Le Kezako du Kiosque : l’e-sport, kézako ?

L’esprit de compétition est sans doute né en même temps que l’Humanité, souvent sain (le sport, la performance par exemple), parfois destructeur (la guerre, en trop nombreuses occurrences malheureusement). Le besoin d’aller toujours plus loin nous a toujours fait avancer, et depuis peu, certains s’émeuvent d’avoir vu apparaître une petite lettre “e-” devant le sacrosaint sport. Mais concrètement l’e-sport, kézako ?

Guerre de pixels

Pour le grand public, l’avènement du jeu vidéo date des années 1970 avec l’apparition des bornes d’arcade, à une époque où les ordinateurs et les consoles demeurent des objets rares et coûteux. Il a fallu attendre que les évolutions techniques permettent aux joueurs de s’affronter en ligne entre humains plutôt que contre des intelligences artificielles. Aussi, dès les années 1990, les premières compétitions vidéoludiques ont débuté avec la démocratisation d’internet. Au départ, on ne parle pas d’e-sport mais simplement d’affrontements multijoueurs le temps de parties, sur diverses consoles ou ordinateurs et sur différents genres de jeux (allant de la stratégie militaire, aux sports de balle ou aux jeux de tir). On peut jouer en ligne si l’on possède une bonne connexion internet (ce qui n’était pas si courant au début des années 2000) ou retrouver ses amis et se brancher chez eux (et donc jouer sur un réseau local, sans internet, à l’aide de câbles). Le tout restait encore alors amateur, le jeu vidéo demeurait une activité de détente, une passion pour les plus mordu(e)s, mais pour en vivre, il fallait intégrer les studios de développement et participer soi-même à la création des licences qui remplissaient les rayons.

Compétitions et championnats

Il n’a pas fallu longtemps avant que les activités vidéoludiques ne désirent suivre l’exemple des rencontres sportives qui captivaient alors une audience gigantesque. On peut dater le tout premier événement d’e-sport en 1997, aux Etats-Unis, organisé par la CPL (Cyberathlete Professional League) et son fondateur Angel Munoz, sur le jeu Quake (un jeu de tir particulièrement nerveux, demandant réflexes et dextérité). Le public a sans doute pris conscience de l’essor des compétitions esportives lorsque les gains d’un tournoi ont pour la première fois dépassé le million de dollars en 2005. C’est d’ailleurs durant ces années-là que le streaming (c’est-à-dire la diffusion en direct sur internet) commence doucement à dérober l’attention traditionnellement offerte au petit écran. Et plus le nombre de spectateurs a augmenté, plus l’engouement a suivi. C’est en 2008 que l’IeSF (International Esport Federation), basée en Corée du Sud, essaye de faire reconnaître le sport numérique comme un sport à part entière. Les sommes allouées aux événements n’ont cessé de grossir depuis, et le jeu vidéo est même devenu une discipline à part entière dans les Jeux
Olympiques d’Asie du Sud-Est. Il faut dire que ce milieu possède ses sportifs de haut niveau, ses égéries, ses sponsors, ses scandales, comme n’importe quel sport populaire. Des écuries ont vu le jour, des écoles, des coachs, des carrières… Si vous en doutiez, le monde de l’e-sport n’a vraiment plus rien à envier à ses homologues physiques. Les joueurs sont dits professionnels et s’astreignent à des heures d’entraînements quotidiens, sont suivis par des médecins et ont des légions de fans arborant leurs couleurs. Quelques chiffres récents pour vous donner un exemple. En 2022 s’est tenu le “World Championship” sur le très populaire jeu “League of Legends”, l’événement a compté jusqu’à presque 6 millions de spectateurs en live, soit – en cumulé – plus de 140 millions d’heures visionnées. Une part d’audience proche d’un match en prime time à la télévision.

Quid de la France ?

Notre pays est au cœur des compétitions, la France forme des e-sportifs et héberge des événements, comme la Lyon e-Sport. Selon le ministère de l’Economie, ce secteur en évolution constante aurait rapporté au niveau national, en 2019, autour de 50 millions d’euros. L’e-sport français embauche actuellement environ 650 personnes à temps plein et possède un peu moins de 200 joueurs professionnels. Bien que les matchs numériques tendent à toucher un vaste public, ce sont majoritairement des hommes entre 15 et 35 ans qui les alimentent en vues. A titre indicatif, l’écurie Team Vitality, pour soutenir son développement économique, a soulevé près de 50 millions d’euros auprès de sponsors en 2022 ; preuve de la bonne santé de ce qui pourrait encore être comme une niche dans l’océan que représente le marché titanesque du jeu vidéo (3,5 milliards d’euros pour l’Hexagone, c’est dire). Dans tous les cas, on estime désormais à environ 8 millions le nombre de spectateurs réguliers des événements en ligne, ce qui pousse les chaînes à diversifier un peu leurs programmations pour offrir davantage de temps d’antenne aux compétitions numériques.

Gardons-nous bien de comparer trop durement sport et e-sport, car, du point de vue du canapé ou de l’estrade, la forme change mais clairement pas le fond !

Hugo

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