Dossier. Fin des emballages plastiques pour les fruits et légumes. Une décision « politique » ?

Au nombre des nouvelles dispositions applicables au 1er janvier 2022, il en est une qui est passée presque inaperçue : Depuis le 1er janvier 2022, les emballages plastiques sont bannis des rayons pour une trentaine de fruits et légumes. Les interdictions s'étaleront néanmoins sur quatre ans, de 2022 à 2026. Une directive qui interpelle...
Photo Pascal Xicluna / agriculture.gouv.fr

Comme c’est déjà le cas dans de nombreux commerces de détail, magasins Bio ou sur les étals des marchés, fini les tomates et autres kiwis bien serrés dans leurs barquettes dans les rayons des supermarchés. Même sort pour les bananes ou les pommes dans leurs sacs plastiques si polluants. Depuis le 1er janvier 2022, la vente sous plastique de nombreux fruits et légumes frais non transformés est interdite en France, dans le cadre de la loi anti-gaspillage adoptée l’an dernier. Mais les interdictions seront progressives d’ici à 2026.

Les interdictions à compter du 1er janvier 2022

Dans un premier temps, pour ce qui est des légumes, poireaux, courgettes, aubergines, poivrons, concombres, pommes de terre, carottes, tomates rondes, oignons, navets, choux, choux-fleurs, courges, panais, radis, topinambours, légumes racines doivent être présentés sans emballages plastiques sur les étals.
Pour les fruits, pommes, poires, oranges, clémentines, kiwis, mandarines, citrons, pamplemousses, prunes, melons, ananas, mangues, fruits de la passion et kakis sont concernés par l’interdiction.
Néanmoins, ces mesures concernent uniquement les produits vendus en lot de moins de 1,5 kg. Pour un poids supérieur, les vendeurs pourront continuer à emballer avec du plastique ou ses dérivés.

Sursis pour certains jusqu’en 2026

Certaines variétés de tomates (allongées, cerise ou cocktail), les oignons et navets primeurs, les choux de Bruxelles, haricots verts, raisins, pêches, nectarines et abricots n’auront plus droit au plastique après le 1er juillet 2023, afin de laisser le temps aux commerçants de trouver des solutions alternatives.
Puis ce sera au tour des endives, asperges, brocolis, champignons, pommes de terre et carottes primeur, salades, jeunes pousses, herbes aromatiques, épinards, oseilles, fleurs comestibles et pousses de haricot mungo de s’extraire du plastique au-delà du 1er janvier 2025. Idem pour les cerises, canneberges, airelles et physalis.
Les exemptions les plus longues sont accordées aux fruits mûrs à point, aux graines germées, aux fruits rouges (framboises, fraises, myrtilles, mûres, groseilles, cassis) ainsi qu’aux kiwaïs (petits kiwis), qui devront se débarrasser du plastique avant le 30 juin 2026.

Objectif du gouvernement : Éviter «un milliard d’emballages inutiles» par an

Les distributeurs qui contreviendraient à ces consignes s’exposeront à des amendes allant jusqu’à 15 000 €, et une astreinte journalière de 1 500 €. Un délai de six mois sera toutefois accordé pour «écoulement des stocks d’emballages». Les emballages plastiques alimentaires, tous produits confondus, sont les premiers utilisateurs du plastique produit dans le monde. En France, près de la moitié de la consommation de matières plastiques sert à fabriquer des emballages, selon la fondation Heinrich Boll. Alors que plus du tiers des fruits et légumes sont aujourd’hui vendus sous emballage, cette mesure «devrait permettre d’éviter plus d’un milliard d’emballages en plastique inutiles chaque année», espère le gouvernement.

L’interprofession très sceptique

Dans un communiqué, Interfel, l’interprofession des fruits et légumes « dénonce une mesure peu réaliste et difficilement applicable à tous les produits concernés dans les délais imposés ». Outre l’enjeu environnemental, de nombreux opérateurs de la filière s’attendent à un « risque économique majeur ». Quels matériaux pour remplacer le plastique et à quel coût ? Un coût qui ne pourra pas se répercuter sur le prix. « Dans un contexte de pénurie majeure et de renchérissement des matériaux d’emballages, cela entraînera, pour les produits pour lesquels une alternative pourrait exister, un accroissement des coûts consécutif à la mise en œuvre d’alternatives actuellement disponibles », assure Interfel.

« Un vrai non-sens »

Pour le producteur de pommes saumurois Bruno Dupont (désormais à la retraite), président d’Interfel, de 2012 à 2018 (notre portrait), désormais administrateur du Conseil National de l’Alimentation notamment pour la branche produits frais et toujours président du SIVAL d’Angers, « on marche sur la tête. » Et d’expliquer : « Le sujet n’est pas nouveau : depuis plusieurs années, les producteurs réfléchissent à des emballages cartons ou autres, sachant quand même que la quasi-totalité des plastiques est désormais recyclable et que tout cela a un coût important. Et puis, il y a des produits, tels les radis-bottes par exemple, pour lesquels on ne trouve pas de solution de remplacement à l’élastique ! On nous demande même de penser à remplacer les stickers sur les pommes par exemple. Pourquoi pas un sticker en patte d’amende qu’on pourrait manger avec le fruit », ironise l’ancien producteur de pommes.
« C’est à mon sens une directive bien plus politique et de pure communication qu’environnementale ou économique, qui s’applique de façon arbitraire en priorité à une filière dont la grande majorité des ventes (plus de 65 %) se réalise en vrac et dont la portée du texte concerne moins d’1,5 % des plastiques alimentaires. Et en plus c’est une directive totalement anti-européenne, puisque la France est le seul pays à l’imposer. Bref, c’est très compliqué et on n’a guère laissé de temps aux entreprises. » Et de conclure très réaliste : « En plus, aujourd’hui, ce n’est pas une demande des consommateurs. Au contraire, avec la crise du Covid, les acheteurs se tournent plus vers les produits emballés que vers le vrac, même pour les produits bio. Il y a un vrai non-sens et cela ne tourne pas bien rond ! »

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