Edito du Kiosque : Docteur Jekyll et Mister Hyde

En cherchant réponse à la complexité de son être, le bon docteur Jekyll courut à sa perte. Son double enfanté, l’autre « moi-même », personnifié par l’abominable Mister Hyde, le conduisit au suicide, au triomphe du mal sur le bien. Cette allégorie de l’Ecossais Stevenson nous ramène à la complexité de l’être et parfois d’autrui observé à l’aune d’actes voilés derrière la positive attitude d’une vie publique enchanteresse, voire envoûtante. Quand Elon Musk fait son show, comme au récent salon VivaTech de Paris, le parterre des startupers est ravi, fasciné, envahi par le souffle divin du gourou visionnaire. L’homme est affable, sûr de lui et milliardaire, ce qui lui confère d’emblée l’autorité suffisante pour distiller l’évangile aux bonnes ouailles de l’entreprenariat en culotte courte. Comment ne pas s’attendrir, en effet, devant la déité et ses serments de salut, sur Mars, quand la Terre aura rendu l’essentiel de son âme.

Drôle de philanthrope

Pour quelques dizaines de millions d’Euros, sa société SpaceX vous propose dès à présent une virée touristique dans l’espace, loin des objectifs prévus, mais très très près des objectifs médiatiques du puissant opérateur qui, à l’instar du sémillant Michel- Edouard Leclerc, promet un « panier anti-inflation » autour des 100 000 dollars, dans environ 8 ans ! Super, préparons nos valises et nos parachutes au cas où une panne impromptue viendrait perturber l’ascension vers le rêve porté par cet homme pressé, « désintéressé » par l’argent dont il a négligemment usé pour prendre le contrôle de Twitter, en 2022, pour 44 milliards de dollars. « Je l’ai payé trop cher » a-t-il avoué et, surtout, pour justifier les coupes sombres opérées sur l’outil et notamment les ressources humaines amaigries de 70% et ventilées aux quatre coins de la planète. Le mal était vraisemblablement nécessaire pour équilibrer les comptes et retrouver la santé requise pour le déploiement planétaire d’une constellation de satellites exploitée par son autre fleuron Starlink. Appelé au secours par les Ukrainiens, privés de réseau Internet au début du conflit avec la Russie, le philanthrope refusa son aide sous prétexte d’une utilisation militaire de ses ressources. Ramené à la raison par le Pentagone, Musk se montra magnanime, rétablit les connexions avec le ciel et la réalité d’un juteux contrat de 400 millions de dollars !

Désinformation

Aujourd’hui, Twitter twitte en Ukraine comme partout ailleurs au gré des fantaisies d’un patron esseulé dans sa tour d’ivoire pour ne plus affronter la contestation intestine. Quand on lui en fait trop, Elon « Volfoni » correctionne, dynamite et disperse, jusqu’à sa hiérarchie invitée ailleurs à la reconquête de nouveaux espaces professionnels. En mode de pilotage automatique, comme ses fameuses Tesla, vertueuses, écologiques et connectées, il roule pour lui et lui seul, s’affranchissant de toutes contraintes, même de celles qu’entendait lui imposer l’Europe dans le cadre de son nouveau code contre la désinformation. Les fameuses fake news sont une spécialité du colon des étoiles dont les pouvoirs sont illimités pour faire ou défaire les têtes couronnées. Il a ressuscité Trump et entend placer sur orbite Ron DeSantis, l’héritier, l’ultra conservateur gouverneur de Floride. Plus de 300 millions d’abonnés actifs par mois, ça peut aider et faire tourner les têtes de courtisans en quête de faveurs. Au jeu d’échecs, les fous ne sont-ils pas toujours les plus proches du roi.

Georges Chabrier