La toute puissante église catholique se cherche un nouveau guide, le 266e successeur de saint Pierre, premier pape de Rome. Passée la cérémonie des funérailles de François, Jorge Mario Bergoglio, la chapelle Sixtine s’est donc coupée du monde pour reclure les 135 cardinaux appelés à élire le chef spirituel de 1,4 milliard de fidèles. Sous les fresques iconiques de Michel-Ange, la genèse du Vatican va s’enrichir d’une nouvelle écriture dans les volutes d’une fumée blanche annonciatrice de réussite. « Habemus papam », nous avons un pape, proclamera bientôt le protodiacre (le doyen), depuis le balcon de la basilique Saint-Pierre. Les pronostics vont bon train, jusque chez les bookmakers anglais supputant commodément la victoire du numéro 2 actuel, sans considération des alliances et tractations très prospères dans les coulisses du Saint-Siège. Dans un contexte géopolitique tourmenté, la synthèse s’annonce délicate et parfaitement imprédictible. Préservée du pire, à jamais enfoui dans l’histoire toxique des maudits, les Jean XII, Benoît IX, Urbain VI ou Alexandre VI (Borgia), meurtriers, cupides, dépravés, corrompus ou népotistes, l’Eglise d’aujourd’hui est fracturée, en mal de consensus face aux courants progressistes et conservateurs. Dans la lignée des réformistes, Jean XXIII et Jean-Paul II, le pape François a cristallisé une véritable exécration de la part des traditionalistes et identitaires. Ses engagements pour les plus humbles, les migrants, sur l’homosexualité, le dialogue interreligieux et l’écologie ont attisé les foudres des radicaux. Ceux de la « véritable Eglise », incarnée par l’ultraconservateur prélat guinéen Robert Sarah, favori déclaré de JD Vance, bras droit de Trump, et plus généralement de toutes les mouvances d’extrême droite. Porté par ces forces montantes sur les médias convertis, Sarah compte parmi les préférés des complotistes très actifs sur les réseaux sociaux.
Jean XXIV de Marseille
Malgré tout, les 80% de cardinaux nommés par François devraient permettre de maintenir la catholicité dans « l’unité, pilier de l’œcuménisme ». En ce sens, le chouchou des pronostiqueurs, l’italien Pietro Parolin, tient la corde. Secrétaire d’Etat du Saint-Siège depuis 10 ans, il maîtrise les arcanes et la diplomatie sophistiquée de l’institution. Mais l’Histoire ne l’entend pas ainsi pour les plus nominés et les numéros deux, régulièrement coiffés sur le poteau. De retour d’Oulan-Bator (Mongolie) où il était allé à la rencontre des mille quatre cents fidèles de sa communauté, François s’était malicieusement épanché sur une allégorie papale inhérente à son héritier. Un Jean XXIV, surnom communément attribué à un de ses plus proches, archevêque du diocèse de Marseille, le cardinal Jean-Marc Aveline. En septembre 2023, d’ailleurs, durant deux jours, sous l’égide bienveillante de Notre-Dame-de-la-Garde, la cité phocéenne accueillit le Saint-Père qui célébra une messe au stade Vélodrome, devant 60 000 tifosis survoltés. « Actibus immensis urbs fulget massiliensis », la ville de Marseille resplendit par ses hauts faits. Puisse le ciel lui donner raison ! Depuis 1370, et Pierre Roger de Beaufort, dit Grégoire XI, aucun prélat français n’a présidé aux destinées planétaires des catholiques. En ce temps-là, le conclave n’avait duré qu’un jour, mais, peuchère, que fut belle la surprise.
Georges Chabrier
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