Le Kezako d’Hugo : Marquer le coup

Qu’il suscite de bons souvenirs ou d’affreux cauchemars chez celles et ceux qui l’ont passé, le baccalauréat est une étape incontournable des études depuis bien plus longtemps que l’on pourrait le penser. Il a traversé les siècles pour être aujourd’hui plus que décrié. Mais du coup, le Bac, kézako ?

Cet examen est apparu sous son appellation actuelle au cours du XIIIe siècle en France pour marquer une étape dans quatre domaines clés à l’époque : les lettres, les sciences, le droit et la théologie. Initialement, le terme “bachelier” désigne un jeune petit propriétaire, un rang en-dessous du banneret (celui qui peut prétendre à porter une bannière) au Moyen Âge. Petit à petit, le bachelier a défini l’homme libre, ou la femme à marier. Il est probable que le terme baccalauréat, tel que nous le connaissons, dérive de la locution “bacca lauri” (baie de laurier), une couronne que l’on donnait aux élèves méritants chez les Jésuites. Il est apparu en même temps que l’Université de Paris, et est resté réservé aux hommes jusqu’à tardivement. Après la Révolution française, Napoléon Ier réorganise les épreuves, le baccalauréat de médecine vient s’ajouter aux quatre précédents. Cent ans avant la séparation de l’Eglise et de l’Etat, l’Empereur soustrait l’établissement des épreuves à l’Eglise en 1808 dans le but de créer une élite pour gérer l’administration du territoire. Fait intéressant, il faut attendre 1852 pour que les baccalauréats de lettres et de sciences soient définitivement séparés (là où il existait systématiquement une épreuve de lettres pour tous les domaines)… et attendre 1861 pour voir la première femme candidate et diplômée ! Il n’avait jusqu’alors pas tant évolué que ça, gardant sa vocation à marquer une étape majeure dans la formation des futures générations.

Un siècle d’adaptation

C’est vers la fin du XIXe siècle que l’examen a commencé à vraiment ressembler à celui que nous connaissons. Plutôt réservé à la bourgeoisie, La deuxième révolution industrielle va provoquer un changement profond : la France a besoin de bien davantage de cadres spécialisés, le nombre de candidats explose jusqu’aux années 1930. A la sortie de la Seconde Guerre mondiale, dès 1946, la classe de terminale est scindée en trois épreuves finales : philosophie, mathématiques et sciences expérimentales. De même, jusqu’en 1963, les différents baccalauréats étaient découpés en deux parties. La première permettait le passage en terminale, la deuxième ouvrait les portes vers les études supérieures. Une réforme très importante du baccalauréat a eu lieu en 1965, établissant cinq catégories classées par lettre : études littéraires, linguistiques et philosophiques (A), les sciences humaines et politiques (B), mathématiques (C), physique, chimie et biologie (D), et les enseignements scientifiques et techniques (E). En 1969 apparaît l’épreuve anticipée de français pour toutes les catégories. Le baccalauréat professionnel est initié en 1985 sous l’impulsion de Jean-Pierre Chevènement, ayant pour but de former une partie de la population à des métiers techniques bien précis. C’est ensuite en 1995 que l’on a fait nos adieux aux anciennes appellations, au profit des filières S, L et ES (Scientifique, Littéraire, Économique et Social).

Un examen décrié

Il est évident que le Bac s’est profondément transformé, adressé désormais à tous les lycéens, mais avec des taux de réussite avoisinant les 90%, nombreux sont ceux à penser que ce rite de passage n’est plus qu’une formalité bradée. Les professeurs se questionnent à leur tour depuis la dernière réforme, instaurant le fameux Grand Oral. L’examen, en soi, a déjà perdu de sa superbe puisque le contrôle continu (les moyennes obtenues tout au long de l’année) occupe déjà une grande partie de la notation. Par ailleurs, les filières générales disparaissent en faveur d’une série d’épreuves communes à tous les élèves dans le calendrier, les spécialités étant désormais choisies au cours du lycée et notées au cours du contrôle continu. Les observateurs s’interrogent aujourd’hui sur la pertinence des épreuves du baccalauréat, mettant en exergue que les lycéens connaissent, avant le début même de l’examen national, plus de trois-quarts de leurs notes. Quant au Grand Oral, beaucoup regrettent une mise en place bâclée qui obligerait les professeurs à rogner sur les programmes pour “former” les élèves à l’expression orale. D’autres mettent en évidence qu’il vient remplacer les anciens TPE (travaux personnels encadrés), pour des raisons purement économiques.
Héritier de siècles d’évolutions, le baccalauréat s’est adapté aux besoins de la société pour devenir accessible à chacun. La confusion qu’il suscite aujourd’hui pourrait-elle être imputée au malaise que subit le monde de l’emploi ? Vous avez 3 heures.

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