Législatives : majorité absolue, majorité relative, mais encore ?

A l'issue d'élections législatives, on connait les noms et couleurs des 577 députés de l'Assemblée Nationale, députés qui votent les lois proposées par le gouvernement. La majorité de ces députés peut être absolue ou relative. Dans le premier cas, pas de problème pour un gouvernement, dans l'autre, c'est plus compliqué : il faut concilier... Focus sur ce qui pourrait bien arriver à l'issue du 2è tour de ces élections législatives le 19 juin prochain.

En France, le droit de vote a été introduit en 1789, avec la Révolution française. Depuis l’avènement de la Vè République et l’instauration du régime présidentiel, la gouvernance de l’Etat repose sur deux pouvoirs : l’exécutif, président et gouvernement (désigné par le président) et législatif, le parlement composé du Sénat et de l’Assemblée Nationale. Pour faire appliquer ses décisions et adopter des propositions et autres projets de lois, l’exécutif doit obtenir l’aval du Parlement. C’est pourquoi, il est impératif pour un gouvernement de détenir la majorité à l’Assemblée Nationale, chambre la plus représentative puisque ses membres, les députés élus au suffrage universel direct, sont les représentants du peuple et de la diversité des territoires (les circonscriptions). La majorité, prise isolément, signifie « qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages exprimés » lors d’un vote. À partir de là, on distingue la majorité absolue, aussi appelée majorité simple, de la majorité relative. Par majorité absolue, on entend l’obtention de la moitié des voix plus une parmi les suffrages exprimés. Par majorité relative, on entend le plus grand nombre de voix obtenu par une proposition ou par un candidat au regard du nombre de voix obtenu par les autres propositions ou candidats. Ainsi, au regard du vote au suffrage universel direct du président et des députés, il se peut arriver que l’exécutif ne dispose pas de la majorité absolue, mais relative.

289, le nombre fatidique

L’Assemblée nationale rassemblant 577 députés, constituer une majorité absolue implique de rafler plus de la moitié des sièges garnissant le Palais-Bourbon : soit un minimum de 289 sièges. Nanti d’un tel soutien, le gouvernement peut faire adopter ses projets de loi en toute tranquillité à la chambre, même les plus contestés d’entre eux. Sous la barre des 289 membres, cette majorité dite alors relative connaîtrait en effet un quotidien bien différent de celui dont elle a joui ces cinq dernières années : elle devrait cette fois composer et il faudra aller chercher d’autres députés, négocier avec eux tel ou tel aménagement du texte pour s’entendre sur ce texte-là.

Un chef de gouvernement sans majorité absolue est très fragilisé.

À deux reprises déjà, sous la Ve République, de 1958 à 1962, sous Charles De Gaulle puis de 1988 à 1993, sous François Mitterrand. Rappelons-nous : En 1988, juste après la réélection de François Mitterrand, les socialistes ont dû gouverner sans majorité absolue à l’Assemblée nationale. Ils se sont contentés d’une majorité relative, avec seulement 275 sièges sur 577, jusqu’en 1993. Pendant cinq ans, les trois Premiers ministres qui se succédèrent, Michel Rocard, Édith Cresson et Pierre Bérégovoy, furent contraints de négocier, soit avec les communistes, qui comptaient 26 députés, soit avec le groupe centriste, fort de 40 sièges. Une situation qui a conduit notamment Michel Rocard, entre 1988 et 1991, à utiliser vingt-huit fois l’article 49-3 de la Constitution (1) pour se tirer des blocages parlementaires, qui autorise à faire passer en force un texte sans vote de l’Assemblée, mais sous réserve d’engager la responsabilité du gouvernement. Ainsi en fut-il de l’adoption de textes importants tels par exemple de la CSG ou encore du RMI. Mais il a quand même fallu trouver des compromis sur chaque texte.

Une situation qui pourrait bien se reproduire, mais…

Selon les différentes estimations, la majorité d’Emmanuel Macron pourrait obtenir entre 250 et 315 sièges à l’Assemblée nationale, soit potentiellement moins que les 289 députés nécessaires pour détenir la majorité absolue. Dans une telle hypothèse, pour pouvoir gouverner librement et faire passer ses réformes, le camp d’Emmanuel Macron serait contraint de négocier des alliances. Or une majorité relative ressemble davantage à une coalition faite de compromis et est toujours fragile. C’est tout le visage du quinquennat et de la législature à venir qui en serait transformé. En plus, le recours au 49-3 est aujourd’hui beaucoup plus limité qu’à l’époque : Il est restreint dans son application à certains textes financiers et un gouvernement ne peut plus en faire usage qu’une fois par session ! Bref, en cas de majorité relative à l’issue du second tour des législative ce dimanche 19 juin, le parti présidentiel devra compter sur ses alliés dans l’hémicycle pour appliquer son programme. « Mais la rivalité supposée entre Emmanuel Macron et Édouard Philippe, qui ne cache pas ses ambitions pour 2027, pourrait provoquer des remous au sein même de cette coalition », estime Maïté Charles, éditorialiste de Ouest France. Ainsi, dans une interview à France Info, le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier, estime qu’il existe « un risque réel pour la majorité de se retrouver dans une situation de blocage en cas de majorité relative. (…) Cela ouvre la possibilité d’un gouvernement empêché, entravé, qui ne peut pas mener toutes les réformes qu’il souhaite (…) et un gouvernement beaucoup plus négociateur et diplomate. »

