L’Edito du Kiosque : Sérendipité ou zemblanité ?

Faire à dessein ce qu’à coup sûr nous regretterons ou, à l’inverse, cultiver l’art de la découverte fortuite et heureuse sont des comportements communs dont les issues divergent, pour le meilleur et pour le pire.

Vous le saviez bien que ça se terminerait comme ça. Zut, je n’aurais pas dû y aller! J’étais certain que ça se passerait mal et pourtant, je l’ai fait. Accepter ce dîner chez les Courtecuisse pour se rabibocher après nos différends de voisinage était une folie. Comme le vacherin, la soirée fut glaciale et nous nous sommes quittés en froid, convaincus, les uns et les autres, qu’il s’agissait bien de la toute dernière fois. Et demain, nous remettrons le couvert chez la belle-sœur ! Cela promet, après d’hasardeuses emplettes de dernier moment, au baisser de rideau tardif des vitrines de Noël. Ces comportements domestiques, nous les avons tous exercés sans grand péril et pratiqué, en l’occurrence, un exercice commun de zemblanité. En toute conscience, nous avons cédé à une expérience pressentie nocive et néfaste. Sans conséquences catastrophiques, pour ces anecdotes précises, sans les enjeux fondamentaux que d’autres formes de zemblanité érodent pernicieusement et durablement. Nous savons que la roulette russe est un jeu de hasard potentiellement funeste, mais ne la pratiquons-nous pas dans l’excès des activités humaines destructrices de notre planète. L’eau, l’air, la nourriture, le climat questionnent un avenir édifié sur les braises d’un feu non maîtrisé par manque d’ambition, de moyens et de courage. N’est-ce-pas aujourd’hui la stratégie d’une gouvernance maligne, prompte à semer le vent au risque d’essuyer la tempête. La réforme des retraites illustre en tout point la zemblanité d’une manœuvre lancée avec lucidité et totalement assumée.

Eurêka !

«Mais arrêtez donc d’emmerder les Français ! Il y a trop de lois, trop de textes, trop de règlements dans ce pays ! On en crève! Laissez-les vivre un peu et vous verrez que tout ira mieux !» avait suggéré Pompidou à l’adresse d’un jeune collaborateur de 34 ans dénommé Chirac. En fin observateur d’une pratique déboussolante pour ces administrés, le chef d’État avait imaginé surseoir aux assauts répétés de l’énarque pour mieux rebondir, en osmose avec les attentes populaires exprimées. C’était une forme de sérendipité dont aurait pu s’inspirer Emmanuel Macron pour s’extraire de l’ornière dans laquelle il est englué, lui interdisant toute porte de sortie glorieuse. Encore lui aurait-il fallu saupoudrer d’un zest de sagacité, de subtilité créative le champ des hypothèses ouvertes. La cause semble perdue et s’estompe la marque glorieuse d’un titre de reconnaissance revendiqué de grand réformateur. Pour l’heure, c’est raté, il lui faudra attendre et s’affiner dans l’art de la sérendipité, bâtisseur de prestige et de renommée. La légende veut que Newton s’interrogeât sur la force de gravitation en observant les pommes tomber de l’arbre et qu’Archimède fût «poussée» hors de sa baignoire par un trop plein d’optimisme ! Les deux scientifiques avaient sublimé leurs intuitions pour toucher l’inaccessible. Eurêka, ils avaient trouvé ce qu’ils ne cherchaient pas. Leurs noms sont gravés dans les encyclopédies, le récit de notre Histoire au rang d’institutions comme la goûteuse tarte des sœurs Tatin, le Nutella (Pietro Ferrero), le Carambar le four à mico-ondes, l’aspartame, le LSD, la vaseline et, entre autres, le stéthoscope et le viagra. Pour contourner la pudibonderie d’une patiente, le docteur Laennec eut la délicatesse de rouler une feuille de papier pour relier son oreille à la poitrine encombrée et bien lui en prit ! Peut-être avait-il décelé une angine… de poitrine, celle-là même que cherchaient à guérir des cliniciens estomaqués par les effets secondaires proéminents constatés chez leurs patients mâles… le viagra était né ! Bon, si vous avez sous la main un peu de mie de pain, quelques gouttes de résine d’hévéa et, par inadvertance, qu’une clochette de muguet se pose sur votre mixture, vous venez peut-être d’inventer la gomme de printemps ! La fortune sourit aux audacieux.

Georges Chabrier

Commentaires 1

  1. Cebenvrai says:

    Si je comprends bien, le bon docteur Laennec a favorisé la guérison d’une angine en créant un engin. Bravo à lui.

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