Le Kezako du Kiosque. Ultra-transformation, l’optimisation de trop ?

L’alimentation est un sujet sensible, d’autant plus dans le pays de la gastronomie. L’actualité de ces dernières décennies est émaillée de scandales sanitaires. On jette régulièrement l'opprobre sur les produits industriels et mettant principalement en exergue un néologisme un peu fourre-tout. Parce qu’en vrai, un produit ultra-transformé, kezako ?

Socrate a posé un constat : “Il faut manger pour vivre et non vivre pour manger”. Si les plus gloutons ou gastronomes s’amusent à prendre le contrepied de cet aphorisme, il n’en demeure que, pour des siècles et des siècles, il s’agissait de l’unique vérité que la population connaissait. Le problème majeur qui subsistait pour contrer les pénuries ou les famines récurrentes était la conservation des aliments. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, ce qui était produit par l’élevage ou par l’agriculture devait être vendu et consommé au plus vite. On savait saler ou saumurer, mais à l’échelle d’une nation, ces techniques étaient insuffisantes. Les révolutions industrielles se succédant, il était normal que ce pan primordial de l’existence de nos sociétés soit lui aussi concerné. Qu’il s’agisse de stérilisation par la chaleur, ou de créer des récipients hermétiques (les fameuses boîtes de conserve en métal), la durée de vie des aliments bruts s’est considérablement allongée. Ce n’est qu’à l’aube du XXe siècle que l’arrivée des premiers prototypes de réfrigérateurs change complètement la donne pour les ménages qui peuvent garder leur nourriture au frais, plus efficacement qu’en les disposant au cellier. Avec cette nouvelle facilité, la crainte de manquer s’estompe quelque peu. Et c’est tant mieux puisque l’économie est moribonde au sortir de la Seconde Guerre mondiale. La logique consumériste impose à chacun d’avoir accès à davantage de confort et de choix, laissant la part belle à l’industrie agro-alimentaire afin de développer toutes sortes de nouvelles méthodes pour exciter et contenter cette demande en mal de satisfaction.

Décomposition et recomposition

L’industrie agro-alimentaire a dû répondre à plusieurs problématiques ; comment fournir, conserver, acheminer et vendre la nourriture sans que cela ne devienne démentiellement cher pour le consommateur en bout de ligne. Dans un premier temps, au début de la deuxième moitié du XXe siècle, la graisse et le sucre apparaissent comme deux matériaux parfaits pour multiplier les sorties du bout de chaîne sans augmenter pour autant l’apport en produit brut. Petit à petit, avec l’affinement des connaissances concernant la composition biologique des aliments (lipides, protéines, glucides, acides aminés, vitamines, etc.) et les progrès techniques importants réalisés par l’industrie, la société bascule dans la troisième évolution alimentaire, celle de l’ultra-transformation. La chimie a permis de séparer les composantes d’un produit en divers sous-produits. Cette fragmentation (ou “cracking” en anglais) est la base du processus de l’ultra-transformation. Le principe de procédé est d’extraire des molécules intéressantes de certaines matières brutes (comme isoler le gluten contenu dans le blé) pour les stocker et les injecter dans des denrées qui n’en possèdent pas naturellement. Deux exemples assez connus : l’amidon, qui sert à la création d’édulcorants ; ou le fructose, très sucrant et utile pour humidifier certains aliments. Agents conservateurs, additifs, exhausteurs, autant de termes qui ne rappellent pas vraiment la cuisine et qui, lorsqu’ils sont trop nombreux, favorisent des désordres physiologiques et psychiques chez le consommateur. Si l’industrie réalise de formidables coupes budgétaires à l’aide de la fragmentation, cela se fait aux dépens de ceux qui se retrouvent à la consommer.

Campagnes de sensibilisation

Depuis les années 1990, du moins en France, les autorités de salubrité alertent le public quant aux dangers avérés ou potentiels que représente l’absorption de ces produits ultra-transformés. Trop sucrés, trop salés, certaines substances favorisant l’apparition de maladies graves (diabète, cirrhose, ulcère, etc.). De nombreuses campagnes ont été menées pour prévenir les atours enjôleurs de la publicité, notamment en rappelant l’intérêt de pratiquer une activité sportive régulière, de varier son alimentation, de consommer davantage de produits frais et issus d’une agriculture ou d’un élevage biologiques, de diminuer les apports non nécessaires. Il est préconisé de lire les compositions au dos des paquets, de s’aider d’applications indépendantes pour décrypter les ingrédients cachés derrière les appellations barbares et les sigles. Une démarche longue et difficile pour de nombreuses personnes et qui demanderait à chacun de passer un moment considérable à lire de longues listes peu claires. Pour simplifier cela, depuis 2017, Santé Publique France a créé un système d’étiquetage vulgarisateur : le Nutri-Score ; classant les aliments de A à E selon les renseignements notés par l’industriel. Malheureusement, ce système fait régulièrement polémique puisqu’il ne prend pas en compte le degré d’ultra-transformation mais uniquement les valeurs nutritionnelles. Ainsi peut-on voir des produits lourdement modifiés mieux notés que d’autres naturellement riches en graisse ou en sucre (comme les jus de fruits ou le fromage) tout simplement car les premiers apportent davantage de nutriments que les seconds. Bien que toute la vérité n’ait pu être établie par la communauté scientifique quant aux effets à long terme des denrées ultra-transformées, il est préférable d’en limiter la consommation, par principe de précaution.

Hugo

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