Les Foullon appartiennent à une vieille famille angevine où l’on est magistrat de père en fils. Leurs origines se perdent dans le passé moyenâgeux. Pour notre part, nous nous intéresserons exclusivement à Joseph-François, le personnage le plus remarquable du clan dont la fin tragique est restée dans toutes les mémoires. Notre homme naît le 25 juin 1715 à Saumur. Son père, Joseph-Honoré Foullon, sire de Chaintres – paroisse de Dampierre – est lieutenant général criminel de la sénéchaussée, ville et ressort de Saumur [1]. La mère de Joseph s’appelle Anne Fouyer. Nous connaissons peu de choses de l’enfance de Joseph. On peut penser qu’il fit ses études au collège des Oratoriens à Saumur. Rappelons au passage que les religieux possèdent leur vignoble à Chaintres. Il commence sa carrière professionnelle en tant qu’avocat à Saumur, puis il prend le chemin de la capitale. D’emblée, il bénéficie de la protection du comte d’Argenson, chancelier du duc d’Orléans. Il fait un stage au Parlement de Paris avant de travailler chez plusieurs avocats célèbres de l’époque. Il découvre alors la vie parisienne.
En 1743, éclate la guerre de succession d’Autriche. Le roi Louis XV part combattre en Flandre à la tête de son armée. Foullon déroge à la tradition familiale et profite de l’occasion pour intégrer une « commission de commissaire des guerres ». Sa charge consiste, avec le grade de capitaine, à surveiller l’intendance des troupes en campagne. Il contrôle également la masse, c’est-à-dire le budget, ce qui peut être rémunérateur. Les commissaires de guerre ont la réputation d’être quelque peu filous. Certains s’enrichissent plus vite que ne le font les magistrats ! Foullon assume ses fonctions et participe à onze sièges militaires, notamment à ceux de Tournai, d’Ostende. Il est présent à la bataille de Fontenoy. Parallèlement à sa carrière militaire, Foullon n’oublie pas ses affaires personnelles. En 1747, il fait un beau mariage en épousant Isabelle Van der Dussen, fille d’une noble famille des Pays-Bas. Le couple aura quatre enfants : une fille et trois garçons. Suite à quelques victoires militaires de l’armée française, Foullon monte en grade. Lorsque la paix d’Aix-la-Chapelle est signée, il est félicité pour son efficacité et nommé « commissaire-ordinateur des guerres ». Sa tâche n’est pas une mince affaire : il doit veiller à l’approvisionnement du corps d’armée du prince de Soubise qui compte 35 000 hommes ! On l’accuse alors de pratiquer des réquisitions impitoyables, voire des pillages. Qu’importe ! A l’issue de la guerre de Sept-Ans, Joseph-François Foullon est un homme riche.
En 1760, il achète la charge de maître des requêtes ce qui lui vaut d’être nommé « chef de bureau au ministère de la guerre ». Choiseul, le célèbre ministre, le nomme « intendant de la guerre et de la marine ». Il est écrasé de travail. On le soupçonne de n’être pas pour rien dans l’installation du corps royal des Carabiniers à Saumur en 1763. Foullon, qui a hérité des Basses-Minières à Doué à la mort de son père, achète la baronnie de Doué et en prend le titre. Il intervient pour la remise en état de la fameuse fontaine qui est alors un atout pour la ville et ses foires aux bestiaux. Parallèlement à ses acquisitions angevines, le nouveau baron achète le château de Morangis dans la région parisienne et un hôtel à Paris au 77 de la rue des Fossés-du-Temple.
Joseph-François poursuit son ascension : en 1771, il est nommé « intendant des finances ». Choiseul, qui est tombé en disgrâce, le qualifie « d’insigne fripon » dans ses mémoires. Il s’est trouvé un nouveau leader dans la personne de l’abbé Ternay, le successeur de Choiseul. Foullon est détesté de toutes parts. L’abbé Baudeau écrit : « Ces chefs de bureau venus à Paris en sabots, ont des hôtels, des carrosses, des charges, des terres en justice. Où prennent-ils ces fonds ? Dieu sait, et aussi quand nous seront délivrés de ce petit despotisme subalterne ». La mort de Louis XV contrarie les espoirs de Foullon. Turgot a remplacé l’abbé Ternay. Foullon se replie sur Doué où il fait construire un somptueux château sur sa terre des Hautes-Minières. Il fait appel à Denis Antoine, l’architecte de l’Hôtel des Monnaies de Paris. En ce qui concerne sa vie d’homme public, il caresse toujours l’espoir de devenir ministre. Il participe à toutes sortes d’intrigues qui lui valent une lettre de cachet du roi l’exilant dans sa terre de Doué. En 1788, le roi Louis XVI rappelle Necker. Foullon voit ses dernières chances s’envoler. Il commence à être âgé et il a perdu sa fille et son épouse.
