Edito du Kiosque : Free et Orange : la fibre des champions

Les occasions se multiplient de vérifier l’éloignement coupable des grandes institutions commerciales dans leurs relations avec les clientèles. Un véritable rempart s’est instauré pour éluder le dialogue après l’acte de vente. Une précaution qui déshumanise les rapports et masque parfois l’indigence de leurs services.

Il était une fois un client campé dans l’impatience d’être livré d’une commande indispensable à la satisfaction de son présent bonheur. C’était fait. Il avait donc commis l’acte d’achat d’un produit émoustillant porté par des pubs exubérantes flattant ses envies de contemporanéité voire, pour l’exemple, un besoin essentiel à sa survie dans la sphère omnipotente du numérique. Il avait cédé, séduit ou obligé, à quelque offre commerciale enrubannée de promesses immodérées de performances, dans une totale sérénité. Bien entendu, il avait mûrement réfléchi avant de franchir le Rubicon et de verser finalement vers l’ubac du monde obscur de la téléphonie. SFR, Bouygues s’étant avérés en d’autres temps de mauvaises expériences, lui restait donc à enfourcher les étalons de la communication mobile, Free et le canonique héritier de France Télécom, Orange. Pour des raisons pratiques, de rapidité, c’est au premier nommé qu’il accordât ses faveurs pour s’équiper de l’indispensable, la fibre revendiquée dans tous les territoires « branchés ». Nous étions fin 2022, lorsque ce cher client, votre serviteur, s’apprêtait à emménager dans de nouveaux bureaux plus vastes et adaptés à son activité nécessairement connectée pour collecter et diffuser de l’information. L’affaire allait bon train sur les rails de l’efficience commerciale des forces de vente de Free, formées à bonne école d’un PDG milliardaire, le savoureux Xavier Niel. Un intangible expert en « start-upping » de l’échange à distance et des profits engrangés par les plaisirs virtuels, comme ceux de la chair dont il alimentait les passions sur le Minitel rose, dès 1984. Prescription oblige, le « serial entrepreneur » a désormais pignon sur rue, est devenu respectable et forme dans ses multiples écoles d’incubation ses « babies-vendeurs » à fort potentiel. En trois clics, nous nous engageâmes, nantis d’une flotte de téléphones portables et d’un rendez-vous sous quinzaine pour l’installation de la miraculeuse FreeBox. Comme le serine l’enseigne, « une connexion rapide et fiable » nous était garantie à condition, bien entendu, d’être éligibles à la fibre, ce qui était le cas selon les services de déploiement de l’ardente marque. Chose promise, chose due. Après deux rendez-vous infructueux, sans nacelle idoine, se présentât un duo enfin équipé pour l’escalade d’un poteau faisant face à l’immeuble, sur lequel trônait majestueusement le boîtier nourricier posé par Anjou fibre. On grimpe, on tâtonne, on branche, on tire un câble disgracieux au-dessus de la route, pour rejoindre le bâtiment, on retâtonne, reperce une paroi vers le premier étage et, triomphant, on annonce que c’est fini. Hip hip hip hourrah, la performance est imprudemment saluée car demeure une dernière manœuvre, une formalité, le petit détail dans lequel se niche parfois le diable. Désormais, il convient de valider la ligne. Un simple appel à Anjou fibre et une réponse homérique : « aucune disponibilité » sur cet immeuble recensé comme une maison d’habitation déjà dotée. Merci Free, vous nous avez vendu un service qui n’existe pas et désormais débrouillez-vous !

Belote et rebelote

Un hiver, un printemps, un automne plus tard, nous sommes toujours à la case départ. En effet, cet immeuble d’après-guerre, de 1800 m², ne possédant pas d’adresse référencée, il fallut l’intervention diligente de la mairie de Varrains pour lui offrir un nouvel acte de naissance. Inouï, mais bien insuffisant pour avancer comme nous l’espérions avec l’incontournable Anjou fibre dont la validation technique n’intervint que le 15 décembre 2023. Après, vous vous doutez bien, mille relances à tous les niveaux de la filiale de TDF. Mais bon, l’avenir nous souriant, de bonne grâce nous reprîmes espoir sous l’aile bienveillante de notre dernière option, Orange. Et rebelote, en trois clics nous nous engageâmes avec la promesse d’un rendez-vous dûment fixé quinze jours plus tard. Et rerebelote, annulation de dernier moment, report d’un mois, en principe, le 12 mars à 15h nous devrions disposer de la fibre. Eh ben non ! Que nenni, l’intervenant dépêché sur place s’en repartira impuissant à maîtriser l’intervention. Sur son portable, la fiche technique lui indiquait qu’il s’agissait d’une… maison à câbler par le sous-sol. Navré, seul et sans échelle, il s’en retourna vers son foyer, à Trélazé, sans indemnités, sans salaire, sans aucune ressource. La sous-traitance par des auto-entrepreneurs à un prix bien différent pour les donneurs d’ordre et les exécutants. L’uberisation du travail est une indécente réalité, une indignité qui récompense la laideur. Mais dans tout ça me direz-vous, alors, alors, elle en est où la fibre ? Eh bien, figurez-vous que la moutarde au nez, nous avons violemment toqué à la porte sensible de la direction de la communication d’Orange pour lui annoncer l’accouchement d’un pamphlet à paraître dans les colonnes du Kiosque. Petite prétention de notre part, mais grand effet parfaitement inattendu puisque, dès le lendemain, nous était annoncée l’arrivée en force d’une escouade de gilets jaunes logotypés. Quatre véhicules et cinq techniciens de la maison mère rien que pour nous, pour vaincre la montagne de difficultés que représente le raccordement à la fibre. L’amabilité et l’aménité de toutes les personnes qui se sont employées à notre cause n’ont d’égal que leur désarroi face au désordre et l’inhumanité de leurs conditions. Le 13 mars vers 17h30, notre Box clignotait d’un œil indifférent et réaliste. Depuis, quelques voix douces et apaisées nous ont promis un geste commercial, des attentions particulières et, cerise sur le gâteau, un rendez-vous le 23 mars prochain pour l’installation de notre fibre !  On croit rêver, mais « Orange est là » comme le souligne la nouvelle signature d’une marque qui brille par son éloignement des gens qui l’enrichissent. Hélas, elle ne fait guère exception chez tous ces illusionnistes qui nous vendent du rêve, nous rendent dépendants et se nourrissent en nous méprisant.

Georges Chabrier

 

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