L’édito du Kiosque : Philippe de Villiers ou l’économie circulaire

La crise politique contraint les Français à s’exprimer autrement. Outre les traditionnelles manifestations, il est un recours de plus en plus emprunté pour porter les revendications. Les pétitions se multiplient pour exercer la pression sur des parlementaires en remorque de la « vox populi ».
Photo AFP

Inexorablement, le peuple s’éloigne de ses représentants. Entre indifférence, abstentions et choix par défaut, les élections successives révèlent le fossé creusé entre la classe politique et ses électeurs. Les Français ne s’y retrouvent plus. La gouvernance minoritaire alimente la crise d’une représentativité frustrante, vaine et clivante. Le temps venu, quand la coupe est pleine, il leur faut donc emprunter une voie nouvelle pour faire entendre leur différence et leur colère. Passer par-dessus, pour faire éclater les baudruches et les chimères tricotées dans des affrontements parlementaires spécieux et coupables. La loi Duplomb, sur l’agriculture, est, en l’occurrence, un bel exemple du pouvoir de l’expression démocratique sur des décisions iniques de députés encamisolés dans le jeu cynique d’alliances opportunes. En juillet, pour l’exemple, les macronistes, les Républicains et le Rassemblement national ont fait voter cette loi visant à lever les contraintes au métier d’agriculture, réintégrant notamment l’utilisation des pesticides. Cet été, dans le cadre d’une pétition, plus de 2 millions de voix se sont exprimées contre, renforçant ainsi la censure du Conseil constitutionnel consacrant « le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ». En conséquence, un nouveau débat autour du texte sera organisé au Palais Bourbon, en septembre prochain. Un pas en avant issu de la pression populaire dans une pratique galopante et déstabilisante pour des représentants de la Nation en remorque de la « vox populi ». Tel est le cas pour la taxe Zucman inhérente à l’impôt plancher sur la fortune pour les Français les plus riches. Les pétitions la portent. Les Français la plébiscitent. S’y opposer serait impopulaire. La Droite était vent debout, le mistral est tombé, elle écoute, réfléchit, s’attendrit, elle est touchée ! Les pétitions vont donc bon train, parfois pour le meilleur, mais aussi pour ce qui pourrait être le pire dans des manigances démagogiques aux fumets malaisants.

Vauquiez : a voté !

Philippe Le Jolis de Villiers de Saintignon, plus connu sous le nom de Philippe de Villiers, a, lui aussi, interpellé le peuple, peut-être encouragé par la « success story » de l’affaire Duplomb. L’aristo de Vendée a lancé sa pétition pour « un référendum sur l’immigration », autant dire solliciter une réponse à une question qui ne se pose pas dans le maquis complexe du sujet. Mais, Monsieur le Vicomte n’en a que faire, Lui aussi veut sauver les fleurs et les abeilles, mais avant tout les hommes menacés par les effets toxiques de l’immigration, des parasites pathogènes accélérateurs du grand remplacement. En moins d’une semaine, l’impétrant de la sphère médiatique réactionnaire a connu un succès phénoménal, dépassant un million de signataires obscurs, blanchis par un système approprié à l’éclatante réussite. Hors des plates-formes garantissant la transparence et la sincérité des votes, sous le protectorat familial de l’empire Bolloré et de ses messianiques compagnons. Le JDD (Journal du Dimanche) est à la manœuvre, Europe 1 et CNews font la promo, les éditions Fayard vulgarisent la prophétie xénophobe, l’économie circulaire fonctionne. On vote une fois, deux fois, autant qu’on veut, de l’étranger, de l’au-delà, tout est comptabilisé, sans retenue, vraies ou fausses, les coordonnées sont enregistrées dans la base de données d’un groupe qui saura les réutiliser. La Droite traditionnelle est embarrassée, elle écoute, réfléchit, s’attendrit, elle est touchée. Son patron, Laurent Wauquiez, a signé. Pendant ce temps-là, outre-Manche, dans les préparatifs des fastes royaux déployés pour célébrer Trump, des centaines de milliers d’Anglais anti-immigration ont envahi Londres. A l’appel d’un certain Tonny Robinson, grand influenceur raciste et islamophobe. De quoi donner des idées au descendant du Seigneur de l’Isle-Adam (1472), toujours en résistance au Puy-du-Fou.

Georges Chabrier

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