Edito du Kiosque : Black Friday à l’Assemblée

La France va mal. Pendant ce temps-là, nos hommes politiques se complaisent dans des manigances, des basses besognes déshonorantes. Le clientélisme éclipse la nécessaire responsabilité du moment.
Photo AFP

En politique, tout comme en économie, il existe des sociétés dont l’ambition commune et légitime est la prospérité. En ce sens, elles oeuvrent sans relâche pour accroître leur aisance, enjôlant à grands battages d’annonces les clientèles, seules détentrices de la bonne ou mauvaise de toutes les prétentions. Il faut plaire, attirer, puis cajoler, bichonner pour transformer en acte d’achat et ajouter au panier les denrées saturées de fructose publicitaire. Alors on brade, à bas prix, sa production, sa marchandise matérielle ou intellectuelle pour gonfler son capital, se penser et s’honorer d’être, pour un temps, le fournisseur unique de consommateurs tendrement alanguis. La concurrence est féroce et le discount fait force de loi dans l’univers impitoyable de cette compétition banalisée. Le moins cher, le pas cher sont tendance, pourvu qu’on vende beaucoup, éperdument, de tout, de tout. Et à tous, clients d’un jour, réguliers, potentiels ou, élogieusement, V.I.P. promus dans un court instant de reconnaissance. Ce qui était exceptionnel est désormais commun, les soldes succèdent aux soldes, aux braderies et, point d’orgue, aux Black Fridays ressuscités pour la bonne cause justifiant leur avènement, en 1930 aux Etats-Unis. Au sortir de la grande crise de 29, en effet, l’initiative fut prise de relancer l’économie par une offre abondante de biens proposés au rabais. Histoire d’alimenter superficiellement les fonds de commerce et transformer le rouge de leurs bilans, en noir, en black d’espérances fructueuses.

Ennemis et complices

Plus personne n’ignore aujourd’hui le « vendredi noir » et sa cohorte de promotions, de brocantages ancrés au business courant de la médiocrité, exonéré des effets pervers de sa prospérité. Indignement, personne ne veut savoir, les yeux clos pour ignorer les enfants esclaves exploités pour extraire le lithium ou le cobalt de nos smartphones ou confectionner les plus beaux effets de Mango, Next ou autres H&M. Ou bien encore nos paysans en faillite, à mendier des centimes pour un litre ou un kilo, une aumône que les distributeurs reversent sur les cartes fidélités pour ferrer leurs chers clients. Ces clients roi, prétexte à tous les excès et aux couardises de pouvoirs sous influence des lobbys de la grande industrie. Car nos chers politiques, eux aussi, ont leurs préoccupations et obligations pour grossir le cheptel d’électeurs assurant la bonne santé de leurs comptes, la bonne fortune de leur destin. En ces temps de tangage, leur comportement nauséeux est tout entier consacré à la flagornerie de leur clientèle abreuvée de tweets dont la spontanéité n’a d’égal que l’inanité et, pire encore, la vanité, l’écume de leur suffisance. Les préjugés, les dogmes et les calculs gouvernent nos assemblées soumises à l’enchère et au chantage de forces ennemies, complices, selon l’heure, le jour, la résistance ou la soumission d’un Premier ministre impuissant. Le gouvernement va tomber, demain, après-demain, le suivant aussi, le Président peut-être, Mélenchon, Le Pen, Attal, Philippe, Wauquiez, Darmanin, Le Maire ou autres Faure attendent quant à eux des présidentielles. Plus que jamais les personnes et leurs destins personnels dépassent les fonctions au détriment marqué de l’intérêt général. Les électeurs s’en souviendront, à moins qu’une « black » campagne démagogique ensorcèle les populations pour acheter les suffrages de l’oubli.

Georges Chabrier

 

 

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