Philippe de Mornay naît le 5 novembre 1549 à Buthy un petit village du Val d’Oise actuel. Il voit le jour à l’époque où débutent les terribles « Guerres de religion ». Son père est un ardent catholique tandis que sa mère adopte la Réforme. Elle instruira ses enfants dans cette nouvelle religion. On connaît mal l’enfance de Philippe. En 1576, il épouse à Sedan une jeune veuve, Charlotte Arbaleste. Celle-ci a échappé de justesse au massacre de la Saint-Barthélemy. Elle rédigera plus tard les Mémoires de son mari qui seront un témoignage crucial pour la compréhension de cette période tragique.
Ayant adopté la cause des réformés, Philippe Duplessis-Mornay entre d’emblée en politique. La situation est très délicate. Les Catholiques et les Protestants ne manquent pas une occasion d’en découdre militairement. Il estime que la cause protestante ne pourra trouver sa place dans le pays que sous la conduite d’un prince de haut rang. Il décide de s’engager auprès d’Henri de Navarre, le futur roi Henri IV.
Philippe a lui aussi échappé de peu au massacre de la Saint-Barthélemy. Intellectuel brillant, il devient le conseiller et l’ambassadeur d’Henri de Navarre. Il travaille tout particulièrement au rapprochement entre celui-ci et le roi de France Henri III. En 1589, le souverain cède à Henri de Navarre la place forte de Saumur lequel la confie aussitôt à son bras droit : Philippe Duplessis-Mornay. Ce dernier va rester gouverneur de la ville pendant 32 ans.
On raconte que le jour de la passation des pouvoirs, le 15 avril 1589, le gouverneur catholique de la ville aurait fait tomber les clés de la cité et c’est Martin Ruzé de Beaulieu, secrétaire d’Etat, au nom d’Henri III, qui les aurait ramassées puis remises à Duplessis, le consacrant « gouverneur et lieutenant général en la ville, château et sénéchaussée de Saumur ». Dès le lendemain, Henri de Navarre, pas encore Henri IV, débarquait avec son armée de 300 salades, (soldats portant des casques ronds, les « salades ») et 700 arquebusiers à cheval.
L’époque des grandes tueries était passée mais Duplessis pressentait sûrement que l’accalmie n’était que passagère. C’est pourquoi la première tâche qu’il entreprit fut de lancer une impressionnante campagne de travaux pour renforcer les fortifications de la ville. Il fit construire un bastion autour du quartier nord de la Croix-Verte, sur la rive droite, puis un autre autour du quartier Saint-Nicolas sur son flanc Ouest. Le château se vit entouré d’une puissante fortification qui le mettait à l’abri de l’artillerie de l’époque.
Dans le même temps, Duplessis décida de fonder une Académie protestante, c’est-à-dire un établissement d’enseignement supérieur destiné à former les pasteurs et les cadres suivant les préceptes de la nouvelle religion. Calvin avait fondé un premier établissement de ce type à Genève en Suisse. Il en existait déjà un certain nombre sur le territoire, mais aucun n’atteindra la notoriété de celui de Saumur.
En plein centre, Duplessis acheta un grand immeuble derrière l’Hôtel de ville en vue d’y installer son académie. Il eut d’emblée de hautes visées. Diplomate, il alla chercher les grands esprits de son temps partout en Europe. Les débuts furent difficiles, mais très vite la machine se mit en marche. Les étudiants accoururent de toute la France, d’Allemagne, de Suisse, d’Angleterre, de Hollande… A cette époque, les professeurs étrangers avaient accès à toutes les universités et académies du pays. Une fois nommés, ils jouissaient du même statut que les professeurs français. Tous les savants européens formaient alors une société intellectuelle dont le point commun était la langue véhiculaire : le latin. Les barrières linguistiques étaient ainsi gommées car tous étaient capables de s’exprimer dans cette langue. A l’Académie de Saumur les professeurs enseignaient en latin. Il fallait en avoir une parfaite connaissance pour s’y inscrire. Dans ce but, Duplessis créa un collège pour préparer les élèves à entrer à l’Académie. Les 400 étudiants de l’Académie, les 250 élèves du Collège, leurs professeurs, les imprimeurs et tous ceux qui gravitaient autour firent alors de Saumur une cité très dynamique : « la seconde Genève ».
Duplessis-Mornay connaissait bien Henri IV et le savait peu fiable. Ce dernier adjura en 1593 pour réclamer le trône dont il était l’héritier légitime. On devine le malaise que cela créa dans le cercle de ses partisans. Duplessis aura un rôle essentiel dans l’élaboration de l’Edit de Nantes.
En 1605, Duplessis perdit son unique fils, tué lors d’une bataille aux Pays-Bas. Charlotte Arbaleste, épuisée de douleur et de maladie, s’éteignit l’année suivante.
En 1610, Henri IV est assassiné ; Duplessis-Mornay se trouve alors dans une situation fort inconfortable. La reine-mère Marie de Médicis et le jeune roi Louis XIII, ardents catholiques, mettent tout en œuvre afin que des ordres catholiques s’installent à Saumur afin de contrebalancer la présence huguenote. C’est ainsi qu’arrivent les Capucins d’Offard (1609), les Récollets (1612), les Ursulines (1619), les Oratoriens (1619) et plus tard les Visitandines (1647). En 1611, Duplessis publie un livre intitulé Le Mystère d’iniquité dans lequel il annonce que le pape est l’Antéchrist en personne ! Il est condamné par la Sorbonne.
La fin du règne de Duplessis est difficile. Des incidents violents éclatent à Saumur entre Catholiques et Protestants. Venant de Tours en bateau, le 11 mai 1621, Louis XIII à la tête de ses troupes, entre dans Saumur. Duplessis est suspendu de sa charge de gouverneur.
Philippe Duplessis-Mornay se retire alors dans sa baronnie de La Forêt-sur-Sèvre. Il meurt d’une attaque d’apoplexie le 11 novembre 1623.
Bibliographie : POTON de XAINTRAILLES Didier, Duplessis-Mornay, le pape des huguenots, Editions Perrin, Paris, 2006
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