Dossier. Quels sont les enjeux de la non-artificialisation des sols ?

Chaque année, la France perd 20 000 à 30 000 hectares d’espaces naturels, agricoles et forestiers sous la pression des activités humaines. Étalement des villes, développement d’infrastructures, bétonisation… L’artificialisation des terres est l'une des causes de la perte de la biodiversité. Comment lutter contre ce phénomène ? Quelques éléments de réponses avec les informations de la Direction de l'information légale et administrative du gouvernement.

La lutte contre l’artificialisation des sols représente aujourd’hui un enjeu majeur pour limiter le réchauffement climatique, un sol artificialisé n’absorbant plus de dioxyde de carbone. La loi « Climat et résilience » du 22 août 2021 a posé un objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN) à l’horizon de 2050. Cette loi vise à mieux prendre en compte les conséquences environnementales lors de la construction et de l’aménagement des sols, sans pour autant négliger les besoins des territoires en matière de logements, d’infrastructures et d’activités.

L’urbanisation de la France a accru l’artificialisation du territoire

Entre 1936 et 2020, la part de la population française vivant en ville est passée de 53% à 81%. D’après un rapport du Sénat publié en mai 2021, les aires urbaines couvrent aujourd’hui 22% du pays (contre 7% en 1936). L’urbanisation de la France depuis le début du XXe siècle a entraîné une forte consommation des terres. Cette artificialisation des sols oscille entre 16 000 et 60 000 hectares par an, selon les sources. Selon une étude publiée en juillet 2019 par France Stratégie, au vu des tendances actuelles, 280 000 hectares de terres seraient artificialisés d’ici 2030, soit plus que la superficie du Luxembourg. Depuis 1981, les terres artificialisées sont passées de 3 à 5 millions d’hectares (+70%), soit une croissance nettement supérieure à celle de la population (+19%). Dans l’étude publiée en juillet 2019, France Stratégie note que ce phénomène s’est accéléré en France au cours des dernières décennies en raison de plusieurs facteurs :
– l’augmentation du nombre de ménages (+4,2 millions depuis 1999) due à la croissance de la population et à la réduction de la taille des ménages ;
– l’étalement urbain et le mitage (constructions dispersées) : les surfaces urbanisées s’étendent en périphérie des villes du fait de l’augmentation des prix du foncier en centre-ville, de l’attrait des ménages pour l’habitat individuel ou encore de la recherche d’un meilleur cadre de vie. Cela nécessite la multiplication d’infrastructures de transports, de services et de loisirs et entraîne un bétonnage plus important des espaces naturels ;
– la sous-exploitation du bâti existant : la vacance de logements qui représente 8% des logements en 2015, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), la vacance de commerces dans les villes moyennes ou encore le développement de résidences secondaires contribuent à la demande de logements neufs et donc à l’artificialisation des sols.

Cette croissance de l’artificialisation des sols s’est surtout produite au détriment de terres agricoles, pour un usage d’habitat (42% des terres artificialisées), d’infrastructures de transports (28%), de services et de loisirs (16%) comme les zones commerciales. Elle est plus forte dans les métropoles et dans les zones côtières.

Quelles sont les conséquences de l’artificialisation des sols ?

L’artificialisation des sols est à l’origine de plusieurs pressions sur l’environnement :
– amplification des risques d’inondations : la dégradation de la capacité des sols à absorber l’eau par infiltration en raison de leur imperméabilisation. En cas de fortes intempéries, les phénomènes de ruissèlement et d’inondation sont donc amplifiés. Les problèmes d’érosion des sols sont amplifiés ;
– perte de la biodiversité par disparition des écosystèmes ou rupture des continuités écologiques. La transformation d’un espace naturel en terrain imperméabilisé, modifie ou fait disparaitre l’habitat des espèces animale ou végétale et peut conduire à leur disparition d’un territoire ;
– réchauffement climatique : un sol artificialisé n’absorbe plus de CO2 et participe donc à la hausse des températures (perte de végétation, changement d’état des sols) ;
– pollutions (métaux lourds, pollution de l’air liée aux transports…) ;
– réduction de la capacité des terres agricoles à nous nourrir : l’artificialisation entraîne une perte de productivité agricole et limite la production alimentaire ;
– renforcement des « îlots de chaleur » en zone urbaine.

Par ailleurs, l’étalement urbain affecte la qualité de vie. Les personnes doivent passer plus de temps dans les transports en commun ou davantage emprunter leurs véhicules motorisés, consomment plus d’énergie et amplifient leurs émissions de gaz à effets de serre et de polluants dans l’air. En cas de perte d’emploi, les salariés ont également d’autant plus de difficultés à renouer avec le marché du travail qu’ils sont éloignés des zones d’activités. L’étalement urbain et la construction en périphérie des villes renforce également la fracture sociale déjà présente en reléguant notamment une partie des habitants à l’écart du centre-ville, provoquant sa désertification et la dévalorisation des petits commerces.

