Édito du Kiosque : Elisabeth, Sophie, Marylise et les autres !

A la tête de la CGT, siège désormais Sophie Binet, 41 ans. Le 21 juin prochain, Marylise Léon (46 ans), succédera à Laurent Berger, actuel leader de la CFDT. Un vent de jeunesse souffle sur les deux grandes centrales syndicales désormais pilotées par des femmes.

Lorsqu’elle est nommée Première ministre, le 16 mai 2022, Elisabeth Borne compte parmi les trente-trois femmes à conduire les destinées d’un gouvernement ou d’un état, sur les 195 nations reconnues par l’ONU. En tête de ce palmarès figurent l’Europe, enorgueillie de 16 représentantes, devant l’Afrique (5), les Caraïbes (4), l’Océanie et l’Asie (3) et l’Amérique (2), ce qui constitue une faible acceptation, bien éloignée des aspirations égalitaires portées par les vents réformistes. Le monde reste majoritairement patriarcal, hors de quelques communautés remarquables où la filiation maternelle demeure la règle essentielle. C’est toujours le cas chez les Navajos, en Amérique, les Zapotèques du Mexique ou les Minangkabaus, peuple indigène des hauts plateaux indonésiens. Ces sociétés matrilinéaires reconnaissent aux hommes quelques droits d’existence, mais aucuns pouvoirs. En contrariété avec le matriarcat auquel songent peut-être obliquement quelques-unes de nos élues militantes, absolues. Des femmes illustres ont largement ouvert la voie vers la conquête du graal, la gouvernance où s’invitent désormais plus régulièrement les femmes. Indira Gandhi (Inde), Golda Meir (Israël), Benazir Bhutto, première ministre d’un pays musulman (Pakistan), ont précédé nos contemporaines les plus emblématiques que furent Margaret Thatcher, l’ultralibérale dame de fer anglaise ou encore Angela Merkel, la dogmatique allemande retraitée après seize années d’amourettes contrariées avec l’Europe et nos présidents français successifs, Mitterrand, Sarkozy, Hollande puis Macron. C’est d’ailleurs lors de son second septennat que l’élu de la « Force tranquille » avait hissé Edith Cresson au rang de Premier ministre. Enfin une femme à Matignon, une première, non reproduite et écourtée (de mai 91 à avril 92) sous la pression incontrôlée d’une gent parlementaire sexiste. « La classe politique reste encore misogyne » avait-elle insisté en félicitant plus tard la chancelière allemande lors de son accession, en 2005.

Acte de bravoure

Aujourd’hui encore, les jours de notre cheffe du gouvernement sont comptés. Elisabeth Borne ne cache plus guère ses contrariétés, mais demeure néanmoins dans la trame du cahier des charges imposé par l’Elysée. Les «cent jours » sont largement entamés et l’horizon reste obscur pour panser les plaies, reconstruire et convaincre la majorité des Français et des syndicats unis, courroucés, irrités par le passage en force de la réforme des retraites. Le fond et la forme du dialogue sont à rebâtir sur une base dégradée, marquée par la frustration, l’émotion née d’une opposition présidentielle ressentie injuste et méprisante. Dans un discours convenu, porté par des éléments de langage inaudibles, la Première ministre entend passer « à autre chose », s’engager dans des réformes approximatives, impréparées, guettées par les oppositions et surtout des partenaires sociaux gonflés des succès non démentis des mobilisations sociales. Sa tâche paraît insurmontable et, condamnée d’avance, peut-être aurait-elle dû tirer gloire d’un acte de bravoure dans un départ prématuré en corrélation avec son mal-être non feint, susurré à l’oreille des siens. Elle en a décidé autrement. L’invitation est lancée, la polytechnicienne de Matignon s’apprête à recevoir l’ensemble des corps intermédiaires campés à l’unisson sur des exigences de principe, de méthode, en préambule de tous échanges équitables.

Solidarité féminine 

Sur sa route se dresseront deux nouvelles inspiratrices du syndicalisme fortement représentatif du moment, la CGT et la CFDT. Deux femmes fraîchement émoulues des rangs, distinguées pour porter la voix des doléances sociales dans un duo parfaitement inédit. L’une d’elle a déjà crevé l’écran. Non pressentie pour succéder à Philippe Martinez, Sophie Binet a créé la surprise en devenant la première secrétaire de la fédération en 128 années d’existence, au terme du 53e congrès de la CGT. Agée de 41 ans, cette diplômée de philosophie, militante féministe et écologiste, avait été particulièrement active lors des manifestations contre le CPE (contrat première embauche), projet abandonné par Jacques Chirac en 2006, puis dix ans plus tard, contre la loi El Khomri, dite loi travail, et les ordonnances Macron.
Ancienne « frondeuse » du Parti socialiste, elle avait rejoint l’Ugict (Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens de la CGT), en 2011, pour en prendre les rênes en 2018. Mise en lumière, sans préavis, par l’actualité brûlante du pays, Sophie Binet s’est avérée à la hauteur, brillante et pertinente sous les feux nourris des médias nationaux. Un véritable vent de fraîcheur dont la CGT devrait profiter, à l’instar de la CFDT de Laurent Berger, démissionnaire en juin prochain d’un syndicat « qui va bien » et à la tête duquel il a proposé d’installer la numéro deux actuelle, Marylise Léon. Une femme, vingt ans après une autre, après Nicole Notat, réformatrice contestée par son aile gauche mais adoubée chez les cadres et PME. Dans la droite ligne de Laurent Berger, la Finistérienne de 46 ans maintiendra la tradition d’ouverture et d’écoute du premier syndicat national. Sans toutefois occulter la séquence des retraites dans la balance des discussions à venir. Laurent Berger en a fait la promesse, Marylise Léon suivra, imitée par Sophie Binet auto-déclarée apte à la radicalisation des débats.

…sur la voie royale

Dans le confort de la BCE (Banque Centrale Européenne), Christine Lagarde ne manque pas une occasion d’exhorter à l’ambition ses consoeurs investies et récompensées des plus hautes distinctions, telle Ursula Von der Leyen à la présidence de la Commission européenne. Malgré tout, est-ce bien raisonnable de penser qu’elles proclameront leur solidarité avec celles qui vont battre le fer contre Elisabeth Borne, leur alliée fusionnelle. Voire, pire encore, vers la « reine mère » d’un clanique rassemblement populaire national, impudemment conduit par les stratèges médiatiques sur la voie royale de l’Elysée.

Georges Chabrier

Commentaires 3

  1. J Goupil says:

    Pauvre Kiosque vraiment plus impartial depuis le changement de direction

  2. VLADY BOISSIN says:

    Moi je trouve le kiosque tout à fait partial….

  3. @Vlady Boissin says:

    Mr Vlady Boissin j’approuve quelques fois vos commentaires…… mais là je ne cautionne pas votre  » partialité  » du kiosque ….. je suis d’accord avec J Goupil ……depuis quelques mois des commentaires ne sont pas publiés….. pourquoi ?
    Alors qu’ils ne sont ni vulgaires , ni atteinte à la personne …… moi aussi je trouve un changement de  » démocratie  » depuis une certaine mis en place d’une nouvelle direction…….

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