retour dans le Saumurois, il est capitaine de gendarmerie à Varennes et assure également la fonction de vicaire à Vivy ! L’année suivante, il participe à une mission de reconnaissance dans le Baugeois destinée à observer les mouvements des Vendéens. Si ceux-ci se trouvent dans cette région, c’est durant la « Virée de galerne » qui se déroule d’octobre à décembre 1793. A la même époque il aurait appris les rudiments de chirurgie auprès du docteur Fernagü dont il estime la technique plus proche de celle du barbier que du médecin. Il est alors accusé d’avoir facilité l’évasion du curé de Vivy. Il est renvoyé de l’hôpital de Saumur.

Il monte alors à Paris où il commence une formation de chirurgien à l’Ecole de médecine. Il suit des cours d’anatomie et de chirurgie auprès de Jean-Nicolas Moreau et devient secrétaire du chirurgien en chef de l’Hôtel-Dieu. Comment se retrouve-t-il chirurgien des armées ? Il est vrai que le métier s’annonce plein d’avenir avec l’arrivée de Napoléon.

Urbain Fardeau est contacté par le général de division Louis Lemoine, originaire de Saumur. Il devient son aide de camp avec le grade de capitaine dans le 1^er régiment de hussards durant la seconde campagne d’Italie. Apparemment, il exerce les deux fonctions : capitaine et chirurgien. Le 27 octobre 1799, entre Vico et Mondovi, en Italie, avec l’aide de deux hussards, Fardeau affronte, d’après ses mémoires, une colonne de 600 Autrichiens dont il fait 200 prisonniers. On se croirait en pleines guerres picrocholines ! L’année suivante, à Milan, il est nommé chirurgien de 2^ème classe. Il retourne alors à l’Ecole de médecine de Paris pour compléter sa formation, mais il est appelé dans les ambulances du camp de Boulogne-sur-Mer.

En janvier 1804, il est nommé chirurgien-major du 64^ème Régiment d’infanterie. Le 16 août 1804, toujours au camp de Boulogne, il reçoit la croix de la Légion d’honneur des mains de Napoléon lui-même. Le même jour, il sauve des naufragés qui allaient périr lors d’une tempête. Le 2 décembre 1805, nommé chirurgien au 1^er Régiment de chasseurs à pied de la Garde impériale, l’unité d’élite de l’armée napoléonienne, il est présent à Austerlitz où, d’après lui, il rédigera sa thèse de médecine sur le champ de bataille. On a un peu de mal à imaginer la scène. On peut penser que durant ce combat qui fit 16 000 morts en moins de 9 heures, les chirurgiens avaient autre chose à faire. L’année suivante, Fardeau soutient ladite thèse à l’Ecole de médecine. Elle s’intitule ; Propositions sur la physiologie, la chirurgie et la médecine. Mais il est vite rappelé car les campagnes de Prusse et de Pologne battent leur plein. Fardeau participe à la bataille d’Iéna.

L’heure de la retraite ayant sonné, il rentre à Saumur où il redevient médecin-chirurgien. Il se spécialise dans l’ophtalmologie. Il sera médecin de la prison et chirurgien major de la garnison de Saumur. On raconte qu’il consacre une grande partie de son temps aux pauvres et aux prostituées. C’est durant cette époque qu’il rédigera ses mémoires destinée théoriquement à son seul neveu, le docteur Théodore Barthélémy. En 1814, Urbain Fardeau jouera un rôle actif dans la création de la société secrète les « Chevaliers de la liberté » laquelle regroupe des sympathisants à Bonaparte. De 1838 à 1841, il sera vénérable de la loge maçonnique saumuroise « la Persévérance » ce qui semble peu compatible avec son passé de prêtre. Urbain Fardeau décède le 22 février 1844 à son domicile, rue Grande Rue à Saumur, où il vit avec sa nièce. Une grande foule assistera aux obsèques. Urbain Fardeau aura traversé toute la période révolutionnaire : né sous Louis XV, il meurt sous Louis Philippe.

Une rue de Saumur porte son nom ainsi que l’école primaire de Varennes-sur-Loire.

Sa tombe, en très mauvais état, se trouve toujours au cimetière de Saumur (carré EE4).

Bibliographie :

Catalogue de l’exposition Urbain Fardeau : mémoires d’un chirurgien-sabreur, présentée au Château de Saumur du 19 septembre 2020 au 21 mars 2021

FAUCOU Anne, GOURDIN Pierre, DENECHEAU Joseph-Henri, Urbain Fardeau, Chirurgien-Sabreur, Editions Cheminements, Angers, 1999