Keskidi. La chronique d’Hugo qui donne du sens aux mots #6 : « Montrer patte blanche »

Nous parlons et employons des mots avant tout pour exprimer des idées. Pour se faire comprendre de son entourage, encore faut-il partager des références communes. Maximes, adages, proverbes, préceptes, dictons... tout un réseau d’images en kits, bien pratiques et aux origines assez hétéroclites qui veulent dire tout et son contraire. Cette semaine "Montrer patte blanche".

Cette fois-ci, difficile de se tromper, l’image est assez claire. Quant à l’orthographe, eh bien nous avons deux “t” ce qui exclut d’office toute confusion avec une recette de spaghetti. D’aucuns pourraient croire que nous évoquons ici l’extrémité d’un membre de lapin ou de lièvre, supposé communément nous apporter bonne fortune ; mais il n’en est rien. Cette expression sort tout droit d’un monument de notre littérature nationale et bon nombre l’ont intégrée sans y faire attention.

Je ne sais pas vous, mais si certains ouvrages me font encore cauchemarder à l’idée que j’ai dû les lire au cours de mes études (sacré Télémaque…), d’autres, au contraire, me replongent dans un petit bain de nostalgie. Comme les fables de La Fontaine pour ne citer qu’un exemple, puisque “montrer patte blanche” est tiré d’un des épisodes de cette œuvre impérissable. En substance, il s’agit de prouver sa bonne foi, sa légitimité en un lieu ou pour une action, justifier de sa présence à un événement, comme fournir une pièce d’identité ou une confirmation de réservation. Jean de La Fontaine a inventé cette mignonne locution verbale que l’on peut retrouver dans la fable : “Le Loup, la chèvre et le chevreau” ; où M. le Loup, comme à l’accoutumée, cherche à duper l’un de ses congénères. Non pas pour lui vendre des formations imaginaires mais bien pour le croquer. Et alors que l’innocent chevreau s’apprête à lui ouvrir et à précipiter sa fin (il est malin, ce loup), il a la bonne idée de demander au prédateur de montrer la couleur de sa patte, pour être tout à fait sûr. Ce signe distinctif vient défaire le prédateur qui doit battre en retraite. L’expression est demeurée, depuis, inchangée et on l’utilise toujours aujourd’hui. Pas littéralement, bien entendu, la patte blanche incarnant tout signe distinctif permettant de faire la lumière sur la légitimité d’un individu.

La littérature est un vivier formidable en ce qui concerne adages et proverbes. La Fontaine, avec ses morales et ses vers, n’est pas en reste. Lui, pour le coup, serait exempté de montrer patte blanche en ce qui concerne son impact sur notre imaginaire !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Les commentaires sont limités à 500 caractères.
Le Kiosque renforce sa veille : Les commentaires ne seront pas corrigés. Ceux comportant des mots grossiers ou portant atteinte à l'intégrité des individus n'étant pas publics ne seront pas publiés. La courtoisie n'empêche pas la libre expression, nous vous rappelons aussi que le débat s'enrichit d'idées et non de critiques aux personnes. Vous pouvez aussi nous adresser un article, une réflexion, une pensée,... que nous publierons en courrier du lecteur.
Are you sure want to unlock this post?
Unlock left : 0
Are you sure want to cancel subscription?