Le Kézako du Kiosque. Les vacances, mais au fait quelle origine ?

Se lever sans réveil et contempler son plafond sans craindre d’être en retard puisqu’on a tout son temps pour quelques jours. Nous travaillons pour que cette bulle dans nos existences soit la plus savoureuse et riche possible. Les congés, quel magnifique concept, nous aurions presque tendance à oublier que ce n’est pas si ancien que cela. D’ailleurs, les vacances, au fond, kézako ?

Des siècles de labeur

Pendant très longtemps, l’idée des “vacances” au sens de rompre avec son quotidien pour un temps donné n’avait pas réellement vigueur. Depuis quasiment le début de l’Histoire de l’Humanité finalement. Jusqu’à récemment, la subsistance était directement indexée sur l’activité quotidienne, qu’il faille travailler pour se nourrir ou se loger. Avec la modernité et le confort de nos sociétés, la survie n’est qu’un lointain souvenir : nous ne vivons plus au jour le jour. Cette assurance sur le moyen terme a permis de repenser le rapport que nous entretenions avec le travail et d’entrevoir des évolutions sociales sans précédent. Car les congés sont assez récents, mais peut-être moins que vous le pensiez. Ses premières véritables traces remontent au milieu du XIXe siècle, en 1853 précisément, sous le règne de l’empereur Napoléon III. Point de généralisation à l’époque puisque les fameux congés payés sont uniquement accordés aux fonctionnaires d’État. Au Moyen Âge, il n’est pas question de vacances, mais durant la période des moissons, il était d’usage de cesser son activité pour aller aux champs récolter (pas vraiment de tout repos, n’est-ce pas ?).

Des décennies d’évolution

La France n’est pas l’instigatrice de cette avancée sociale, puisque d’autres États européens l’ont précédée, comme l’Allemagne en 1905 ou l’Autriche-Hongrie en 1910. Bien que l’idée germe depuis les années 1920 dans l’Hexagone, rien ne bouge avant l’accession à la présidence de Léon Blum et du Front Populaire en 1936. De vastes mouvements sociaux paralysent alors l’activité de tout le pays, un bras de fer entre les syndicats et le patronat qui aboutira aux accords Matignon, prévoyant alors dans les nouvelles conventions collectives quinze jours de congés payés. La porte ainsi entrouverte, et dans une logique interminable d’opposition entre forces laborieuses et employeurs, les congés payés n’ont cessé de grandir jusqu’à aujourd’hui. De deux semaines, ils passent à trois en 1956 sous le gouvernement de Guy Mollet (qui n’aura guère duré beaucoup plus). Il est décidé de rallonger ce temps et de le passer à quatre semaines en 1969 (la décision avait été prise en 1968, mais les étudiants, en mai de cette année-là, furent un poil turbulents et perturbèrent le bon fonctionnement de la machine politique). Nous en sommes aujourd’hui à cinq semaines de congés payés depuis le gouvernement de Pierre Mauroy, sous la présidence de François Mitterrand, en 1982. Et depuis… eh bien la durée s’est stabilisée, faisant de la France le 6e pays le plus “généreux” (ex-aequo avec l’Estonie et la Grèce) en termes de jours (fériés y compris) avec 36. C’est un peu plus que la Hongrie (35), beaucoup plus que nos voisins brexiteurs (28), mais c’est surtout moins que la Finlande ou la Suède (37) ou que l’Autriche (40). Chose à noter, seuls les salariés peuvent bénéficier de ce régime, tous les autres, indépendants ou non-salariés, ne touchent bien entendu absolument rien lorsqu’ils cessent leur activité pour un temps donné. Le concept s’est très largement démocratisé dans le monde entier puisque l’Organisation Internationale du Travail (OIT) estime à près de 4 milliards les personnes bénéficiaires depuis le début du XXIe siècle. Ce chiffre est évidemment à prendre avec des pincettes, y avoir droit ne signifie pas que chacun les prend.

Moins de travail, plus de travail

Un effet que les classes bourgeoises n’avaient peut-être pas vu venir lorsqu’elles s’extirpaient de leurs demeures cossues des grandes villes pour rejoindre leurs demeures secondaires au bord de la mer : les congés payés ont très largement stimulé un secteur d’activité jusqu’alors plutôt mineur : le tourisme. Si cette “activité” existe depuis la Grèce Antique (appelez cela un “voyage d’agrément”), elle était globalement réservée dans nos sociétés occidentales à quelques individus sur la masse. La définition même du terme “tourisme” s’est établie dans les années 1960, c’est-à-dire après que les congés payés sont devenus courants. Eh oui, maintenant que la majorité des salariés peut se permettre de prendre du bon temps, pourquoi ne pas voyager, découvrir d’autres cultures, consommer différemment, se divertir, etc ; et donc générer des emplois et de l’activité pour les locaux. Hélas, comme pour tout, les vacances ne sont pas uniquement vertueuses, elles possèdent leur revers puisqu’elles génèrent une pollution très importante (gaz à effets de serre, ordures, perturbations des écosystèmes, etc.). Les vacances ne sont pas allées d’elles-même comme nous avons pu le constater. Si le modèle actuel n’est pas menacé par les institutions, l’inflation et les diverses crises que nous traversons (financière comme environnementale) ont largement restreint pour bon nombre l’accession au farniente.

Commentaires 1

  1. COJEAN Yvon says:

    Le ministére MOLLET a duré du 31.01.1956 au 21.05.1957; 3 semaines vraiment ?

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