Edito du Kiosque : L’entêtement

Pendant que les Français se mobilisent massivement contre la réforme des retraites, la guerre s’intensifie en Ukraine dans un emballement soutenu par les forces alliées de l’Otan. Sans aucunes comparaisons décentes possibles, les actualités de ces événements révèlent néanmoins en commun l’acharnement de ceux qui se confinent dans leurs desseins politiques.
Illustration "Shelley, la désertion de la civilisation"

La persévérance qui accompagne les bonnes causes est une qualité honorable. Lorsque cette aptitude se mue en entêtement, elle préfigure souvent du pire. Cette semaine, dans des dimensions tout à fait incomparables, deux chefs d’état sont confrontés aux conséquences de leur acharnement à poursuivre des desseins politiques hasardeux et périlleux.
Chez nous, dans l’Hexagone, Emmanuel Macron a concentré les colères de plus d’un million de personnes autour de son projet de réforme des retraites, un engagement pris pour marquer d’une pierre blanche son dernier parcours élyséen. Modeste prétention en vérité sur le dos d’une ambition injuste qui entend faire payer aux Français les errements de ses extravagances libérales.
Une version du tout en même temps très orientée et un nouveau sparadrap irritant généreusement appliqué sur l’une des plaies profondes qui anémient notre société, sans soigner les causes majeures de ses véritables maux. Pour certains, le combat engagé pour préserver l’acquis de l’âge légal de départ à 62 ans sans allongement de la durée de cotisations à 43 ans paraît injustifié dans les conditions actuelles d’endettement de la nation. Les données démographiques et sociales laissent en effet augurer de déficits futurs à considérer, mais la décision d’en faire supporter la charge aux ayants droit qui travaillent est inconvenante. Et ce contre l’avis de nombreux experts en démonstration de solutions qui désavouent les synopsis de nos réformateurs spécieux.
Dans la concertation oui, mais jamais dans le débat démocratique, nos gouvernants ont décidé d’aller jusqu’au bout, quelles qu’en soient les conséquences, dans un contexte de crise multiforme qui afflige le quotidien de nos concitoyens particulièrement des plus modestes. Qu’importe, présentée sans vergogne comme un « progrès social » par un quarteron de ministres alignés, cette réforme des retraites se fera, du fait d’un prince dont les beaux jours sont assurés.

Un point de non-retour

Autre dirigeant, autre entêtement aux portées bien plus funestes, celui de Poutine dans la folie meurtrière de sa voracité guerrière. Depuis 2014, l’homme du Kremlin voulait amputer l’Ukraine de son poumon industriel, le Donbass. Pour avoir sous-estimé la volonté du peuple frère (ukrainien et russophile) à consolider son indépendance et sa démocratie, l’autocrate s’est cassé les dents, a rongé son frein… pour mieux repartir vers Kiev et couper la tête de son insolent président, Volodymyr Zelensky. Quelques jours devaient suffire à la puissante Russie pour mettre à bas l’ex star des plateaux télé et placer un vassal à la Loukachenko.
Nous connaissons tous la suite, au fil de ses offensives, la toute puissante « armée rouge » a multiplié les échecs et connu l’humiliation qui, aujourd’hui, pousse Poutine à taper plus fort pour réduire en cendres le pays, au prix d’incommensurables atrocités. Neutralisée par un émérite adversaire, son artillerie a réglé la mire sur les cibles civiles, dispensant çà et là l’horreur, l’abomination, les crimes assumés des populations. L’immeuble éventré de Dnipro témoigne de la frénésie de l’apprenti tsar à accomplir son destin morbide, justifié dans un narratif de propagande qui anesthésie ses masses.
Poutine ne s’arrêtera pas, ce qu’ont admis les forces alliées de l’OTAN en passe de franchir le Rubicon de la belligérance. En dotant l’Ukraine d’armements appropriés, elles relèvent le défi d’une guerre d’attrition entre l’efficience militaire ukrainienne et des légions d’apprentis soldats mobilisées et sacrifiées pour compenser les vulnérabilités. Le point de non-retour est atteint. Cette guerre se fera, du fait d’un prince dont les beaux jours ne sont pas assurés. Macron et Poutine se parlent. Ces deux entêtés échangent parfois par téléphone, mais s’écoutent-ils vraiment ?

Georges Chabrier

Commentaires 19

  1. A. Paul Hitik says:

    Belle leçon de journalisme avec cet édito absolument neutre qui explique les faits sans prendre parti.
    Dites, Mr Chabrier, j’espère que votre arrivé au kiosque ne va pas en faire un organe de propagande politique ?

  2. Anonyme says:

    Belle plume…bravo…mais il en ressort que le destin et le quotidien de millions d’individus dépend de deux hommes à l’ego démesuré…et aussi de tous les larbins qui les entourent, asservis dans leur volonté de garder leur place, ayant à tort la certitude que leur nom marquera l’histoire. On a rarement vu un tel mépris de l’individu dans un pays déshumanisé au profit de l’arrivisme.

  3. Arnaud says:

    La stratégie de communication du gouvernement vise à détourner le débat. Selon lui, si une majorité de Français est contre sa réforme, c’est parce qu’il n’aurait pas été assez pédagogue. Il donne l’impression de prendre la faute sur lui pour mieux infantiliser. Se placer en « dominant », victime de l’incompréhension de gens incultes. C’est d’une perversité absolue, car parler d’incompréhension évite de reconnaître l’opposition qui s’exprime et donc de négocier.