A Paris, la Révolution gronde, les événements se précipitent. Les Etats Généraux se transforment en « Assemblée nationale ». Le 23 juin 1789, le roi Louis XVI déclare illégales toutes les mesures adoptées et menace les députés du Tiers. Des troupes, comptant plus de 30 000 hommes, arrivent à Versailles. La noblesse pense avoir partie gagnée, mais la colère monte dans le peuple. A l’annonce du renvoi de Necker, le ministre des finances, Paris s’insurge. Des attroupements se forment dans les quartiers, des commerces sont pillés. La bourgeoisie prend peur et se constitue une Garde nationale. La prise de la Bastille est le point de non-retour. Louis XVI hésite à faire couler le sang des Français. Necker, l’idole des Parisiens, est rappelé. Les notables sentant venir les vents mauvais ont déjà fui la capitale. Foullon en fait partie, mais alors qu’il a demandé un passeport pour quitter Paris, il se ravise et décide de rester afin de ne pas donner l’image d’un coupable qui fuit ses responsabilités.
On l’invite à Versailles et on lui propose l’administration du département de la guerre. Il refuse et rentre à Paris. Il échafaude une fuite vers Besançon. Avant son départ, il apprend que son gendre, Bertier de Sauvigny, a été arrêté à Compiègne. Foullon quitte Paris à pied et se rend à son château de Morangis. Là, sa concierge lui conseille de se rendre chez son ami, l’ancien lieutenant général de police Gabriel de Sartine [2] à Viry, mais celui-ci a également pris la fuite. Foullon l’attend. C’est alors qu’il est arrêté.
Foullon est bien connu et haï des Parisiens. On l’accuse d’avoir dit lors de la cruelle disette qui frappait la capitale : « Eh bien, si cette canaille (le peuple) n’a pas de pain, qu’il broute de l’herbe. Je leur ferai manger du foin : mes chevaux, eux, en mangent bien ! ». Le 22 juillet 1789, il est ramené à Paris et conduit à l’Hôtel de Ville où une foule ivre de colère réclame sa mort. Le commandant de la Garde Nationale, monsieur de la Fayette s’interpose et déclare que Foullon doit être conduit en prison et subir un procès en bonne et due forme. Le peuple n’en a cure. Il envahit la salle des électeurs, se saisit du malheureux et le pend au réverbère de la rue de la Vannerie. Ensuite, on lui tranche la tête, on la plante au bout d’une pique et on l’exhibe dans toutes les rues autour du Palais-Royal.
A son décès, Joseph-François Foullon avait 74 ans. Il est considéré comme la première victime « à la lanterne » de la Révolution française. A la nouvelle de la mort de Foullon, le château de Soulanger est pillé. La population y pénètre et met le feu aux meubles et aux documents contenus dans la salle dite du trésor. Aujourd’hui, le château n’existe plus. N’en subsistent que les soubassements. Restent les remarquables bâtiments des écuries qui abritent le Musée des Anciens commerces. En reconnaissance aux heureuses mesures prises par Joseph-François en faveur de la ville, une rue du centre-ville de Doué-la-Fontaine porte son nom.
Bibliographie :
– Société des Lettres, Sciences et Arts du Saumurois, bulletin hors-série Compte rendu de la journée Foullon, n° 139 bis, décembre 1990, Saumur.
– PORT Célestin, Foullon (Joseph-François), Dictionnaire historique, géographique et biographique de Maine-et-Loire, 1989, 2e éd. (1re éd. 1874-1878), p. 179.
[1] Dans le roman historique inspirée de faits réels Le crime de Monnaie de Gino Blandin, c’est ce monsieur qui instruit l’affaire.
[2] Dans la série policière Les enquêtes de Nicolas Le Floch de Jean-François Parot, monsieur de Sartine est le supérieur hiérarchique du héros.
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