En un temps lointain, un moine défroqué ébranlait joyeusement la bien-pensance morale et intellectuelle de ses contemporains. À travers les outrances de ses insatiables personnages, Gargantua et Pantagruel, il exhortait joyeusement au savoir, au plaisir, à rompre l’os pour en tirer « la substantifique moelle ». François Rabelais aimait le verbe, la ripaille et, d’un ton badin, inspirait le sens profond de l’humanisme et de la vie. Toute une éducation dispensée dans l’exquise abbaye de Thélème, sans devoirs de discipline, d’indigence ou de chasteté. « Fais ce que tu voudras » était la devise de cette honorable institution où concorde et paix, fortune et abondance façonnaient l’assise d’une société radieuse et fraternelle. La quête existentielle du plaisir dans un partage charitable. De cette philosophie gaillarde s’inspirent aujourd’hui des célébrations florissantes organisées dans nos villes et campagnes pour nourrir de noirs desseins. On y boit, fait bombance, festoie, on danse et on chante dans les senteurs de terroirs préemptés pour embrumer les idées, enivrer les pulsions larvées des réflexes identitaires. Les plus belles fêtes de France, à Aix, Rennes, à Paris et ailleurs, les Filets bleus de Concarneau, le Chant des marins bretons, les Nuits du bien commun, se ressemblent et rassemblent dans le strass et les paillettes d’agapes organisées par des pseudos philanthropes bien peu rabelaisiens. Ces concentrations festives constituent, en fait, un dérisoire élément d’une galaxie dont la cohésion est assurée par la gravitation de thèses d’extrême droite… et l’argent facile de milliardaires de l’ombre, tel Pierre-Edouard Stérin, funeste géniteur du projet Périclès. Un acronyme de Patriotes, Enracinés, Résistants, Identitaires, Chrétiens, Libéraux, Européens, Souverainistes.
Bureau de la foi
Tout un programme pour distiller la pensée d’idéologues issus de mouvements tels que le GUD (Groupe union défense), l’Alvarium, le Bastion social ou l’Academia. Toujours en idylle avec le Rassemblement national, ils militent pour le rapprochement des droites, l’instauration d’un pouvoir politique indépendant des élections, et la « remigration », seule alternative au grand remplacement. La machine est en route, dispensant sa propagande dans des « écoles de maires » et la formation spécifique de journalistes politiques façonnés pour porter le message dans les médias et les réseaux sociaux. Par la voix de son président, la première puissance de la planète montre l’exemple. L’Amérique doit être blanche et chrétienne, un « bureau de la foi » ayant même été installé dans la Maison Blanche pour promouvoir des valeurs capables de refaire son peuple. Plus près de nous, dans les halles d’Angers, vont s’installer les « Blancs de l’Ouest ». Une société de production de porcs et de charcuterie dirigée par deux frères, Benoît-Joseph et Thibaut Cochin, membres très actifs d’une organisation récemment dissoute pour incitation à la haine raciale et faits de violence. À défaut d’aimer leur prochain, ils soignent le « patrilletisme* » de leurs groupies et d’innocents édiles dont l’appétit va grandissant.
Georges Chabrier
*amour immodéré de la charcuterie française (A. Finkielkraut)
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