Pesticides, élevage et eau : les points-clé de la loi Duplomb dénoncée par la Confédération Paysanne qui appelle les députés à ne pas la voter

Réintroduction d'un pesticide, stockage de l'eau ou agrandissement des élevages : la proposition de loi destinée à "lever les contraintes" des agriculteurs portée par le sénateur Laurent Duplomb a suscité des débats enflammés: voici les points clés du texte qui doit être définitivement adopté ce mardi à l’Assemblée. Le premier syndicat agricole FNSEA a milité pour l'adoption d'un texte jugé "vital" alors que la Confédération paysanne (3e syndicat) mettait en garde contre des mesures "mortifères" pour le vivant et la santé.
La Confédération Paysanne avait organisé une manifestation et un blocage de l'entreprise Phyteurop à Motreuil-Bellay il y a quelques jours. ©Confédération Paysanne 49

Ce mardi 8 juillet, les députés français doivent se retrouver à l’Assemblée pour discuter du projet de loi Duplomb qui prévoit la levée de plusieurs contraintes pour les agriculteurs. La Confédération Paysanne de Maine-et-Loire a envoyé une lettre aux différents députés du Département afin de leur demander de ne pas voter en faveur de cette proposition de loi. « Initiée en réponse aux mouvements agricoles de l’hiver 2024, auxquels notre syndicat a largement pris part, cette proposition de loi détourne les revendications des agriculteurs pour engager insidieusement des mesures de dérégulation », estime le syndicat agricole. Selon lui, cette loi ne facilitera pas le quotidien des agriculteurs, mais permettra de réintroduire des « produits dangereux pour la santé ». La Confédération Paysanne estime que ce texte « passe sous silence les véritables leviers nécessaires », à savoir « des prix rémunérateurs, un soutien à l’installation, une transition agroécologique ambitieuse ». Et d’ajouter : « Ni les agriculteurs, ni les Français ne demandent « plus de pesticides ». D’après le syndicat, « 70% des agriculteurs sont inquiets de l’effet des pesticides sur leur santé, sur celle des autres et sur l’environnement. » Et de conclure : « Si cette loi est adoptée, réautorisant l’utilisation de produits reconnus dangereux de longue date, nous refusons que les agriculteurs et agricultrices du Maine-et-Loire soient tenus responsables de ce choix politique.  Si les députés votent pour cette loi, ils devront en assumer les conséquences devant tous les habitants et habitantes de leur circonscription. »

Réintroduction de l’acétamipride

La mesure la plus décriée est la réintroduction encadrée et à titre dérogatoire de cet insecticide de la famille des néonicotinoïdes, interdit depuis 2018 mais autorisé en Europe jusqu’en 2033. Elle était réclamée par la FNSEA et la Coordination rurale (2e syndicat), notamment pour les producteurs de betteraves sucrières qui affirment n’avoir aucune solution pour protéger efficacement leurs cultures. Les planteurs redoutent la concurrence d’importations de sucre produit avec des pesticides interdits en France. Le texte de compromis prévoit (article 2) une réintroduction « pour faire face à une menace grave compromettant la production agricole« , sans limite dans le temps, mais avec une clause de revoyure « à l’issue d’une période de trois ans, puis chaque année » pour vérifier que les critères d’autorisation sont toujours remplis. Les députés se sont aussi prononcés pour une interdiction temporaire, à la main du gouvernement, de planter des végétaux qui attirent les pollinisateurs, après l’emploi de l’acétamipride. Le retour des néonicotinoïdes, très toxiques pour les abeilles, est décrié par les défenseurs de la nature, les apiculteurs, la Confédération paysanne, mais aussi des régies publiques de l’eau et des scientifiques qui ont récemment alerté sur la « persistance » de ces substances dans l’environnement et les risques pour la santé.

Le rôle de l’Anses

Le texte prévoyait initialement la possibilité pour le gouvernement d’imposer des « priorités » dans les travaux de l’agence sanitaire, mandatée depuis 2015 pour évaluer la dangerosité des pesticides, mais aussi autoriser leur mise sur le marché. Élus de gauche comme scientifiques avaient dénoncé une atteinte à l’indépendance de l’Anses. Les parlementaires ont trouvé un compromis en évacuant largement les dispositions les plus irritantes du texte final. Ce dernier précise toutefois (art 2) que l’Agence, lorsqu’elle examine la mise sur le marché et l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, devra tenir compte « des circonstances agronomiques, phytosanitaires, et environnementales, y compris climatiques qui prévalent sur le territoire national« . Un article (art 6) précise que les agents de l’Office français de la biodiversité (OFB), chargé de la police de l’environnement, sont à présent équipés de « caméras individuelles » et peuvent procéder à « un enregistrement audiovisuel de leurs interventions ».

Irrigation et stockage

Le texte initial visait à faciliter le stockage de l’eau pour l’irrigation des cultures, dans un contexte de raréfaction liée au dérèglement climatique. Si tous les agriculteurs sont d’accord pour dire qu’il n’y a pas d’agriculture possible sans eau, ils sont divisés sur les réserves, leur taille et leurs usages. Des associations ont mis en garde contre « l’implantation de méga-bassines« , ces immenses réserves constituées en puisant dans la nappe phréatique ou les cours d’eau, « qui accaparent » les ressources en eau « au profit de l’agriculture intensive« . L’article 5 prévoit une présomption d' »intérêt général majeur » pour les ouvrages de stockage ainsi qu’une présomption de « raison impérative d’intérêt public majeur », à chaque fois dans l’intention de faciliter les procédures pour obtenir des autorisations de constructions.

Élevage intensif

Le texte (art 3) facilite l’agrandissement ou la création de bâtiments d’élevage intensif. Il permet notamment, lors de l’enquête publique, de remplacer la réunion publique par une permanence en mairie. A partir de certains seuils, les élevages sont considérés comme des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et doivent être enregistrés ou obtenir une autorisation pour les plus grands cheptels. Ces seuils étaient alignés sur la directive européenne relative aux émissions industrielles. A la demande des filières d’élevage et de la FNSEA, le texte les aligne sur une autre directive, plus permissive. Un poulailler ne devra demander une autorisation qu’à partir de 85.000 poulets contre 40.000. Une porcherie passera de 2.000 à 3.000 cochons. Mais cette mesure ne s’appliquera que fin 2026, quand les fédérations réclamaient une application immédiate. A terme, le gouvernement envisage de créer dans les prochains mois un régime d’autorisation environnementale spécifique aux élevages et les sortir ainsi du régime ICPE.

Avec AFP

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