L’édito du Kiosque : L’exemple à suivre

La Sécurité sociale a 80 ans. Au sortir de la crise de 29 et de la Deuxième Guerre mondiale, des hommes politiques ont gommé leurs différences pour créer cet édifice de solidarité. Les temps changent. Nos grands élus semblent ignorer l’intérêt général.
©AFP

Imaginez. Imaginez un instant des hommes politiques, des syndicalistes, des hauts fonctionnaires, décidés à élaborer, ensemble, un projet susceptible de changer le visage de la France. Pensez à des âmes, de la Droite, du Centre et de la Gauche, mobilisées pour extraire des millions de citoyens de la vulnérabilité, leur nation d’une paupérisation galopante. Envisagez une prise de conscience commune de nos chers élus nationaux soudainement absorbés par l’intérêt général, le bien commun, érigés en sacerdoce de leurs engagements. Supposez la douce utopie d’une société idéale façonnée par l’intelligence collective, rêvez qu’ils soient venus, qu’ils soient tous là, qu’ils aient entendu le cri et, des présents plein les bras, embellissent de dignité la gravité du moment. Quelle illusion ! Quel fantasme au regard de la grand-guignolesque bouffonnerie théâtralisée par des têtes d’affiche attachées à leurs nombrils, à leurs carrières, sans l’ombre d’un regard, d’un émoi pour les gens du peuple, les sherpas de leur ascension. Chacun y va d’un bon mot, d’une rime, d’une riposte accomplie dans des effets de manche dont plus personne n’est dupe, dont tout le monde est lassé, agacé, fâché. Le Mozart de la finance, le maître des horloges a perdu le tempo, entraînant derrière lui une cohorte de solistes livrés à l’improvisation, au fiasco. Bruno, Olivier, Fabien, Jordan, Marine et Marine, François, Edouard, Jean-Luc, Mathilde, Gabriel et consorts, reprenez vos esprits, « quand le passé n’éclaire plus l’avenir, l’esprit marche dans les ténèbres ». Vous y êtes, nous y sommes, d’autres avant vous ont su construire dans le dialogue les éléments majeurs d’un contrat social entre tous les Français.

La soutenabilité en question

Il y a 80 ans, naissait la Sécurité sociale, œuvre titanesque coécrite par des militants syndicaux, des communistes, des gaullistes, des grands commis de l’Etat au sortir de la Grande Dépression de 1929 et, surtout, de la deuxième guerre mondiale. La France est à terre, des hommes, personnalités du Conseil national de la Résistance, Alexandre Parodi, Ambroise Croizat et Pierre Laroque créent une organisation « destinée à garantir les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature ». Généreuse idée, post-industrialisation, dont les bienfaits ont garanti la solidarité, l’égalité et l’universalité des droits à « contribuer selon ses moyens et bénéficier selon ses besoins ». Depuis 1945, la Sécurité sociale n’a cessé de se transformer, d’étendre ses bienfaits sur la petite enfance, la jeunesse, le logement, le cadre de vie, le handicap, l’insertion sociale, les non-salariés agricoles, le minimum vieillesse, l’assurance chômage, entre autres, et plus récemment encore sur la santé des étudiants, l’autonomie des personnes âgées, l’aide d’urgence aux victimes de violences conjugales. Un modèle unique, envié, dont on ne mesure pas toujours à leur juste valeur les bénéfices. Aujourd’hui cette institution française est critiquée, attaquée, menacée de réformes vraisemblablement nécessaires, mais éloignées du prisme racoleur et réducteur de la fraude démagogiquement accolée à certains publics, quand d’autres opèrent discrètement mais déshonnêtement en cols blancs. A présent, la soutenabilité de l’édifice est un défi lancé à nos parlementaires à condition, bien entendu, d’ouvrir la voie à un débat apaisé, responsable en regard de la solidarité et de la cohésion indispensables au bien-être de notre nation. En des temps bien plus sombres, d’autres ont su s’accorder pour reconstruire.  Est-ce illusoire de penser que l’élévation morale des bateleurs de la foire gouvernementale puisse désormais atteindre un tel sens de l’intérêt général ?

Georges Chabrier

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