Les députés et les sénateurs ont trouvé ce mardi un accord pour intégrer la notion de non-consentement à la définition pénale du viol, ouvrant la voie à l’adoption définitive de cette modification substantielle du droit, a-t-on appris auprès de plusieurs parlementaires. Une réunion de députées et sénatrices en commission mixte paritaire (CMP) a abouti à un texte de compromis sur cette loi hautement symbolique, qui survient plusieurs mois après le retentissant procès des viols de Mazan, durant lesquels le consentement avait pris une place centrale. Désormais, l’ensemble des agressions sexuelles dans le code pénal seront définies comme « tout acte sexuel non-consenti« . « Le consentement est libre et éclairé, spécifique, préalable et révocable » et « ne peut être déduit du seul silence ou de la seule absence de réaction de la victime« , prévoit ainsi le texte commun à l’Assemblée nationale et au Sénat. La proposition de loi portée par les députées Véronique Riotton (Renaissance) et Marie-Charlotte Garin (Ecologiste) et soutenue par la ministre à l’Egalité entre les femmes et les hommes, Aurore Bergé, va donc pouvoir entrer en vigueur après un ultime vote du texte de compromis dans les deux hémicycles, dès jeudi matin à l’Assemblée, puis au Sénat, probablement la semaine prochaine. Son adoption définitive ne fait aucun doute car les majorités sont larges dans les deux chambres parlementaires. Mardi, seules les deux élues Rassemblement national – sur 14 élues au total – ont voté contre le texte de compromis trouvé en CMP, selon plusieurs participantes. Les députées et les sénatrices n’ont pas eu beaucoup de mal à trouver un accord car leurs deux rédactions étaient proches. Seul léger désaccord au départ, le Sénat préférait établir dans le code pénal que le non-consentement serait « apprécié » par les juges au regard du « contexte », plutôt que des « circonstances environnantes« , formule retenue à l’Assemblée. Une notion de contexte « insatisfaisante » pour Mme Garin. « On pourrait supposer une interprétation du contexte seulement au moment de l’acte plutôt qu’un contexte vraiment plus large qui puisse prendre en compte la vulnérabilité, ce qui s’est passé avant, ce qui s’est passé après« , détaille-t-elle auprès de l’AFP. Finalement, les parlementaires ont trouvé un compromis sur la notion de « circonstances » au pluriel, qui permet « d’élargir le faisceau d’indices« .
Résoudre un « dysfonctionnement systémique »
La sénatrice de Maine-et-Loire, Corinne Bourcier, réagit : « Le viol est un crime où le corps de la victime devient à la fois la scène, la preuve et parfois, injustement, l’objet du soupçon. Notre droit pénal ne nomme toujours pas ce qui est pourtant au cœur de cette violence, à savoir l’absence de consentement. Le viol, tel qu’il a été défini par la loi du 23 décembre 1980, repose exclusivement sur des moyens de coercition : la violence, la contrainte, la menace ou la surprise. Mais ces catégories ne correspondent pas à la réalité des violences sexuelles. Le viol est un crime sans aveu. Dans certains cas, l’auteur ne menace pas, ne frappe pas, ne crie pas. Il agit autrement. Il abuse d’une confiance. Les chiffres sont effrayants. En 2023, 270 000 personnes auraient été victimes d’un viol, d’une tentative de viol ou d’une autre agression sexuelle ; mais, au total, seulement 6 % des victimes, en moyenne, portent plainte. En outre, dans 94 % des cas de viol signalés, l’affaire est classée sans suite. Ce n’est pas une anomalie ; c’est un dysfonctionnement systémique : parce que, dans notre droit, le silence d’une victime peut encore être interprété comme un consentement alors qu’il devrait être un signal d’alerte ; parce que l’absence de résistance physique est encore trop souvent opposée à la victime, comme si la terreur, pour être crédible, devait se manifester par des coups visibles. Je me réjouis que la CMP soit parvenue à un accord. Ce texte réaffirme une évidence ; un acte sexuel n’est licite que s’il est consenti. Et ce consentement ne se présume pas. Il ne se déduit ni d’un regard, ni d’un silence, ni d’une absence de fuite.»
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