Edito du Kiosque : « J’aime qu’on me haïsse »

La liste s’épaissit des personnalités incriminées dans des affaires de harcèlements et d’agressions sexuels, de violences conjugales et de féminicides. Tel un chapelet qu’on s’égrène sans fin, une chaîne de prières sans écho, suspecte et angoissante pour des victimes trop souvent dédaignées par les chapelles élitistes.
©AFP

L’élection de Miss France fait toujours polémique. D’abord régionaliste, dès lors que sa candidate de cœur, Cantalienne ou Berrichonne, est prématurément écartée de la dernière quinzaine collégiale. Puis nationale et universelle dans la croisade existentielle que livrent les féministes contre ce monument spectaculaire du sexisme et du patriarcat. Tous les ans c’est couru, notre Marianne ceinte de tricolore fracture la République. Entre gauloiserie et noblesse, les cœurs balancent, battent la chamade qu’accélèrent parfois les propos saugrenus ou déroutants de la sémillante reine. En ce millésime 2024, pour l’exemple, le cheveu tint, sur la langue bien pendue de la Calaisienne de 20 ans, une place prépondérante. Court comme l’arborait la lauréate, est une manière de « se couper des hommes… La taille du cheveu reste encore extrêmement genrée.» expliquait Eve Gilles pour détourner l’attention sur un monde mineur ébouriffé par des vents légers, fripons. Un monde en panique qui tend à éroder captieusement le passé, l’histoire pour motiver des corrections nécessaires, justifiées ou pas. Laetitia Casta, Audrey Tautou, Cécile de France, comme Jean Seberg et Mia Farrow, en d’autres temps, portent le cheveu court en toute innocence et semblent s’en accommoder fort bien sans autre ambition que leur propre plaisir. Comme le nôtre à les voir ou revoir sur des écrans lissés, menacés de censures impropres et compromettantes.

Censure défensive

Pour peu qu’elles aient passagèrement embrassé une aventure commune avec un prédateur sexuel supposé ou révélé, nous ne les reverrons plus sur le service public, condamnées pour leur innocent concubinage cinématographique. Adieu la libertine des Valseuses, Marie-Ange (Miou Miou) est remisée au musée des horreurs avec son gouailleur, Jean-Claude (Gérard Depardieu), en accusations répétées de viols et harcèlement sexuel. Il est essentiel que la justice fasse son œuvre pour condamner, si nécessaire, le faucon extravagant du cinéma français. Il est beaucoup moins cardinal de s’engager dans une censure défensive pour préserver la concorde sociale. Céline, Rimbaud, Verlaine ou Lautrec ont survécu à leurs frénétiques existences, Orange mécanique (Kubrick), La grande bouffe (Ferreri), Le dernier tango à Paris (Bertolucci), Affreux sales et méchants (Scola) et Sous le soleil de Satan (Pialat) ont été couronnés de leurs audaces pour enrichir notre patrimoine culturel. Il en sera de même pour Tenue de soirée, Camille Claudel, Tous les matins du monde, Mon oncle d’Amérique, Le dernier métro, Jean de Florette, Napoléon, La Môme, Les compères, Les fugitifs, 36 Quai des Orfèvres, Le choix des armes, Danton… autant de références qui survivront au picaresque Gégé. « Et bien, oui, c’est mon vice. Déplaire est mon plaisir. J’aime qu’on me haïsse. Mon cher si tu savais comme l’on marche mieux sous la pistolétade excitante des yeux » déclamait l’inoubliable Cyrano. Tirade prémonitoire avant l’actuel baisser de rideau sur le « panache » fané et gisant du « pétardou » berrichon

Georges Chabrier

Commentaires 10

  1. Lise Belada says:

    Georges Chabrier, c’est toujours un plaisir de vous lire. J’apprécie votre façon d’écrire qui révèle une culture et un maniement de la langue française délicieux.
    Merci.
    Lise

  2. Riverin Jean-Paul says:

    Laissons vivre les femmes, les hommes, mais chacun de leur côté, on évitera les problèmes et accessoirement la natalité chutera brutalement, le monde touchera le fond …mais peu importe.
    On ne dira plus jamais Joyeux Noël, mais Triste Noël…et Mediapart n’aura plus rien à se mettre sous la dent…
    Merci Mesdames.

    • ACM49 says:

      Merci Messieurs…

    • à Riverin Jean-Paul says:

      Je suis une femme et je suis absolument d’accord avec vous. Et heureusement, toutes les femmes ne sont pas comme toutes ces féministes qui veulent effacer l’homme par tous les moyens. Elles s’impliquent bien trop souvent dans des dossiers, accusent et condamnent d’emblée alors qu’elles n’étaient même pas présentes au moment des faits. Ecouter une personne qui se plaint est une chose mais la croire sur parole est un autre sujet.

  3. Florentais says:

    Bonsoir. Un grand merci encore monsieur Chabrier.
    Une belle écriture, de la culture ,de l esprit.
    Je vous souhaite de belles fêtes de fin d’année.

  4. Ridicule says:

    A l’instar de Samson pour qui sa chevelure représentait sa force et sa puissance, une miss se sent à son tour toute puissante avec des cheveux coupés. Une élection de féministes aux cheveux courts et aux idées courtes.

    • ACM49 says:

      Il est ridicule car il ne me semble pas que cette miss se sente toute puissante car portant les cheveux courts. En revanche, sa coupe de cheveux a fait couler beaucoup d’encre bien malgré elle et cela est RIDICULE comme votre commentaire. Quand a estimer que l’élection de miss france est « féministe » c’est bien mal connaitre les « féminismes ».

      • Ridicule@ACM49 says:

        Non, cela n’a pas été malgré elle. Elle n’a eu besoin de personne pour revendiquer ses cheveux courts. Comme indiqué dans l’édito « Court comme l’arborait la lauréate, est une manière de « se couper des hommes… » Ou encore « La taille du cheveu reste encore extrêmement genrée » affirme t-elle. De plus cette année le jury n’était composée que de femmes. Comment est-ce possible à l’heure de la parité? Si tout ceci n’est pas du féminisme et de l’entre-soi…

  5. PAG says:

    Le commentaire de RIDICULE est ridicule (je ne pense pas que ce soit du second degré!)

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