L’édito du Kiosque : « C’est l’printemps ! »

Le printemps est la saison des variations. Il embellit la nature, attise et aiguillonne les fièvres des êtres en quête de renouveau. Entendrons-nous, bientôt, sous le ciel béni quelque chose d’heureux chanter dans l’infini.

Les fleurs de cerisiers s’en sont déjà allées, élégamment secondées pour éveiller nos sens, l’explosion printanière du renouveau. Les effluves et les couleurs détournent notre attention au gré de parcours ensoleillés du fuchsia d’un magnolia, de ramures dorées des forsythias. Le « primus tempus » nouveau est arrivé, enfin , porteur d’une cohorte d’espoirs, d’envies de reviviscence, d’inspirations exprimées tantôt par l’art, tantôt l’Histoire, comme l’a si bien illustré Victor Hugo dans sa littérature ou ses discours engagés. Son printemps poétisé « Le jour naît couronné d’une aube fraîche et tendre, le soir est plein d’amour, la nuit, on croit entendre, à travers l’ombre immense et sous le ciel béni, quelque chose d’heureux chanter dans l’infini », son autre, militant, affilié à la détresse du « printemps des peuples » porté par un vent de révolution contre la vieille Europe des empires et des princes, en 1848. Celle de puissances régnantes qui avaient avantageusement redéfini les contours du continent après le fiasco retentissant de Waterloo. L’Italie, l’Allemagne, la Pologne et la Grèce en figures de proue menèrent le combat de nouvelles ambitions libérales et démocratiques stimulées par l’intervention d’Hugo, en ouverture du « Congrès de la paix » organisé un an plus tard, à Paris. « L’ère des révolutions se ferme, l’ère des améliorations commence » disait-il pour affirmer son désir éperdu d’avènement de futurs « Etats-Unis d’Europe ». Là finit ton droit, ici commence ton devoir. Bas les armes ! Vivez en paix ! » Voeux pieux, l’embellie fut de courte durée, la Sainte Alliance des couronnés, soutenue par les armées, reprit son règne et, aujourd’hui, de ce « printemps des peuples » ne perdure plus qu’une constitution imposée en son temps par les fédéraux suisses.

Ebullitions

D’autres printemps aux destins éphémères nourrissent le chapelet de l’émancipation revendiquée par des Etats ou des peuples. En mémoire n’avons-nous pas celui de Prague, en 1968, au plus fort de notre mois de mai éponyme. Alors qu’Alexandre Dubcek accède au poste de secrétaire général du parti communiste tchécoslovaque avec l’ambition de s’affranchir du joug soviétique, de libéraliser son pays, Moscou se fâche. Les troupes du pacte de Varsovie envoient les chars pour « normaliser » la situation. Plus près de nous encore, en 2011, un séisme va ébranler le Maghreb sous la poussée d’une jeunesse excédée par la corruption et les privilèges de dynasties et de coteries peu préoccupées de la destinée populaire. Frustrations économiques et sociales, oppression, le couvercle explose sous la colère qui se répand d’Est en Ouest, du Maroc au Yémen, sur des terres désunies, souvent sous influence. Autant d’espoirs déçus balayés par la répression, les guerres civiles et l’instauration de dictatures. Il y a des printemps qui déchantent et d’autres, fort heureusement, immortalisés dans l’énergie positive de l’intemporel, de l’art. Celui des peintres de la saison des variations, Sisley dans ses Petits prés, où la Liseuse de Monet baigne dans une lumière blanche constellée de couleurs vives, au pied des Amandiers de Van Gogh. « Le printemps est inexorable » disait Pablo Neruda, il est stimulant, propice aux ébullitions, aux petites et grandes révolutions, voire à la légèreté comme le chantonne si malicieusement Pierre Perret. « C’est l’printemps, je vous quitte là mes bien chers frères ».

Georges Chabrier

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