L’édito du kiosque : Malades imaginaires

Le système de santé poursuit une érosion inquiétante. Les hôpitaux sont sous tension, les personnels éreintés et la médecine du quotidien abandonne peu à peu nos territoires. Le degré d’urgence devient un critère d’accession aux soins dont la prise en charge par la Sécurité Sociale va décroître, compensée par une hausse programmée des mutuelles complémentaires.

« Les meilleurs médecins sont le docteur diète, le docteur tranquille et le docteur joyeux. » Faut-il, dès lors, se lamenter sur les déserts médicaux si nous appliquons cette prescription lucide du docteur Swift, auteur avisé des « Voyages de Gulliver ». Pensait-il, comme nous y sommes souvent contraints, chercher ailleurs, en terres imaginaires, la médication idoine à ses déficiences passagères. Il dût transplaner vers Lilliput pour mesurer la petitesse du genre humain, des hypocrites nantis déconnectés des réalités de leurs provinces indigentes. Certes, la comparaison est osée. Nuls, a priori, de ceux qui veillent soigneusement à nos santés, n’ont décidé, de sang froid, d’empêcher endocrinologues, néphrologues, stomatologues, rhumatologues ou autres dermatologues, de s’établir durablement sur nos territoires. Mais, les temps changent et les hautes spécialités se dispensent dans les grandes métropoles, toujours plus près des bassins économiques où foisonnent les meilleurs cachets, où lève confortablement le « blé ». Malgré les efforts désespérés déployés par les ARS (agences régionales de santé) et les diverses collectivités, les zones déficitaires se muent inexorablement en déserts propices au nomadisme thérapeutique. Faire un aller-retour vers Angers pour une simple infiltration est désormais un acte médical banal, accessible pour peu que l’on ait du temps, une voiture, un peu d’argent pour le plein d’énergie et l’autonomie suffisante pour assumer seul le parcours imposé. Mais qu’en est-il pour les personnes insuffisamment dépendantes pour être prises en charge ?

L‘avènement du salariat

A la disparition constatée de nos experts spécialisés, s’ajoute la lente érosion des « survivants », parmi lesquels nos généralistes, frappés par le virus contagieux du vieillissement et du droit à une très méritée retraite. La tendance baissière des probabilités de remplacements inquiète, plonge dans l’incertitude des milliers de personnes en recherche de praticiens et allonge les délais pour les patientèles contraintes d’attendre plus d’une semaine pour des consultations périodiques. Seul le niveau de gravité supposé influe sur les temps d’attente estimés, en moyenne, à deux journées. Nos bon vieux médecins partent souvent usés par des charges de travail conséquentes dues à des amplitudes horaires que leurs héritiers n’assumeront plus. Le salariat est en vogue et les mensualisés aux 35 heures supplanteront bientôt les dinosaures de famille. Ce constat se vérifie chez les ophtalmologistes et les dentistes dont les agendas explosent sous une demande excessive, parfois agressive. Voir ou souffrir, ne pas choisir et garder sagesse, à première vue il faut serrer les dents et attendre un mois, des mois, bien trop longtemps. Aujourd’hui, par exemple, jusqu’en octobre, quand la prise en charge des soins dentaires par l’assurance maladie passera de 70 % (taux actuel), à 60 %. Un coup bas de quelque 500 millions d’euros porté par l’État aux complémentaires santé, pour panser les comptes de la Sécurité Sociale. Les effets secondaires sont attendus sur les tarifs de nos mutuelles qui vont inévitablement s’enfiévrer. Une excellente nouvelle pour les millions de Français qui ne disposent d’aucune couverture complémentaire et pour tous ceux qui, faute de moyens, devront s’extraire de certaines garanties pour supporter la hausse. Heureusement, les docteurs diète, tranquille et joyeux veillent sur notre bien portance. Et, comme le déclamait Molière, « Presque tous les hommes meurent de leurs remèdes et non pas de leurs maladies. »

Georges Chabrier

Commentaires 12

  1. Société says:

    Analyse, hélas, oh combien pertinente. L’inflation n’est pas près de se calmer et, comme toujours, les moins fortunés seront les premiers à en souffrir. Ils ne pourrons plus même se faire soigner. Notre société est malade de vouloir se gérer comme une S.A.

