Ils, elles sont passé(e)s par Saumur. Chronique de Gino Blandin : Eugène Bonnemère « L’historien des paysans » 

Cette rubrique bimensuelle, orchestrée par Gino Blandin, auteur saumurois et ancien président de la Société des Lettres de Saumur, se propose de brosser le portrait des personnalités qui, au fil du temps, sont venues à Saumur au cours de leur existence. Aujourd’hui, Eugène Bonnemère « L’historien des paysans » (1813-1893).
Eugène Bonnemère « L’historien des paysans » 

Il y a plusieurs familles Bonnemère à Saumur. La rue qui porte ce nom aujourd’hui, rappelle le souvenir d’Aubin Bonnemère qui participa à la prise de la Bastille, le 14 juillet 1789. Dans cette rubrique, nous parlerons de l’historien et écrivain Eugène Bonnemère. Ayant beaucoup écrit dans des revues qui n’existent plus, il n’a pas laissé un grand souvenir ni sur le plan national ni régional. Il est pourtant l’auteur d’une vingtaine de livres. Joseph Eugène Bonnemère voit le jour à Saumur le 21 février 1813 dans une famille très stricte. Il est d’abord scolarisé à Saumur, mais constatant ses facilités à apprendre, à l’âge de 14 ans, ses parents lui font terminer ses études au Lycée Henri IV à Paris. Il y fait du droit.

Au collège de Saumur, il avait rencontré Charles Dovalle de Montreuil-Bellay qui était un peu plus âgé que lui. Ils habitent ensemble rue de la Harpe à Paris. Dovalle écrit des poèmes et pige dans Le Figaro. Il meurt à 22 ans lors d’un duel contre le directeur du Théâtre des Variétés. Victor Hugo préface son livre de poésie qui paraît à titre posthume.

En 1831, Bonnemère entre à la toute nouvelle Ecole centrale des arts et manufactures, qu’on appelle dorénavant Centrale, mais ses études s’interrompent pour des raisons de santé. Il termine son Droit et devient avocat. Eugène Bonnemère se marie en 1843 et le couple s’installe à la Félonnière à Louerre. Eugène partage alors sa vie entre Paris et Angers. Il collabore à un grand nombre de journaux : La Revue de Paris, La Démocratie pacifique, Le Précurseur de l’Ouest et autres. Il écrit plusieurs pièces de théâtre qui sont données à Angers.

Il rencontre bientôt le monde paysan. Sa belle-famille l’a introduit dans la Société Industrielle où il découvre l’évolution qui fait passer l’agriculture au stade mécanique avec d’importantes machines et de nouvelles organisations. Il sympathise particulièrement avec René-Pierre Girraud-Lesourd qui travaille principalement en Algérie. Il fait entrer Eugène dans l’Union du Sig qui gère un territoire près d’Oran, pour tenter d’y appliquer les théories du Fouriérisme, une sorte de socialisme utopique. Eugène découvre également le mouvement saint-simonien, un courant de pensée qui propose une transformation radicale de la société en jetant les bases d’une utopie industrielle.

Avec un ami, il fonde une revue horticole Le Journal d’agriculture pratique, de jardinage et d’économie domestique. Il écrit dans un grand nombre de journaux nationaux où il affiche son athéisme et son matérialisme. En 1846, il participe à un concours dont le thème est : « Des causes qui engendrent le mouvement des populations agricoles vers les grands centres manufacturiers, et des moyens d’y remédier ». Il est primé. Dans son texte, il déclare : « Est-ce que tant de millions d’hommes ont passé sur la terre, la baignant de leurs sueurs et la fécondant de leurs travaux, sans avoir mérité de laisser seulement un souvenir ? Pourquoi tant de bruit autour de ceux qui ravagent la terre et d’oubli pour ceux qui la cultivent ? »

A partir de 1858, il envoie des lettres économiques au Messager russe de Moscou. Eugène Bonnemère ne cherche pas à s’imposer par un style littéraire particulier, il est attentif à toutes tentatives pour organiser la société en fonction des besoins de toutes les catégories qui ont souffert de l’ancien régime. Parallèlement à cela, il écrit des livres d’histoire sur les guerres de Vendée, entre autres. Il produit également des romans. Plus surprenant, il s’intéresse au spiritisme. En 1869, quand le fondateur de la Société parisienne des études spirites, Allan Kardec, décède, il en devient le président et ce, jusqu’à la fin de sa vie. Bonnemère entre au conseil municipal de Louerre en 1870. Pendant la guerre, il assume l’intérim du maire avant de le devenir en 1892. Il le reste pendant la dernière année de sa vie. Il meurt le 1er novembre 1893 à Louerre, remplacé à la mairie par son fils Lionel.

Il y a tout lieu de penser qu’Emile Zola avant d’écrire La terre ait lu L’Histoire des Paysans au XIXe siècle d’Eugène Bonnemère. Homme de la ville, Zola y trouva une description précise des conditions de vie des gens de la campagne.

De nos jours, la rue de Louerre où se trouve la Félonnière s’appelle « Rue Eugène Bonnemère (homme de lettres – 1813/93) ».

Bibliographie : BEAUVOIS Louis-Marie, Un historien témoin de son époque, né à Saumur, mort à Louerre, avec des projets pour l’avenir du monde, in bulletin de la Société des Lettres, Sciences et Arts du Saumurois,  n° 172, mars 2024                  

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