La loi Climat et résilience

La loi « Climat et résilience » du 22 août 2021 a posé un objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN) à l’horizon de 2050. Elle a également établi un premier objectif intermédiaire de réduction par deux de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers d’ici 2030 par rapport à la consommation mesurée entre 2011 et 2020. Le ZAN des sols tend donc à interdire toute artificialisation nette des sols sur une période donnée. Cela n’implique pas nécessairement l’arrêt total de l’étalement de ­l’enveloppe artificialisée : l’artificialisation de nouveaux espaces sera conditionnée à une renaturation à proportion égale ­d’espaces artificialisés. Tout ce qui sera « pris » sur la nature devra être « rendu ». À titre d’exemple, les règles de délivrance des autorisations d’urbanisme commerciales sont renforcées à la suite de cette loi, avec un principe d’interdiction de nouvelles autorisations commerciales impliquant une artificialisation des sols (des dérogations restent néanmoins possibles en dessous de 10 000 mètres carrés de surface de vente). Quant aux secteurs d’implantation des entrepôts, ils doivent être également définis par rapport aux besoins logistiques des territoires mais aussi par rapport aux objectifs de réduction du rythme d’artificialisation des sols. Une circulaire du ministre de la transition écologique et de la cohérence des territoires du 4 août 2022 rappelle toutefois que la démarche du ZAN ne commencera à s’appliquer qu’à ­l’issue de la mise en conformité des ­documents de planification et d’urbanisme (plans locaux d’urbanisme, plans locaux d’urbanisme intercommunaux, cartes communales…). Néanmoins, face aux questions de certains élus locaux sur la mise en place du ZAN, des sénateurs ont déposé, le 14 décembre 2022, une proposition de loi pour faciliter l’application effective du ZAN.

L’artificialisation des sols, une notion intégrée au code de l’urbanisme

Le plan ZAN vise à « renaturaliser » un espace pour chaque espace artificialisé. Mais la détermination artificiel ou non-artificiel fait encore débat. L’artificialisation des sols est une notion récente et difficile à appréhender car elle combine à la fois :
– une approche quantitative : l’augmentation de la superficie des sols artificialisés à l’échelle d’un territoire au détriment des espaces naturels ;
– une approche qualitative : la transformation des caractéristiques d’un sol naturel et ses effets sur l’environnement.

Selon le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires(nouvelle fenêtre), c’est un phénomène qui consiste « à transformer un sol naturel, agricole ou forestier, par des opérations d’aménagement pouvant entraîner une imperméabilisation partielle ou totale, afin de les affecter notamment à des fonctions urbaines ou de transport (habitat, activités, commerces, infrastructures, équipements publics…)« . Cette définition revient à considérer comme « artificialisés » tous les sols qui ne sont pas des espaces naturels, agricoles ou forestiers, qu’ils soient imperméabilisés (bâtis, revêtus et stabilisés comme les routes, les voies ferrées, les parkings…) ou perméables (comme les parcs et jardins, les friches urbaines, les terrains de sport, les carrières…). Elle ne permet pas de distinguer le degré d’imperméabilisation des sols ou l’impact sur la biodiversité. La définition des sols artificialisés d’Eurostat est plus restrictive puisqu’elles recouvrent seulement les sols bâtis et les sols revêtus et stabilisés. Afin de préciser cette notion d’artificialisation des sols, la loi « Climat et résilience » a inscrit dans le droit deux nouvelles définitions :
– l’artificialisation est désormais définie dans le code de l’urbanisme comme étant « l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage » (article 192 de la loi « Climat et résilience« ) ;
– la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers est entendue comme « la création ou l’extension effective d’espaces urbanisés sur le territoire concerné » (article 194 de la loi « Climat et résilience« ).
Ces définitions sont complétées par un décret publié au Journal officiel du 30 avril 2022 qui précise les surfaces considérées comme « artificialisées » et celles considérées comme « non artificialisées« . Cette nomenclature doit permettre la mise en place de méthodes de suivi plus précises du phénomène d’artificialisation des sols à compter de 2031.

Des aides financières

Comme le souligne le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, la réforme en cours a pour objectif de favoriser l’utilisation des surfaces déjà artificialisées par la densification urbaine. Toutefois, encourager cette densification implique également, en terme d’acceptabilité sociale, de favoriser la qualité urbaine et un certain retour de la nature dans les villes. De même, atteindre le « zéro artificialisation nette » passe aussi par l’utilisation des locaux vacants et des friches. Dans le cadre du plan France relance, un fonds pour le financement des opérations de recyclage des friches a ainsi été déployé. Doté initialement de 300 millions d’euros, ce fonds a été augmenté de 350 millions d’euros en mai 2021. Quelles friches ? Selon un rapport de janvier 2021 sur les friches en France, on dénombre 2 400 friches industrielles (certaines estimations vont de 4 000 à 10 000), couvrant entre 90 000 et 150 000 hectares du territoire national, les chiffres concernant les friches commerciales et administratives sont inconnus. Le foncier non agricole (établissements, entreprises des zones commerciales, entrepôts) couvre 30% des surfaces artificialisées, il progresse plus vite que le foncier résidentiel. Une aide à la relance de la construction durable de 350 millions d’euros a été également lancée avec, pour objectif, d’encourager l’effort de construction de logements soutenu par les communes tout en favorisant la sobriété foncière grâce à une utilisation plus pertinente du foncier déjà urbanisé ou ouvert à l’urbanisation.

Commentaires 2

  1. Jack says:

    Bonsoir
    Vous négligez le fait que beaucoup du bâti existant pourrait être rénové, ce qui aurait un effet positif également sur l’attrait de la région, mais svp ne multipliez pas les impôts locaux comme c’est le cas actuellement (plus que multiplié par 5 pour mon cas)

  2. Terrefort says:

    Et toujours l’artificialisation du terrain de terrefort pour y mettre des panneaux solaires. Pour faire de l’argent. 20ha de terrain perdu aux portes de Saumur.

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