  2. Martine says:

    Tellement vrai ! c’est lamentable de laisser les soignants, toujours plus en sous effectifs, s’épuiser à nous soigner.

  3. Raison de plus pour soutenir l'hôpital public says:

    A noter qu’à Saumur hôpital il y a de l’orl et de l’ophtalmologiste. Pour l’ophtalmologie il y a même une unité mobile moderne qui vient 1 jour par semaine a hôpital de Longue.Délai de RV par doctolib = 3 semaines. Le problème le plus important est la désertification médicale en ville et la dermatologie. Alors il faut défendre notre hôpital public. Pas de dépassements d’honoraires.

  4. Prior Francis says:

    Il doit s’agir d’une plaisanterie ce sanglot sur des soins inaccessibles car trop coûteux.

  5. Bernard HENRY says:

    Pour se soigner; il suffit d’aller à Paris ; vous aurez un RDV dans la journée tant il y a de médecins. La SCNF fait des petits prix sur les tortillards.. Lors de la consultation, laissez juste au praticien des prospectus sur Saumur Val de Loire pour le refaire venir ici, de préférence avant qu’il ne prenne sa retraite.

  6. Questionnement says:

    Il suffisait de ne pas voter pour le banquier ?…

  7. Vieux problème et mauvaises solutions says:

    Les maux actuels de notre système de santé trouvent leur origine dans des décisions et une politique de santé datant des 40 dernières années et reposant sur une vision parisienne et élitiste de l’organisation de la santé. L’archarnement à reproduire sur tout le territoire français…ce qui ne marche pourtant pas à Paris Propos de Bernard Henri sont hors sol. s’il y vivait il saurait.

  8. Simon says:

    Utopique. Des médecins salariés aux 35h ça s’appelle l’hôpital public et il ne fournit pas les spécialistes dont vous parlez. L’ARS ne fait rien pour saumur seuls les mairies et régions sont intéressantes (maisons de santé pour libéraux la solution)

  9. A simon says:

    Méconnaissance du système public. Le temps de travail réglementaire pour les praticiens hospitaliers est de ….48 H (obligation de 11demi-journees). Facile à vérifier. Et la population trouve t-elle son bonheur dans l’hospitalisation privée ?. Qui doit assurer seul (aucune obligation pour le privé) la continuité des soins urgents la nuit et les weekends ?. Attention à ne pas être dogmatisme et ainsi se tromper dans le diagnostic.

  10. A simon 2 says:

    Erratum. C’est bien une obligation réglementaire de 48 H mais sur 2 journées. Et donc avec obligation de participer à la permanence des soins la nuit et le week-end (pas pour le privé)). D’où le ras le bol qui fait que les plus jeunes préfèrent faire de l’intérim et ceux à l’hôpital sont tentés de le quitter pour s’installer en libéral avec moins de contraintes et des revenus 2 à 4 fois supérieurs.

  11. Florentais says:

    Bonsoir. C est bien le camp du bien depuis 40 ans au pouvoir qui justifie les impôts en vous indiquant que nous sommes pas à plaindre ?
    Alors pourquoi vous plaindre?
    Regardons ensemble le classement des meilleurs soins et prises en charges financier hospitalier dans le monde.

  12. Payer pour être CON...... says:

    Pas a plaindre !!!!! Vite dit …… nos acquis fondent comme neige au soleil, les avantages aussi pour certains…. les soins deviennent de + en + payant, rien que de franchises et forfaits j’en suis a plus de 400€ en 3 ans , pendant ce temps ont soignent des étrangers , profitent de l’AME etc etc …. honte a ce pays dirigé par des INCOMPÉTENTS

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