Keskidi : La chronique d’Hugo qui donne du sens aux mots #1

Nous parlons et employons des mots avant tout pour exprimer des idées. Pour se faire comprendre de son entourage, encore faut-il partager des références communes. Maximes, adages, proverbes, préceptes, dictons… tout un réseau d’images en kits, bien pratiques et aux origines assez hétéroclites qui veulent dire tout et son contraire.

“Pierre qui roule n’amasse pas mousse”

Ouvrons la première édition de cette chronique par une formule que l’on entend régulièrement et qui pourtant est souvent mal employée ou mal expliquée par ceux ou celles qui l’emploient. Soyons clair, il n’est pas question d’un Pierre éméché et titubant qui s’extirperait d’un bar, mais bien d’un bout de rocher et d’un peu de verdure humide.
En forêt, la mousse se développe à la surface de ce qu’elle touche, mais si l’objet sur lequel elle est accrochée se met subitement à bouger, alors tout porte à croire qu’elle tombera pour ne jamais revenir.
Ce proverbe est une allégorie de l’inconstance, qui serait source d’appauvrissement de l’être (pécuniairement et moralement). Loin d’encenser l’immobilisme, cette expression signifie qu’on ne bâtit rien de durable sur du mouvant, que la stabilité – de manière générale – est source de fortune (pécuniaire ou sociale). Voilà qui ne ravira pas les esprits les plus libres d’entre nous, surtout à l’ère de l’auto-entreprise et des relations éphémères. Il faut remonter à l’Antiquité pour retrouver les premières traces de ce message, qui n’a d’ailleurs que très peu évolué depuis. Pourtant, à cette époque, c’est avant tout un précepte philosophique d’harmonie et de modération, assez éloigné de l’idée de méritocratie, plus moderne.
Peut-être que l’insouciance ne va guère de pair avec la constitution d’un patrimoine pérenne, mais ne dit-on pas que les voyages forment la jeunesse ? Ah… Pourquoi faudrait-il choisir entre réussite sociale et enrichissement intellectuel ?

“Être le dindon de la farce”

Amies et amis de la gastronomie, je ne vous dis pas bonsoir puisqu’ici point de cuisine il ne s’agit. Et pourtant, de la manière dont cette expression est tournée, on pourrait se croire retourné au banquet de Noël, avec les cousins qu’on ne voit qu’une fois par an, les tatas tontons bruyants du bout de table, et la sacro-sainte volaille aux marrons. Le dindon, c’est l’idiot, ou le naïf, et la farce, le genre théâtral moyenâgeux. Un film illustre parfaitement l’idée (diffusé souvent pendant les fêtes, c’est un comble) : Le dîner de cons.
En substance, c’est être la victime d’une mauvaise blague ou d’une situation, souvent humiliante. Très populaire dans la comédie, le dindon est une personne qui se donne plus d’importance qu’elle n’en a réellement, ou plus directement quelqu’un de foncièrement simplet. Dans les deux cas, cette dernière ne cerne pas bien qu’on se moque d’elle. Cette formule familière nous vient tout droit du XVIIIe siècle où le dindon (ou la dinde) est considéré comme un animal pataud et terriblement bête avec son attitude toute renfrognée. Bien qu’on puisse être un dindon “accidentel” dans le cadre d’un aléa un brin ridicule, la notion de préméditation d’un tiers le provoquant est clairement sous-jacent.
La crédulité et la gentillesse sont souvent associées – à tort ! – aux âmes nigaudes que l’on roule facilement dans la farine. Mais les petits malins devraient se rappeler cet autre adage : aux innocents les mains pleines.

Commentaires 1

  1. boucher dominique says:

    Rubrique géniale, à lire, relire, faire lire

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