Le Kezako d’Hugo : Un élève pas comme les autres

Comme de nombreux autres sports internationaux, le tennis vient émailler notre quotidien télévisuel avec ses rendez-vous annuels, tels que notre Roland-Garros national. Pourtant, pour les non-initiés, les règles de comptage des points peuvent sembler bien obscures. 15/A, kézako ?

Dans toutes les classes, on trouve des profils parfois plus excentriques que les autres. C’est un peu le cas du tennis qui, contrairement aux autres, a décrété qu’il ferait les choses différemment. Cela ne vous a pas échappé, en général, lorsque l’on marque un point, on gagne… un point (bon, je vous vois déjà arriver avec le rugby, nous y reviendrons pendant la coupe du monde en fin d’année). Football, volleyball, handball, water-polo et même… tennis de table, eux n’échappent pas à cette logique. Pourtant, en ce moment, quand vous allumez votre télévision et que vous tombez sur Roland-Garros, vous n’entendez pas vraiment l’arbitre ou les commentateurs décompter les échanges gagnés et perdus comme cela. 15, 30, 40, égalité, avantage, balle décisive, jeu, set. Et là, soudainement, cela ne fait plus du tout sens pour le commun des mortels. A vrai dire, étant joueur moi-même, ce système m’a toujours paru assez étrange. Lorsqu’on gagne un échange on obtient 15 points, puis 30, puis 40, le tout pour obtenir un jeu, etc. On s’y perdrait. C’est sans compter sur la règle des 2 points d’écart qui vient rallonger parfois de plusieurs heures les matchs. Deux points d’écart pour gagner un jeu, deux jeux d’écart pour gagner un set, par exemple. Ou encore cette affaire de tie-break (ou “jeu décisif”) qui vient écourter les fins de manche, mais qui se compte… normalement : 1, 2, 3, etc. Ah vraiment, sacré tennis.

Digne héritier du jeu de paume

Nous avons retenu le terme “jeu de paume” en France à cause du fameux serment de la salle du jeu de paume, où les députés français s’étaient lancés, le 20 juin 1789, dans la création de la première constitution de notre pays. Si cette salle portait ce nom, c’est qu’on y jouait à un jeu : l’ancêtre du sport actuel. Et ce n’est pas un hasard puisqu’au cours des parties de jeu de paume (nous remontons tout de même jusqu’au XVIe siècle, voire, pour les premières traces d’une activité proche, au début du Moyen Âge, rien que ça), gagner un point permettait de se rapprocher du filet. D’abord de 15 pieds, puis jusqu’à 30 pieds, puis enfin jusqu’à 40 pieds (et non 45, pour ne pas coller le filet non plus), où on déclarait le joueur avoir l’avantage pour servir. Cette façon de décompter les points découle directement de cette très ancienne règle qui a été adaptée dans la version moderne du tennis (ou “lawn tennis” en 1874 par le Major Clopton Wingfield et ses camarades). Nous avons perdu cette notion d’avancée dans le sport que nous connaissons actuellement, mais ce comptage hors norme est donc une sorte d’adaptation presque hommage de ce qu’étaient les sports de raquette d’antan. Anecdote amusante, savez-vous ce que veut dire “tennis” ? C’est une déformation du français “tenez” que les joueurs avaient l’habitude de lancer en tendant la balle à leurs opposants. L’usage oral en Angleterre l’a doucement fait glisser pour qu’il devienne finalement tennis.

Régime spécial

Au tennis, il faut remporter 3 sets (c’est à dire 3 fois 6 ou 7 jeux) pour gagner le match de Grand Chelem, du moins pour les hommes. Les femmes, elles, n’ont que 2 sets à accumuler pour être déclarées vainqueures. Les matchs féminins sont donc nécessairement beaucoup plus courts et ramassés. Nouvelle anomalie, le tennis est le seul sport qui modifie sa durée en fonction du sexe de ses joueurs. Pendant très longtemps, une légende urbaine prétendait que les matchs féminins duraient moins longtemps car les femmes n’avaient pas autant d’endurance que les hommes. Un argument largement décrié par les médecins, d’autant qu’il n’est pas rare d’avoir des duels de longue haleine entre deux adversaires acharnées. D’autres avançaient que le tennis féminin était moins spectaculaire, qu’il attirait moins les foules ou l’audience car moins impressionnant, moins puissant. Derrière cette raison, un argument pécuniaire : le tennis masculin rapporte plus, il doit avoir davantage de temps d’antenne. A l’heure actuelle, il n’est pas envisagé d’augmenter le volume de jeux de femmes, quand bien même les joueuses le réclament ; encore moins de réduire celui des hommes.

Vous aurez donc compris que les règles du tennis sont avant tout la marque d’une longue histoire. Peut-être que cette notion d’héritage explique pourquoi ce sport a tant de mal à évoluer, notamment pour les femmes.

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