Edito du Kiosque : Les ronds-points de septembre

Le dernier rapport de l’Insee est sidérant. Près de 10 millions de Français vivent sous le seuil de pauvreté. Les inégalités fabriquent la misère. La classe politique, dans son ensemble, détourne hypocritement les yeux sur ce phénomène de paupérisation explosible.
AFP

Tout augmente. Peu ou prou, pour les salaires des classes moyennes, les pensions de retraites et les prix à la consommation courante. Bien davantage, pour les classes supérieures fertilisées par la valorisation des revenus financiers. Tout augmente ! Même, fâcheusement, le taux de pauvreté affectant désormais près de 10 millions de Français, soit près de 16% de la population. La tendance reste haussière, pour les chômeurs, les familles monoparentales ou nombreuses, les handicapés, les enfants, les jeunes et des milliers de micro-entrepreneurs, foule toujours silencieuse cantonnée sur le seuil de la survivance. Confrontée quotidiennement à l’insuffisance de moyens pour assurer ses besoins essentiels, se loger, se nourrir, se soigner ou s’habiller. La pauvreté n’est pourtant pas une fatalité, un avatar de l’existence, elle est le résultat de l’action combinée, impropre, de pratiques politiques, économiques et sociales. De la défaillance d’une communauté qui détourne le regard, ignore cette gangrène mortifère pour hypocritement mener bataille pour l’égalité des chances, des genres. L’égalité du clientélisme électoral, contre l’inégalité des misérables, des taiseux. Tous les délaissés d’une classe politique indigente, noyée dans le lugubre entonnoir de la démagogie, aspirée dans le siphon d’eaux troubles déversées sans recul dans des tweets, des posts, au plus vif et au plus bas de ses réflexes.

Angoisses, colères, agitations

La Gauche n’est pas en reste. Lessivée par des combats intestins destructeurs, elle s’est inexorablement affranchie de son socle populaire parti cimenter les assises du Rassemblement national. Ainsi, pendant que nos élites ferraillent à fleurets acérés pour rhabiller à leur avantage le plan austère d’un Premier ministre soumis à leurs foucades, des gens souffrent. Des gens se saignent. Aujourd’hui, un quart de notre population se prive sur les repas et n’a pas les moyens de partir en vacances. Pas même une semaine, pour les 63% vivant en ville et notamment dans les quartiers populeux cruellement gangrénés par la délinquance, dévalorisés et stigmatisés dans le halo des fumées, des lacrymogènes, des tensions théâtralisées. Le nombre de personnes déshéritées, privées de conditions de vie décentes s’accroît. Tout augmente. Les angoisses, les colères, les agitations, les risques réels d’agrégation de révoltes latentes, larvées, explosibles. Tout augmente. Même les probabilités de voir resurgir spontanément une couleur somnolente de la protestation. Le jaune ardent de nos ronds-points.

Georges Chabrier

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