Les magasins de CBD menacés par un arrêté du Gouvernement ? Les commerçants inquiets et agacés

Le Gouvernement a publié au journal officiel le 31 décembre dernier un arrêté interdisant la vente des fleurs et feuilles de CBD brutes. Une nouvelle mesure qui fait réagir et inquiète les commerçants, notamment à Saumur qui compte près d'une dizaine d'enseignes qui en propose.

Le 31 décembre 2021 est paru au journal officiel un arrêté déposé par le gouvernement visant à interdire la vente des fleurs et des feuilles brutes de cannabidiol, plus connu sous le nom de CBD. Le CBD est une molécule obtenue à partir du chanvre. Assez proche du cannabis, ce dernier possède cependant un taux de THC (Tetrahydrocannabinol) bien inférieur et ne présente pas d’effet psychotrope, tout en procurant à ses utilisateurs le côté relaxant (relire notre article). A la suite d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne, les autorités françaises ont révisé la réglementation applicable à la culture, à l’importation et à l’utilisation du chanvre par un arrêté du 30 décembre 2021. Le nouveau cadre réglementaire maintient un haut niveau de protection des consommateurs et préserve la politique ambitieuse de lutte contre les trafics de stupéfiants mise en œuvre depuis 2019, tout en permettant le développement sécurisé de nouvelles activités économiques liées à la culture, la production industrielle d’extraits de chanvre et la commercialisation de produits qui en intègrent. Le conseil constitutionnel doit rendre son verdict quant à cet arrêté ce vendredi 7 janvier 2022 et trancher sur le fait de savoir si oui ou non celui-ci est applicable.

Des risques sanitaires encore méconnus

« Les fleurs et les feuilles ne peuvent être récoltées, importées ou utilisées que pour la production industrielle d’extraits de chanvre. Il en résulte en particulier que la vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d’autres ingrédients, notamment comme produits à fumer, tisanes ou pots-pourris, leur détention par les consommateurs et leur consommation sont interdites », stipule l’arrêté. Ce qui a motivé cette interdiction est avant tout lié aux risques sanitaires pour les usagers : « Outre une teneur en THC plus importante dans les fleurs et les feuilles brutes qui les rapproche des stupéfiants, les risques liés à la voie fumée sont établis ; en particulier, de nombreux éléments cancérigènes proviennent de la combustion des substances organiques. En outre, s’il subsiste à ce jour des incertitudes sur les effets pour la santé de la consommation de produits à base de CBD, des études scientifiques ont montré que le CBD agissait au niveau du cerveau sur les récepteurs à la dopamine et à la sérotonine en faisant ainsi un produit psychoactif à part entière. Sa consommation peut donc avoir des effets psychoactifs, de sédation et de somnolence. Chez l’homme, des interactions entre le CBD et des médicaments de type anti-épileptiques, anticoagulants, ou immunosuppresseurs ont été mises en évidence. De ce fait, des traitements médicamenteux, notamment pour certaines pathologies, pourraient être impactés à cause des interactions méconnues avec le CBD. » Toutefois, le Gouvernement a décidé de relever le niveau THC pour le CBD vendu, en passant de 0,2% de THC à 0,3%. En comparaison, le cannabis compte des taux pouvant dépasser de loin les 10%.

Faciliter les contrôles

Par ailleurs, cette interdiction est justifiée par des motifs d’ordre public, dans la mesure où, pour préserver la capacité opérationnelle des forces de sécurité intérieure de lutter contre les stupéfiants, celles-ci doivent pouvoir discriminer simplement les produits, afin de déterminer s’ils relèvent ou non de la politique pénale de lutte contre les stupéfiants. Comme précédemment indiqué, les fleurs et les feuilles brutes comportent, par rapport à la plante, une teneur en THC plus importante et difficilement contrôlable en amont de leur commercialisation. Le Gouvernement entend ainsi poursuivre avec détermination les objectifs qu’il a fixés dans le plan national de lutte contre les stupéfiants présentés en septembre 2019 et renforcés lors du comité interministériel de lutte contre les stupéfiants en mai 2021.

Un produit comme un autre

Dès lors que le CBD n’est pas un stupéfiant, les produits qui en comportent doivent se conformer aux réglementations sectorielles propres à chaque type de catégories de produits. En particulier, le CBD étant considéré comme un nouvel aliment, celui-ci et les denrées alimentaires en contenant ne peuvent être commercialisés sans évaluation préalable par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et autorisation. Les produits contenant du CBD ne peuvent, sous peine de sanctions pénales, revendiquer des allégations thérapeutiques, à moins qu’ils n’aient été autorisés comme médicaments. En effet, les allégations thérapeutiques, hors médicaments autorisés, sont purement spéculatives à ce stade et risquent de détourner les usagers d’une prise en charge éprouvée (arrêt de leur traitement médicamenteux au profit du CBD ou « automédication »). Enfin, les publicités en faveur de produits contenant du CBD ne doivent pas entretenir de confusion ou faire l’amalgame avec une consommation de cannabis à usage récréatif et faire ainsi la promotion du cannabis.

La France à la traine sur le sujet ?

Un arrêté qui inquiète et agace quelque peu les commerçants qui s’étaient lancés dans ce business. « On savait qu’un jour ou l’autre, cela pourrait nous tomber dessus. Le commerce de CBD a été rendu possible grâce à un flou juridique concernant les taux de THC où il était possible de vendre des produits en dessous des 0,2%. Toutefois, nous étions en droit de penser que cela serait autorisé pour de bon, parce que l’Europe l’a autorisé et que tous les autres pays européens l’ont autorisé et que beaucoup sont même en train ou ont légalisé le cannabis. Nous sommes le village de gaulois qui résiste et qui reste campé sur ses positions d’un autre temps et on ne parle là que de CBD, un produit sans effets psychotropes », réagit Olivier Gomes, gérant de CBD Industry à Saint-Lambert-des-Levées. Dans son commerce, il ne vend que des fleurs, feuilles et résines, justement visées par cette interdiction : « On s’était lancé dans ces produits purement naturels et non transformés, justement parce que nous trouvions cela plus sain et naturel », argumente-t-il un peu excédé et avec l’impression que la France a un train de retard sur ses voisins européens. « Je ne comprends pas que la France puisse revenir sur une décision prise par l’Europe, cela n’a aucun sens ». Il regrette aussi n’avoir été mis au courant par aucun organisme et l’avoir uniquement « appris par la presse ».

Des solutions existent pour les contrôles

Selon lui, les véritables raisons de cette interdiction viennent du fait « que cela complique les contrôles de police, puisque qu’à l’œil ou à l’odeur, il n’est pas possible de différencier le CBD du cannabis. Or, il existe des tests rapides. En Suisse, les forces de l’ordre disposent de tests qui changent de couleur en fonction du taux de THC et permettent ainsi de différencier facilement et rapidement les deux produits. Les solutions existent donc. Je crois aussi que le fait que le CBD soit compté comme un produit alimentaire lambda et donc taxé à 5,5% dérange aussi le gouvernement. » Olivier Gomes estime également que la France se tire une balle dans le pied, puisque le pays est désormais le premier producteur européen de chanvre avec 20 000 hectares de plantation. Quoi qu’il en soit, lui comme ses confrères attendent avec impatience, et inquiétude, la décision du conseil constitutionnel prévue ce vendredi.

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