L’Edito du Kiosque : Le monde d’Ovalie

Selon le surintendant du bon roi Henri IV, le Duc de Sully, labourage et pâturage étaient les mamelles de la France. Cette réalité traversa les siècles parant notre pays d’une tradition paysanne jamais démentie. Aujourd’hui, l’agriculture constitue toujours une donnée économique essentielle de notre région des Pays de la Loire, en représentation au salon de l’agriculture parisien. Un merveilleux coup de projecteur sur l’ensemble des filières confrontées au défi singulier du qualitatif et du quantitatif.
Ovalie, l'égérie 2023 du SIA

Certes elle n’a pas fait la une du « Time magazine », notre égérie bovine du Salon de l’agriculture 2023. Plantée élégamment sur l’épaisse moquette verte d’un décor pastoral, Ovalie arbore crânement sa robe acajou et bouclée, couronnée par la coiffe emblématique de deux cornes en forme de lyre. Elle nous charme et pose sous le regard attendri de 600 000 fans qui, comme chaque année, s’agglutinent dans les travées de la plus grande ferme du monde. Elle est belle, puissante, tout droit venue des terres pentues du plus grand volcan d’Europe. D’un paradis aux courbes douces et envoûtantes, cher à mon coeur, le Cantal, distingué il y a peu pour son air de grande qualité. De ce département le moins pollué de France descendent donc quelques agriculteurs conquérants, portés par un désir inassouvi de reconnaissance, l’affirmation de leur survivance. Car tel est bien le paradoxe en ce rendez-vous somptuaire où les «domestiques» de la terre trouvent enfin grâce auprès de tous, familles, médias et tout ce que le gratin de la politique compte d’amoureux d’un monde rural en perdition. D’un million de domaines à la fin des années 80, notre pays n’en compte plus que 400 000 aujourd’hui, une véritable hécatombe constatée notamment dans les petites exploitations. A l’inverse, en effet, les géants intensifient leur emprise sur le foncier pour remplacer ceux qui s’éteignent, sans succession, ou décident d’abréger définitivement leur calvaire. Chaque jour, deux agriculteurs se suicident, accablés par le désarroi, la charge insurmontable des aléas financiers, climatiques, sanitaires, l’abandon, la solitude. Que reste-t-il du monde paysan désormais minoritaire, sinon l’espoir d’une reconquête dictée par le besoin urgent de solutions adaptées aux nouvelles aspirations de bien-être. Ceux qui produisent, façonnent et entretiennent notre paysage méritent une attention pérenne, digne des enjeux fondamentaux auxquels nous sommes confrontés. La pollution, la malbouffe sont l’apanage de l’élevage intensif au préjudice de notre santé, de notre souveraineté alimentaire, de notre liberté à choisir les conditions environnementales et sociales de la production de nos aliments.

Désir d’agriculture

Le chemin est encore long pour trouver l’équilibre nécessaire et gommer progressivement nos comportements habituels au bénéfice de modes de consommations raisonnés. Mais, à présent, les consciences se réveillent et, si ce n’est l’équité économique à assurer, la sensibilisation s’amplifie pour privilégier la qualité à la quantité. Un concept qui échappe totalement aux colosses de l’industrie et de la distribution embarqués dans une négociation âpre et tendue dont dépendent les prix prochains du «panier des ménagères». L’inflation galope et les adeptes du «plus cher, moins cher» s’étripent pour préserver leurs marges respectives et favoriser l’opulence à la vertu, pour proposer du discount aux plus démunis. L’équation posée est complexe, mais chacun doit pouvoir revendiquer son droit à bien manger. Ovalie va retrouver ses copines dans l’étable douillette, son quartier d’hiver en attendant le printemps et le plaisir de se repaître dans les prairies naturelles et fleuries pour nous donner du bon lait enrichi de la bêta-carotène d’une herbe grasse et fraîche. Et pourquoi pas offrir une belle naissance pour étoffer le cheptel de Marine et Michel Van Simmertier, ses propriétaires. Un jeune couple (32 et 34 ans) reconverti par passion vers une carrière agricole à laquelle il n’était pas destiné. Alors rêvons, d’autant que le «désir d’agriculture» est prégnant, si l’on en croit le nouvel engouement pour les BTS spécialisés. Puissions-nous pour «longtemps arpenter les chemins d’Ovalie, le territoire sans frontières des amateurs… » de Salers. «C’est un monde où l’on se rencontre plus qu’on se croise»*. Petit message à l’adresse de ceux qui s’émeuvent, claironnent et pavoisent, le temps d’une farandole exotique de 10 jours.

Georges Chabrier
* emprunté à Daniel Herrero

Commentaires 4

  1. Cebenvrai says:

    Dommage que les élections soient passées sans succès pour vous ! Quel bon politique vous auriez fait avec ces bonnes paroles non suivies d’actions !

  2. Jack says:

    Merci de ce plaidoyer, mes origines puis mon métier m’ont convaincu.
    Le pouvoir n’y connaît rien et le fonctionnement des institutions empêche députés et sénateurs d’améliorer ce qui doit l’être, face à la grande distribution et certains industriels,
    Bon courage aux agriculteurs

  3. Jack says:

    J’oubliais : les Aubracs sont plus belles que les Salers !
    Et la Lozère plus belle que le Cantal !
    Un peu chauvin je reconnais

  4. Gedeon says:

    Mais pourquoi toujours tirer à boulets rouges . Un édito c’est un exercice particulier. C’est vrai que ça peut choquer certains de lire le Français tel qu’il est écrit. Alors un peu de recul …notre langue est si belle…et l’occasion tellement rare de pouvoir la déguster.

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