L’édito du Kiosque : la timidité des arbres, la veulerie des hommes

Les longues et récurrentes séquences caniculaires pointent du doigt l’urgence écologique. Néanmoins, pour ériger leurs richesses les grands de ce monde s’affranchissent chaque jour davantage de leurs obligations. Comme d’autres par apathie calculée ou démagogie populiste. Par bonheur, des élus de terrains et des associations citoyennes portent loyalement des initiatives.
AFP

« Les arbres sont des vestiges d’une autre époque, des taches sur l’uniforme cendreux du ciment.” Des sacrifiés sous les coulées exubérantes des asphaltes, sous les cuirasses rigoureuses de pavés alignés dans le désordre de la commodité. Ainsi, quand la chaleur caniculaire nous estourbit, nous les quêtons avec vigueur pour nous planter à leur base, au pied de ceux que nous n’aurions raisonnablement jamais dû quitter. Les arbres nous ont manqué ce week-end, à Saumur, à vélo, à pied, assis, debout ou encore à quatre pattes, comme pour ces compagnons cruellement exposés aux brulures ardentes de leurs délicats coussinets. Tout le monde a souffert, et plus encore les plus fragiles, les moins lotis dans l’espace restreint et spartiate d’habitats inadaptés et particulièrement exposés au feu ardent de l’astre incandescent. Les sols naturels disparus, nos villes sont devenues des îlots de chaleur urbains, avenus par l’utilisation de matériaux dont l’albédo, la capacité à réfléchir le rayonnement solaire, et l’inertie thermique accroissent, maintiennent et restituent la chaleur bien au-delà du jour. La végétalisation de nos villes est donc un sujet majeur en regard de périodes caniculaires réitérées par le réchauffement climatique et ses conséquences sur nos quotidiens assujettis à la force d’ambitions écologiques lucides, responsables et partagées. Nos élus ont cette obligation et certains s’en acquittent déjà, à l’envie de leurs convictions ou, parfois, par l’écoute attentive d’alertes citoyennes, par la simple acceptation du dialogue, d’une confrontation salutaire d’idées avec leurs pairs, leurs minorités et opposants. Dans l’exercice démocratique d’un débat auquel nulle forme de scepticisme ne peut décemment être rattaché. La nature a son ironie, punit ceux qu’elle élève et soigne généreusement, néo-prédateurs insatiables, accapareurs, coupables et responsables d’une dette dont nous devrons nous acquitter pour survivre.

« Notre maison brûle »

A priori l’affaire est bien mal engagée. Les puissants de ce monde continuent à épuiser la planète pour ériger leurs richesses dans le déshonneur, exploitant sans vergogne la fécondité de leurs entrailles, celles de terres lointaines, défavorisées, mais porteuses de germes rares. L’écologie ne fait pas recette. « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs », avait dit Jacques Chirac, en 2002. Ses héritiers l’ont oublié. François-Xavier Bellamy et Bruno Retailleau en premier lieu, signifiant dans une tribune du Figaro leur volonté de « rebâtir un parc nucléaire et stopper le financement des renouvelables », l’éolien et le photovoltaïque. Tous les moyens sont bons pour soustraire la manne électorale du gisement prospère du Rassemblement national. Piteux, affligeant, en regard des enjeux et, bien entendu, des efforts méritoires et soutenus d’acteurs bridés par ces avarices sordides. Qu’importe, chacun à sa mesure, nombre d’élus de terrain et de citoyens restent mobilisés pour préserver la vie, le bien-être et la santé du vivant, pour que les forêts poussent sans bruit, jusque dans nos villes. A Lille les cours de récréation se muent en espaces naturels, à Toulouse on défriche… les friches industrielles et les parkings, à Metz, on crée un bois en cœur de ville, à Alès, Tours et Montpellier on arrache du macadam, comme à Nantes dans la cadre d’un « plan pleine terre », symbolisé par un « débitumeur » sculpté soulevant et enroulant un tapis de béton. A Saumur, on a beaucoup enrobé, beaucoup pavé, beaucoup hésité à préserver des arbres. Patience. Demain, peut-être. Un joli bosquet viendra détrôner les manèges et les barnums éphémères de la place de la Bilange. L’écologie figurera vigoureusement dans les programmes de nos candidats aux élections municipales. Demain, peut-être, comme le préconise sensément la « Maison des Arbres », nous planterons et planterons encore des arbres (10 par an et par habitant) pour endiguer l’érosion de la biodiversité. Nous abandonnerons aux arbres la « timidité », cette distanciation sociale arboricole leur permettant de ne jamais mêler leurs frondaisons. Nous oserons et, au contraire, fusionnerons posément autour d’un bien commun, non excluable.

Georges Chabrier

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