Abbaye de Fontevraud. Le musée d’art moderne a fait ses premières acquisitions

Ouvert depuis maintenant un peu plus de 2 ans, le musée d'art moderne de l'Abbaye de Fontevraud - composée d'un fonds d’œuvres issues d'une donation du couple de collectionneurs Martine et Léon Cligman - vient de faire ses premières acquisitions qui viennent compléter le parcours muséal.

Après son ouverture en mai 2021, le musée d’Art moderne de Fontevraud voit entrer dans ses collections plusieurs œuvres exceptionnelles qui viennent enrichir la donation de Martine et Léon Cligman, confiée à la Région des Pays de la Loire.
– Le Bois, tapisserie d’après un carton de Jean Lurçat, tenture tissée par l’atelier Tabard à Aubusson, achetée par le Fonds de dotation du musée d’Art moderne de Fontevraud.
– Marseille, huile sur toile de Pierre Laprade, don de la galerie Larock-Granoff en hommage à Léon Cligman.
Enfin, au début du mois de juillet, deux très beaux et rares dessins de Léon Bonvin (1834-1866) ont été acquis en salle des ventes à Londres par le Fonds de dotation du musée. Il s’agit de Femme à l’ouvrage dans l’auberge à Vaugirard, 1856, plume et encre brune, lavis brun et gris, aquarelle, gouache et rehauts de gomme arabique et Jeune garçon lisant, 1857, pierre noire et rehauts de gomme arabique.

« Le Bois » tapisserie d’après un carton de Jean Lurçat

Exécutée d’après un carton de Jean Lurçat (1892- 1966) à Aubusson en 1947, cette tapisserie est caractéristique de la période d’après-guerre et du renouveau de la tapisserie française à cette époque. Jean Lurçat est le peintre-cartonnier le plus important du XXe siècle. La tapisserie Le Bois, acquise auprès de la galerie Chevalier, est exceptionnelle par ses dimensions et son sujet. Les recherches effectuées dans les archives des ateliers Tabard assurent qu’il s’agit d’une pièce unique, certainement une commande. Organisée autour de deux grandes fenêtres, cette oeuvre présente plusieurs animaux récurrents dans le bestiaire de l’artiste comme le coq, le papillon, le corbeau, le lièvre, le canard ou le serpent. Un arbre de vie qui perce malgré les ronces qui ont envahi l’ensemble de la tapisserie, l’homme à la scie et la symbolique associée aux créatures représentées font du Bois un message d’espoir (également porté par le poème en haut à droite qui donne son nom à l’œuvre) et la métaphore d’une France en reconstruction au sortir de la guerre. Le Bois présente des liens avec les autres tapisseries conservées dans la collection du musée où l’on retrouve certains animaux de son bestiaire : un coq (Le Coq, 1952 d’après un carton de 1951), un canard et des papillons (Menuhim, 1954 d’après un carton de 1951), un lapin (Le Paon, c. 1954 d’après un carton réalisé vers 1947). Mais c’est surtout avec Esculape accueille les signes de la poésie (1941) que Le Bois partage le plus de similitudes : le traitement de la figure humaine qui s’insère dans un environnement végétal, la présence d’un serpent, le texte tissé à même la trame, la structuration au moyen d’éléments rectangulaires et surtout le même message d’espoir qu’elles véhiculent. Une espérance et une foi dans l’être humain, même après les désastres de la seconde guerre mondiale, que l’on retrouve dans certaines œuvres de Germaine Richier avec lesquelles cette tapisserie pourra aisément dialoguer au sein du musée. Notamment L’Échiquier, grand de 1959 qui présente, à l’instar du Bois, des figures hybrides, mêlant représentation humaine, règne animal et outils techniques.

