Editorial du Kiosque : La trêve des confiseurs

Dans sa tradition, Noël demeure une fête de famille par excellence, un rassemblement intergénérationnel autour des enfants et des grands parents qui privilégie l’échange et le partage. Mais, au-delà du cercle de leurs proches, nombreux sont ceux qui s’engagent individuellement ou en association pour exercer des solidarités à l’endroit de ceux qui subsistent, dans la solitude, l’indigence ou le malheur. Noël peut être joyeux au pied du sapin, il n’est de bon Noël que dans les cœurs.
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Les fêtes de fin d’année marquent un temps particulier dans les éphémérides écrites de nos rendez-vous incontournables. En cette période où le temps suspend son vol, nous aurions tout loisir, en effet, pour retrouver la paix et la joie. Un vrai bonheur rythmé par le tintement des grelots d’un traîneau de papa Noël ou des cloches qui martèlent les douze coups du basculement vers l’an nouveau. On appelle ça la trêve des confiseurs, vieille tradition des parlementaires de la Troisième République moqués pour leur embonpoint par la presse satirique de l’époque. Nous sommes en 1874 et cette République naissante et menacée réformera finalement la France jusqu’en 1940 et la signature de l’armistice avec l’envahisseur allemand. Investi des pleins pouvoirs, le maréchal Pétain installera « l’Etat français », petite dictature cocardière aux ambitions cachées. A l’heure où nos dirigeants nous incitent à porter le col roulé dans nos maisons chauffées à 18°, brandissent çà et là la menace de coupures intempestives de notre électricité, il est utile de mesurer le confort de nos existences en regard des calamités qui jalonnent le calendrier de l’Histoire. De ses heures les plus sombres à aujourd’hui, alors que résonnent les canons de la guerre aux quatre coins du monde. Si la distance atténue les effets assourdissants du feu destructeur tiré dans de lointaines contrées – Ethiopie, Yémen, Syrie, Afghanistan…-, il en est d’autres qui résonnent à nos tympans dans un flot nourri des pires atrocités.

L’hirondelle du printemps

Toute guerre est un manichéisme, disait Sartre, et dans l’expression cireuse de son regard blafard, Poutine s’arroge le camp du bien pour justifier le mal et détruire ses avatars, frères ukrainiens. Comme il l’a fait à Alep en 2015, il bombarde aveuglément pour éradiquer la vie, la culture et l’histoire. Pour rien, sinon satisfaire ses pulsions machiavéliques et conforter par tous les moyens son empreinte tsariste. Qu’importe s’il faut tuer, piller, violer, affamer, enlever des enfants, plonger tout un peuple dans le néant, il dort en paix dans le confort ouaté de sa fédération dorée, à l’abri de l’hiver que subissent la plupart de ceux qu’il gouverne et bien plus encore de ceux qu’il extermine. Pour ces derniers, il n’y aura point de trêve des confiseurs, emmitouflés dans le froid, la faim et le chagrin ils survivront, si les cieux leur prêtent vie, en attendant qu’une hirondelle vole de nouveau dans leur maison (« shchedryk », petite comptine d’Ukraine). C’est Noël pour eux aussi à qui nous devons penser, simplement, solidairement, sans oublier que la sale guerre qu’il expérimente sur ce territoire, Poutine la promet aussi à l’Occident. Malgré tout, c’est Noël pour tous et si nous sommes encore épargnés d’une menace extrême, n’oublions pas que chez nous aussi des enfants, des femmes des hommes, des étudiants, connaissent la faim, la précarité, des maux que notre société confortable ne devrait pas connaître. «Au royaume de l’espoir, il n’y a pas d’hiver» selon un proverbe russe. J’ai donc décidé de ne pas m’offrir de veste chauffante car que je crois en la résurrection des consciences.

Georges Chabrier

Commentaires 3

  1. Francis Prior says:

    Merci de cet éditorial, sachons partager nos vigueurs pour préserver notre bien le plus précieux, la République.

  2. FROUMENTY Raymond says:

    Très bel édito.

  3. Superdeg says:

    Ouais, une République autocratique, une constitution bancale, il faut une république avec un petit R mais avec une belle constitution sans le 49-3, et pui arriver à être libre, à être relativement égaux et être au minimun cousins, surtout que tout le monde est les mêmes droits et les mêmes devoirs

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