  4. Arnaud says:

    D’aucuns ne voulaient pas croire que Poutine envahirait l’Ukraine : un temps précieux a été perdu. A présent, les occidentaux ne cessent de se répandre en conjecture sur leur soutien à l’Ukraine. Poutine mise sur notre faiblesse à trop tergiverser. Plutôt que de réviser, à chaque nouvelle évolution du conflit, les limites qu’on ne voulait pas franchir agissons et vite puisque nous nous sommes engagés à soutenir l’Ukraine jusqu’au bout car des gens meurent chaque jour.

  5. Arnaud says:

    Macron est Poutine se parlent en effet et à quoi ça sert ? L’un se joue de l’autre quand l’autre s’imagine pouvoir lui faire entendre raison.
    Il ne faudrait pas humilier la Russie ? Ca Poutine s’en charge à merveille et quant à garantir la sécurité de la Russie. Je crois rêver, mais qui est l’agresseur !
    Il faut arrêter le « en même temps » qui n’a pas sa place dans ce conflit. Ca en devient risible si ça n’était pas tragique pour des milliers de civils.

  6. Pierre Blanchaud says:

    Comme les 10% des français les plus riches vivent en moyenne 10 ans de plus que les 10% des Français les plus pauvres, une évidente mesure de justice ne consisterait-elle pas à ce que les français les plus riches partent à la retraite 10 après les plus pauvres ?

  7. Pierre Blanchaud says:

    Quand, en un an, le pouvoir d’achat des Français moyens à subi la plus forte baisse des pays d’Europe, la richesse des grandes fortunes à bondi de 86% ou augmenter de 231 milliards. Pourquoi chercher ailleurs le financement des retraites quand on se prétend épris de justice ?

  8. Jean says:

    Dommage pour le Kiosque : « tout ce qui est excessif est insignifiant ».
    Prendre parti est possible , mais le rapprochement entre la guerre en Ukraine et le projet de réforme des retraites dépasse le raisonnable.

  9. Retraité 2 says:

    Il fallait surtout que nos gouvernants de l’époque c’est a dire dans les années 1960 réalisent que 60 ans plus tard il y aurait beaucoup de retraités car c’était le  » BABYBOUM » !!!! a l’époque c’était des familles nombreuses 6 a 9/ 10 enfants…. donc c’est le résultat aujourd’hui , et dans les années 80 celui qui avait 37,5 années de cotisations partait à la retraite….

  10. Tony Mufer says:

    Un édito…un vrai. C’est ce que l’on attend de cet exercice. Qu’il suscite la réflexion. C’est fait et de belle manière

  11. Saumurois ! says:

    je suis assez surpris par cet édito ! Saumurois, je lis « Saumur kiosque », c’est-à-dire le kiosque de Saumur. Pour le reste, je peux trouver sans paine un déluge d’opinions péremptoires ! Dans « Saumur kiosque » je cherche ce que je ne peux lire nulle part ailleurs, les savoir-faire, les patrimoines, les événements, etc. de ma région. Je crois que c’est ce qui était ressorti de votre sondage. Savoir si Macron et nul ou génial, ce n’est pas le sujet, ce n’est pas l’objet

  12. boucher dominique says:

    Belle contribution et innovation pour Le Kiosque, de plus en plus incontournable et plaisant!

  13. boucher dominique says:

    De plus ; superbe iconographie pour illustrer ce propos!

  14. Francis Prior says:

    Psychologie de bazar et contresens. Le président ne fait que réaliser un engagement pris devant les Français. Il ne se représente pas, il pourrait laisser courir les réformes et se reposer sur les lauriers déjà acquis mais il sait qu’elles sont indispensables. Il n’y a pas d’entêtement mais seulement le respect de ses engagement. Et il y a contresens a comparer quelques sondages et manifestation avec le respect des règles démocratiques.

    • Vlady Boissin says:

      Les lauriers acquis !!!! Me laissent dubitatif. Pour ce qui est de l engagement , en 2019 le même Macron avait déclaré qu il ne toucherait pas à l age de la retraite. Lequel Macron doit on croire? 2019/2023. Expliquez moi. Merci.

    • Arnaud says:

      La réforme est indispensable dites-vous ? Le Président du COR jeudi, jour même des manifestations, disait devant la commission des Finances de l’Assemblée nationale qu’il n’y avait pas urgence surtout dans la période actuelle où les français doivent faire face à une inflation importante. Faudrait savoir ! Il dit aussi « Les dépenses des retraites sont globalement stabilisées et même à très long terme, elles diminuent » Le pic des papys boomer qui est en passe d’être résorbé.

  15. Francis Prior says:

    Pierre Blachaud. Sur le pouvoir d’achat vos chiffres sont faux. Sur les milliardaires, il s’agit de valeur potentielle, boursière, ce qui intéresse la création de richesse c’est la production de biens et et de services et non leur valeur faciale monétaire. 1 tonne d’or permet d’acheter beaucoup d’eau mais dans le désert le plus riche est celui qui dispose de quelques litres d’eau.

  16. Arnaud says:

    La réforme des retraites est vouée à l’échec du fait que la question de l’emploi des séniors n’est pas résolue. Un employeur et son salarié peuvent toujours se mettre d’accord pour une rupture conventionnelle de contrat. L’employeur se débarrasse de son salarié 2 à 3 ans avant sa retraite et y trouve son compte et le salarié lui se retrouve au chômage sachant qu’à son âge personne ne voudra l’employer. C’est donc l’assurance chômage qui en fera les frais.

  17. jeff says:

    L’UKRAINE, tout le monde s’en tape ! Il s’agit d’un conflit US – Russie (l’hégémonie contre le maintien d’une culture russophone, que celle-ci plaise ou pas !).
    Le combat c’est d’éviter la guerre, ce qui n’est pas l’ADN du « gendarme du monde », maintenant bien implanté dans l’UE et dans l’OTAN.

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