(1) Le recours à l’article 49.3 de la Constitution : dans quels cas ?
Dans le cadre de l’examen d’un projet de loi en séance publique à l’Assemblée nationale, l’article 49 alinéa 3 (49.3) de la Constitution peut permettre l’adoption sans vote d’une loi.
Cette procédure donne la possibilité au Premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, d’engager la responsabilité du gouvernement sur le vote d’un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale, ou d’un autre projet ou une proposition de loi en débat à l’Assemblée nationale.
– Si le Premier ministre décide d’y recourir, sa décision entraîne la suspension immédiate de la discussion du projet de loi. Le projet est considéré comme adopté, sans être soumis au vote, sauf si une motion de censure est déposée dans les 24 heures qui suivent ;
– la motion de censure doit être votée selon des conditions très précises : seuls sont recensés les votes favorables à la motion de censure qui ne peut être adoptée qu’à la majorité des membres composant l’Assemblée.
Depuis la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, hors projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale, l’article 49.3 ne peut être utilisé que sur un seul texte au cours d’une même session parlementaire. Avant cette révision de la Constitution(nouvelle fenêtre), le gouvernement pouvait y avoir recours aussi souvent qu’il le voulait et sur n’importe quel texte.

Commentaires 10

  1. Sans conteste, il faut la majorité absolue says:

    En effet, tout ce que veut la Nupes, c’est de continuer à nuire, mettre un désordre sans nom comme à leur habitude en toute heure et tout lieu. Résultat: Fi et associés font perdre depuis des années, du temps et de l’argent au contribuable. Ils se moquent éperdument du reste et du sort des Français et du monde qui les entoure.

    • Oui pour la majorité absolue says:

      Avec Mélenchon grand soutien de Poutine et de toutes les dictatures, ce sera « l’anarchie, c’est moi! La monarchie, c’est moi! » Mais après le premier tour des législatives, les électeurs ont de nouveau les yeux ouverts. Ils ont bien compris que les Nupes leur ont menti sur tout. Mélenchon ne sera Jamais 1er ministre, c’est une certitude. La dissolution des Nupes est prévue après le 2ème tour et l’accord passé entre les candidats sautera comme une cocotte minute en ébullition.

      • Bernard says:

        L »outrance est plutôt du côté de ceux qui accusent l’autre de l’utiliser. Mélenchon est un républicain, ne vous en déplaise!!!! Et ses soit-disant rapports avec des dictatures n’est que pur délire de ceux qui craignent le retour à un monde plus juste et non-dominé par le capital.
        Quant aux mensonges dont vous l’affublez, ce n’est rien en comparaison des mensonges d’état de Macron ( affaire Mac Kinsey, etc…).
        Ne donnons surtout pas les pleins pouvoirs au monarque.

    • Vlady Boissin says:

      Votre anti NUPES frise le ridicule ……

  2. Vlady Boissin says:

    La France ne c est jamais aussi porté pendant les cohabitations de 86 à 88 , de 93 à 95 et de 97 à 2002 …Donc une majorité relative serait pour le mieux , cela éviterait au roi Macron d avoir les pleins pouvoirs et de mettre les moins favorisés à genou .

  3. Superdeg says:

    On a vraiment besoin d’une majorité relative, car son altesse Macron second, grand dédaigné des gueux, grand autocrate risque de passer au niveau supérieur, ce sera tait toi c’est moi le patron, comment va t il compenser les pertes des taxes sur le carburant (remplacé par l’électric)? Comment va-t-on recycler les millions de tonnes de batterie? Comment allons-nous payer les interêts de la dette de plus de 2 800 milliards avec une inflation à 4%? Qui va répondre?

  4. Florentais says:

    Bonsoir.d Dans bon nombre de pays démocratiques européens les parlements sont à majorité proportionnelle. Et cela fonctionne bien car tout le monde travail ensemble pour faire passer les lois y a pas la guerre guerre comme en France.

  5. Florentais says:

    Re bonsoir. Macron va utiliser le 49.3 pour la retraite à 65 ans à taux plein. C est à dire sans un arrêt de cotisation et de trimestre. Vous allez donc travailler tous au minimum 67, 68 etc…

  6. Florentais says:

    Te bonsoir. C est marrant le camps du bien nous parle plus de la dette !! du triple A !! vous vous souvenez…c etait grave a l epoque pluscrien aujourd’hui.
    Cela va revenir faut bien justifier les réformes.

  7. Florentais says:

    Nous avons toujours eu le camp du bien droite ou gauche gauche ou droite. C est pour cela que les jeunes s investissent à voter en masse comme des fous heureux dans leurs baskets.

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