« Ils-elles sont passé(e)s par Saumur », la chronique de Gino #10 : Aristide Aubert Du Petit-Thouars « Le héros d’Aboukir » (1760-1798)

Cette rubrique bi-mensuelle du dimanche, orchestrée par Gino Blandin, auteur saumurois et président de la Société des Lettres de Saumur, se propose de brosser le portrait des personnalités qui, au fil du temps, sont venues à Saumur au cours de leur existence. Aujourd’hui : Aristide Aubert Du Petit-Thouars « Le héros d’Aboukir » (1760-1798)
Aristide Dupetit-Thouars - Statue d’Albert Jouanneault (1933) - (Documentation du musée d’Orsay, photographie Florence Tunc)

Né le 31 août 1760 au château de Boumois à Saint-Martin-de-la-Place, Aristide est le quatrième fils de Gilles-Louis-Antoine Aubert du Petit-Thouars et de Marie Gohin de Boumois.
Comme son frère aîné, il est destiné à la carrière des armes et envoyé comme lui au Prytanée royal de La Flèche. A quatorze ans, Aristide fait la connaissance de l’officier de marine et navigateur Yves-Joseph de Kerguelen de Trémarec, que son oncle avait gardé enfermé au château de Saumur, suite à sa disgrâce pour avoir fait croire que les îles désolées qu’il avait visitées étaient des paradis. Ces récits éveillèrent l’imagination du jeune garçon.
Aristide va parfaire sa formation à l’École militaire de Paris, créée au milieu du siècle. Il s’enrôle ensuite en tant que cadet dans le régiment de Poitou, régiment d’infanterie dont il devient sous-lieutenant en 1777.
L’année suivante, la guerre d’indépendance américaine lui fournit l’occasion tant espérée de s’engager : il reçoit du ministre de la Marine la permission de se rendre à Rochefort. Après examen, il est reçu au rang de garde-marine. Sa destinée de marin est enfin sur la bonne voie. « Je me crus maréchal de France », écrit-il à sa sœur.
Aristide participe à plusieurs batailles navales. Il navigue sur le Fendant sous les ordres de Louis-Philippe de Rigaud, marquis du Vaudreuil, ou sur la Couronne, vaisseau de 80 canons, fleuron de la marine française.
En 1779, Aristide part en mission au Sénégal où sévit la traite des Noirs. La France entend reprendre aux Anglais le comptoir de Saint-Louis afin de pouvoir envoyer des esclaves aux Antilles pour exploiter la canne à sucre, denrée précieuse à cette époque.
En 1783, la paix revenue, il prend le commandement du Tarleton, un navire capturé aux Anglais dans les Caraïbes. Les voyages lointains le fatiguent quelque peu. De retour en Anjou, il se lance dans l’exploration de son propre fleuve : la Loire. C’est alors qu’il apprend la disparition de l’expédition La Pérouse partie explorer le Pacifique.

La nouvelle enflamme l’imagination du jeune marin qui ne pense plus, avec son frère aîné, et comme d’autres à ce moment, qu’à partir à sa recherche. Il pense que le navigateur se trouve sans doute sur une île déserte à l’instar de Robinson Crusoé. Les deux frères forment aussitôt le projet de retrouver le navigateur et son équipage, mais celui-ci échoue. En juillet 1789, Aristide se trouve à Paris lorsque survient la prise de la Bastille. Apprenant que la Société d’Histoire naturelle se propose également de lancer une expédition, Aristide tente d’en faire partie et sollicite audience auprès du roi. Louis XVI, qui interroge régulièrement son ministre de la Marine sur le sort de son cher La Pérouse, finit par se laisser séduire par la proposition d’Aristide. Il félicite son audace et sa bravoure et ordonne à l’amirauté de Brest de lui fournir tout le nécessaire pour deux années en mer.
Aristide lève les voiles depuis Brest en septembre 1792, mais son beau projet sur La Pérouse tourne court : au Brésil, son bateau est arraisonné et pillé. Il est arrêté par les autorités locales, la France et le Portugal étant alors en guerre. Le marin français est envoyé à Lisbonne et emprisonné. Il est libéré au bout de quatre mois sur l’intervention de Talleyrand, ambassadeur de France.

En 1793, Aristide file vers la Nouvelle Angleterre où il escompte se refaire une fortune. Ayant appris la chute de Robespierre et l’installation du Directoire, il se décide à regagner la France. Ses états de service lui valent de réintégrer la marine française en 1795 avec le grade de capitaine de vaisseau.
En mars 1798, l’expédition de Bonaparte en Egypte est en préparation : Aristide se voit confier le commandement du Tonnant, navire de 80 canons. Le 19 mai 1798, il part de Toulon en tant que chef de division des armées navales. Parvenue à destination en juillet, la flotte française se voit retenue, au mouillage dans la rade d’Aboukir, près d’Alexandrie, par la flotte britannique de l’amiral Nelson.

Le 1er août, s’engage une bataille navale mémorable au cours de laquelle Aristide Aubert du Petit-Thouars fait preuve d’un héroïsme devenu légendaire. Il lutte jusqu’à la mort sur le Tonnant qui était démâté et en grande partie détruit. Il perd ses bras et une jambe, mais il fait jurer aux marins : « Ne vous rendez jamais ! Equipage du Tonnant n’amène jamais le pavillon ! ». Il se fait attacher au mât et meurt peu après. Son corps est livré à la mer suivant son souhait.
La bravoure d’Aristide du Petit-Thouars durant la bataille d’Aboukir donnera lieu à deux monuments commémoratifs, à Saint-Martin-de-la-Place (Alfred Benon, 1931) et à Saumur (Albert Jouanneault, 1933).

Bibliographie : Cachau Philippe, Une grande famille de marins et d’explorateurs français : les Petit-Thouars, Bulletin de la Société des Sciences, Lettres et Arts du Saumurois, n° 171, Saumur, 2022.

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