Fontevraud. Martine et Léon Cligman, un couple épris, d’art

Le 26 mai prochain, il aurait dû souffler ses 102 bougies. Léon Cligman vient de nous quitter. Cet industriel français est particulièrement connu en Saumurois puisqu'il avait fait don avec son épouse Martine d'une grande partie de leurs collections, permettant ainsi la création du musée d'art moderne de l'abbaye de Fontevraud. Retour sur le parcours de ce couple épris d'art.

Pendant plus de soixante ans, Martine et Léon Cligman ont rassemblé des peintures, des dessins et des sculptures d’artistes des 19e et 20e siècles, ainsi que des antiquités et des objets extra-européens (Afrique, Océanie, Asie, Amériques). Par cette confrontation de formes et d’usages provenant de civilisations différentes, cette collection constitue un ensemble original et de grande qualité.

Des collectionneurs humanistes

Martine Lévy est elle-même fille de collectionneurs. Élevée parmi les toiles de Maurice de Vlaminck, de Raoul Dufy et de Chaïm Soutine, les sculptures d’Auguste Rodin et les dessins de Degas, Martine ne pouvait que s’engager très jeune vers les chemins de la création et avoir aussi l’envie de les collectionner. Lorsqu’elle rencontre Léon Cligman au sortir de la guerre, le jeune homme, brillant élève de l’École supérieure de commerce et résistant à l’âge de vingt ans, entame une carrière d’industriel dans le domaine du textile, une activité qu’il poursuivra avec succès dans les sociétés qu’il crée ou rachète, dont Newman, Saint Laurent Rive Gauche, Christian Lacroix ou Lacoste sont les marques phares. Ses usines, souvent ultra-modernes, sont localisées dans un périmètre dont il se plaît à dire que l’abbaye de Fontevraud est l’épicentre (Issoudun, Tours, Angers, Cholet).

Un regard commun

Mariés en 1954, Léon et Martine Cligman décident de suivre la tradition familiale et commencent à acquérir les objets qui constitueront leur environnement quotidien pendant toute leur vie : attirés par les expressions d’une modernité classique, ils collectionnent les tendances figuratives de l’art de l’entre-deux-guerres comme les artistes venus d’Europe de l’Est qui participèrent, dès le début du 20e siècle, à la vitalité de l’École de Paris. En écho, les objets de toutes origines, pour peu qu’ils soient marquants par leur expression, la synthèse de leurs formes ou la solidité de leur structure, sont acquis sur des coups de cœur, au gré de leurs voyages ou sur le marché de l’art parisien, dans des galeries et en ventes publiques. Leur principe : ne jamais acheter d’œuvres sans l’accord de l’un et de l’autre, chaque œuvre devant être le reflet d’un regard parfaitement commun.

Léon Cligman

Léon Cligman, né en 1920 en Roumanie, est un industriel français du secteur du textile. En 1941, il entre dans la Résistance française et devient secrétaire du Comité départemental de Libération pour la région d’Issoudun en 1944. À la Libération, il est un temps maire de cette ville et assure l’intérim avec les nouvelles institutions. Il est nommé gérant en 1961 de la Confection de l’Indre à Issoudun, entreprise fondée par son père Serge en octobre 1939, qui deviendra ensuite Indreco. Il est dans le même temps gérant de la Manufacture tourangelle de confection, animateur des établissements textiles Lemmel, Duthilleul devenus Cidel SA (1969), Labrosse et Fils, entités du groupe Indreco qu’il préside depuis 1989. Simultanément, Léon Cligman est administrateur puis vice-président des Nouvelles Galeries réunies, gérant de Devanlay-Recoing, puis président de Devanlay SA (1984-1998), qui possède les marques Lacoste, Scandale, Jil, Orly. À la fin des années 1970, le groupe Indreco-Devanlay emploie plus de 40 000 salariés. Léon Cligman est également décoré : Commandeur de la Légion d’honneur en 1988 par le président de la République François Mitterrand ; Grand-croix de l’ordre national du Mérite Grand-croix de l’ordre national du Mérite en 2015, par le Premier ministre Manuel Valls ; Croix de guerre 1939-1945 et Commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres Commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres depuis 1985.

Martine Cligman

Née à Troyes 1932, elle est une artiste peintre et sculptrice française, connue sous le nom de Martine Martine. Martine Lévy est la fille de Pierre et Denise Lévy, collectionneurs et mécènes. Elle participe en 1956 à une exposition de groupe à la galerie Romanet, « Cent tableaux de fleurs, de Van Gogh à Bernard Buffet ». Son œuvre est achetée par l’État. Elle refusera tout projet d’exposition pendant plus de quinze ans pour ne se consacrer qu’à son travail. Enfermée dans son atelier, à l’abri des regards et des influences extérieures, elle donne naissance à une œuvre prolifique. Au terme de cette longue période, elle présente ses toiles à la galerie parisienne de Katia Granoff en 1971. Les expositions vont dès lors se succéder à Paris (galerie Henri Bénézit, galerie Elyette Peyre), puis New York, Jérusalem, Genève, Bruxelles… Son œuvre figure dans de nombreux musées français. En 1995, le musée des beaux-arts de Béziers a inauguré une salle Martine Martine, pour y accueillir une importante donation. Depuis 2002, elle expose régulièrement à la galerie Nicolas Deman à Paris. Peintures, lavis, sculptures, dessins, gravures : l’art de Martine Martine est multiple, à l’instar de ses thèmes favoris d’inspiration : concerts, natures mortes, portraits, chevaux, sumos… Le thème récurrent des mains occupe dans son corpus peint et sculpté une place centrale. Martine affirme volontiers que son travail relève d’un « expressionnisme nouveau ». Elle est aussi Chevalier de l’ordre national du Mérite (2004), Commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres Commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres (2009) ; Chevalier de la Légion d’honneur Chevalier de la Légion d’honneur (2011).

Commentaires 1

  1. Bientôt une place ou une rue au nom de ce Grand Monsieur à Fontevraud ? says:

    À lecture de la biographie de ce Monsieur et de son épouse, on est frappé par leur intelligence, leur hauteur de vue, leur courage, leur gratitude, leur humilité et leur générosité. On ne qu’être admiratif et respectueux d’un tel parcours de vie. Un grand merci à eux. Et quel contraste avec la petitesse d’un Zemmour ou d’un C-H Jamin, de leurs idées nauséabondes et de leur vision d’une France étriquée !

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