L’édito du Kiosque : le poil à gratter

Jean-Louis Borloo sonne la charge contre un pays impotent et immobiliste. La figure emblématique de la rénovation urbaine, qui a transformé nos quartiers, a l’expression libre pour évoquer une impérieuse réforme de l’État. Une décentralisation urgente et éminente vers nos territoires.
©AFP

Vingt ans plus tard… Variablement, des lignes d’horizon ont émergé, dégagées de l’ombre pesante de tours symboliques tristement accolées à la mauvaise réputation des « quartiers ». Ca et là des trouées se sont ouvertes aux regards posés sur un urbanisme apaisé. Des bâtiments sont tombés, d’autres ont été habillés de confort, de livrées et la nature s’est imposée sur le bitume amoindri. La Croix-Verte, les Hauts-Quartiers, le Chemin-Vert, nos cités se sont transformées pour mettre « de l’humain dans l’urbain », slogan cher à Jean-Louis Borloo, figure emblématique de la rénovation urbaine, une ambition transpartisane éclairée. C’était un autre temps, semble-t-il, quand des hommes politiques de tous bords faisaient croisière ensemble pour tenir un cap dans l’exploration de sujets sensibles. L’habitat, en l’occurrence, élément constitutif fondamental du lien social. L’Agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU) a financé ces mutations, des centaines de millions d’euros dont a bénéficié Saumur, malgré les réticences de nombreux élus de l’époque « horrifiés » à l’idée de voir l’image de leur belle endormie associée, de près ou de loin, aux infréquentables banlieues du « 9.3 ». Vous vous rendez compte ? C’est donc dans une adversité non feinte que le maire d’alors, Jean-Michel Marchand, avait candidaté pour que sa ville puisse être éligible au dispositif dont on mesure les bienfaits aujourd’hui. L’édile local avait tenu bon et reçu Jean-Louis Borloo pour entériner l’affaire. Mis en retrait par une grave maladie, l’ex-maire de Valenciennes, ex-ministre des gouvernements Raffarin et Villepin, refait surface, n’ayant rien perdu de sa popularité. Libre de tous mandats, il est de retour sur les médias pour dénoncer la pesanteur d’un État impotent, figé dans un immobilisme fatidique. Également pour fustiger ses représentants et leurs figures de proue, obnubilés par leurs survies électorales aux dépens de toutes notions d’intérêt général. Le spectacle affligeant des joutes parlementaires autour du budget est une illustration de la faillite générale de ce système déconnecté des préoccupations vitales des Français, des enjeux cruciaux liés à l’avenir de la nation. Chacun défend son pré carré, s’adresse à son électorat sans la moindre volonté d’écoute, d’ouverture, d’acceptation de réalités dérangeantes, trop impopulaires à l’aune de desseins exclusifs, égoïstes. À trop se corrompre, d’aucuns agissent contre leurs devoirs, perdent une âme qu’ils ne pourront vraisemblablement pas racheter par le pardon des électeurs.

Une nouvelle épopée

Et Borloo dans tout ça ? Il préconise un scénario inaudible pour les acteurs du moment. Une tragédie pour les castes parisiennes invitées à se départir de leurs monopoles dans une réforme profonde de l’État, une décentralisation efficiente vers des régions responsabilisées, revitalisées par une démocratie de proximité. « Une nouvelle épopée » fédéraliste, à écrire au plus près du terrain avec les forces vives du pays, notamment la jeunesse et ses ressources assourdies, les associations culturelles, sportives, les éducateurs et les bénévoles. Tous ces innombrables désintéressés, ces volontaires qui se dépensent sans compter pour maintenir l’indispensable lien social sur nos territoires. Chaque année, Ils sont plus de dix millions à donner de leur temps, dont un tiers de séniors représentant un capital humain précieux pouvant être valorisé à plusieurs milliards d’euros ! Les fameux retraités, les boomers stigmatisés, mais cajolés, tant ils votent, seraient-ils finalement plus généreux que ne le pensent nos députés. Et si, tout aussi finalement, on avait gentiment demandé aux plus nantis d’entre eux de verser un écot solidaire pour sauver la nation. Peut-être auraient-ils consenti, peut-être pas. On a décidé pour eux, au cas où, pour gagner du temps, pour durer vers les prochaines consultations municipales, puis les présidentielles, puis les législatives… Un peu goulument, les sondages portent déjà Jordan Bardella à l’Élysée. Mener campagne sur des thématiques sécuritaires et identitaires peut séduire, illusionner, mais surement pas garantir le pays contre une crise profonde, majeure. Sauf contrariété, un nouveau président de la République sera donc élu au printemps 2027. Une femme ou un homme investi d’une authentique mission historique, d’une audace non encore démontrée par les candidats pressentis ou déclarés.

Georges Chabrier

 

 

 

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