« Marseille » de Pierre Laprade

L’œuvre, acquise grâce à un don de Marc Larock-Granoff, est un tableau important par ses dimensions panoramiques. Pierre Laprade (1875-1931) l’a réalisé lors d’un passage à Marseille, en route pour son troisième voyage en Italie, à Naples et Rome. Dans L’Instransigeant, Apollinaire a commenté cette toile présentée au Salon d’automne de 1910 (dont Laprade a signé le carton d’invitation) : « La Vue de Marseille par Laprade, sans nous apprendre rien sur cet artiste, nous prouve que sa virtuosité n’entame pas sa sensibilité. » et Louis Vauxcelles écrit dans le Gil-Blas : « Il flotte dans une exposition Pierre Laprade, je ne sais quel parfum. Il y a un charme languide auquel il est malaisé de résister. Et pourquoi, y résisterait-on ? Mieux vaut s’y abandonner. Toute la grâce claire ou éteinte, mélancolique ou joyeuse des femmes, des fleurs, des bois ou de l’eau, Laprade la ressent et l’exprime divinement. Cet art, si plastique pourtant, où la matière compte savoureuse et pleine, est, en vertu d’un invincible sortilège immatériellement musical. Les paysages, les roseraies de Laprade bruissent de chants d’oiseaux, la lumière y est vivante, on y jouit de la fraîcheur. Il faudrait un poète pour parler de cette peinture de poète » (1911). L’accueil de ce don dans le fonds du musée d’Art moderne vient compléter un ensemble d’artistes proches les uns des autres (Pierre Laprade, Georges Bouche et Émilie Charmy) avec un tableau de grandes dimensions. Il est un témoignage supplémentaire du goût des donateurs à l’origine du musée d’Art moderne ainsi qu’un hommage que Marc Larock-Granoff a souhaité leur rendre, Léon Cligman s’étant désisté au moment de la vente de ce tableau pour que sa grand-tante, la galeriste Katia Granoff, puisse l’acquérir.

Léon Bonvin : « jeune Garçon lisant » et « Femme à l’ouvrage dans l’auberge à vaugirard »

Enfin, le Fonds de dotation du musée a récemment saisi l’occasion d’acquérir chez Sotheby’s deux dessins du demi-frère de François Bonvin dont le musée possède une peinture. Léon Bonvin (1834-1866) est un artiste rare et singulier dont les œuvres sont très recherchées et surtout collectionnées aux États-Unis. Une exposition organisée en 2022 à la Fondation Custodia (prêteuse de l’exposition Rembrandt en eau forte présentée cet été au musée) a révélé ce peintre influencé par la peinture hollandaise, qui a trouvé ses sujets de prédilection dans l’auberge familiale située dans le village encore rural de Vaugirard. Entreront donc bientôt dans les collections du musée un Jeune garçon lisant, dessiné à la pierre noire, d’une manière qui annonce les feuilles de Georges Seurat au crayon Conté, et un intérieur d’auberge légèrement coloré à l’aquarelle, habité par un personnage silencieux absorbé dans ses tâches, Femme à l’ouvrage dans l’auberge à Vaugirard.

A propos de Fontevraud, le musée d’Art moderne

Depuis son ouverture le 19 mai 2021, le musée d’Art moderne de Fontevraud dont la création a été orchestrée par la Région des Pays de la Loire, a déjà accueilli près de 220 000 visiteurs et fait l’objet d’une excellente réception publique et critique. La collection de Martine et Léon Cligman à l’origine de ce Musée de France rassemble des peintures, des dessins et des sculptures d’artistes des XIXe et XXe siècles, ainsi que des antiquités et des objets extra-européens. Le parcours original du musée ne propose pas une présentation historique de l’art moderne mais suggère une compréhension intime de ce qu’est une collection : un rapprochement d’œuvres liées non par leur origine ou leur époque mais par des affinités formelles. Selon sa directrice Dominique Gagneux « ce musée instaure une relation aux œuvres souvent inconnue du public, incite les visiteurs à libérer leur regard, à identifier un rapport à l’œuvre d’art très personnel. »
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Commentaires 2

  1. Bourgeais says:

    J adore ce musée. Une merveille !

  2. Uncle jack says:

    Démarche bien logique, signe de maturité, mais peut-être très difficile pour assurer la même qualité que la donation reçue, dans sa diversité et sa cohérence
    Bonne réussite

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