Maine-et-Loire. Télémédecine en EHPAD : un dispositif pour limiter les arrivées aux urgences la nuit

40 % à 50 % des hospitalisations en nuit profonde pourraient être différées chez les personnes âgées, permettant des soins dans leur lieu de vie le lendemain. Face à ce constat, les médecins coordonnateurs des EHPAD du Maine-et-Loire, les urgentistes et gériatres du CHU d’Angers proposent, depuis ce jeudi 2 mars, un dispositif de visio-régulation nocturne associé à une mallette de soins d’urgences. Soutenu par l’ARS Pays de la Loire et destiné aux personnels soignants et non soignants des EHPAD du département, il a vocation à améliorer la régulation de ces patients âgés, à les soulager quand cela est possible mais aussi limiter et différer leur hospitalisation aux Urgences, au cœur de la nuit.
©CHU Angers

Une hospitalisation chez une personne âgée n’est pas dénuée d’effets indésirables : « Les résidents d’EHPAD peuvent présenter un tableau de fragilités qu’il est important de prendre en compte avant d’envisager une hospitalisation », explique le Dr Marine Asfar, gériatre et médecin coordonnateur de l’EHPAD SaintNicolas, au CHU d’Angers. « 60 à 70 % des résidents d’EHPAD sont désorientés ou à troubles cognitifs. L’attente aux urgences peut les rendre confus, ou avoir d’autres effets délétères. Etre alité sur un brancard favorise, par exemple, l’apparition d’escarres. » En dehors des urgences vitales, certaines arrivées nocturnes aux Urgences pourraient donc être évitées ou différées. « L’idée est donc d’éviter l’évitable. »

Après la télémédecine de jour, la visio-régulation de nuit

Si la télémédecine s’est aujourd’hui démocratisée en devenant un canal de consultation ancré dans les pratiques professionnelles, elle est majoritairement diurne. La visio-régulation avec le SAMU proposée ici aux EHPAD du département est quant à elle nocturne. Elle s’appuie sur la flotte de smartphones équipant ces établissements depuis la crise sanitaire du Covid-19. Si aucune urgence vitale n’est identifiée, « le personnel appelant le SAMU reçoit un SMS pour se connecter en visio avec le médecin régulateur urgentiste », explique le Dr Delphine Douillet, urgentiste au CHU d’Angers. « Le résident reçoit sur place des soins par le personnel de nuit, prescrit à l’oral et guidé à distance par le médecin régulateur. L’objectif est de pouvoir délivrer en nuit profonde des traitements permettant d’attendre l’évaluation par le médecin de l’EHPAD le matin. » Une étude pilote a montré que la visio-régulation en SAMU Centre 15 est un outil qui permet d’améliorer la décision du médecin régulateur dans presque 43 % des cas, notamment en ce qui concerne la traumatologie. « L’idée est d’accompagner les équipes de nuit au sein des EHPAD par un médecin spécialiste des situations d’urgence, d’éviter leur isolement face aux situations imprévues, de les aider à distinguer les problèmes relevant d’une urgence véritable de ceux pouvant attendre le matin, et enfin de prescrire à distance les premiers soins le cas échéant. Ainsi, le résultat sera non seulement de proposer des soins plus adaptés, personnalisés, adéquats et efficaces pour les résidents, mais aussi de s’assurer d’une égalité de traitement et de chance quel que soit l’EHPAD puisque la visio-régulation sera partagée et la mallette d’urgence partout la même », précise le Pr Cédric Annweiler, chef du pôle hospitalo-universitaire PARADH (Personnes Agées Réadaptation Accompagnement Dépendance Handicap) et chef du service de Gériatrie au CHU d’Angers.

Une mallette d’urgence pour faciliter les prescriptions

Ce dispositif de visio-régulation est complété d’une mallette de soins d’urgence. « Sur avis expert des gériatres et urgentistes du CHU, chaque établissement bénéficie des mêmes thérapeutiques de première intention. Les personnels des EHPAD devront veiller à conserver l’homogénéité de ces mallettes, sans retirer ni ajouter de thérapeutiques. Car elle facilite les prescriptions par le médecin régulateur hospitalier », souligne le Pr Dominique Savary, chef du département de Médecine d’urgence du CHU d’Angers. « Comme une maman invitée par le médecin régulateur à donner du paracétamol à son enfant fiévreux, il pourra être demandé à ces personnels de donner un médicament contenu dans la mallette sous l’œil du régulateur. Il s’agit donc de thérapeutique simple, pas d’injectable … » C’est en 2010, face à des problématiques de soins en haute montagne, qu’émerge en Rhône Alpes la nécessité d’une visiorégulation nocturne. En cas de besoin, et faute d’hélicoptère la nuit, les équipes de secours sont en effet envoyées à pied dans les refuges, avec un délai de prise en charge conséquent. Face à cela, il est décidé d’équiper les refuges de Haute Savoie en défibrillateurs et de former les gardiens de refuge. Le tout est complété d’une visiorégulation et d’une trousse de soins d’urgence. Le même dispositif a ensuite été déployé au sein des EHPAD de HauteSavoie. 58 % des transports aux urgences ont été différés ou annulés, au cours d’une première évaluation qui s’est déroulée sur la première année de mise en place.

Une formation pour avoir les bons réflexes

Ce dispositif de visio-régulation s’appuie sur une formation en distanciel, proposée aux personnels soignants et non-soignants des EHPAD par les urgentistes du Centre d’Enseignement des Soins d’Urgences (CESU) du CHU d’Angers dans le cadre de leur renouvellement de l’attestation aux gestes et soins d’urgence.
« Elle vise à leur donner les bons réflexes pour communiquer efficacement avec le médecin régulateur du SAMU, donner les bonnes informations et connaitre parfaitement la trousse d’urgence, composante essentielle de ce dispositif nocturne », liste le Pr Dominique Savary.

Une étude pour évaluer ce dispositif

Il s’agira de quantifier l’efficacité du dispositif en comparant durant 1 an le taux d’hospitalisation nocturne des patients résidents en EHPAD en fonction de l’utilisation ou non de la visio-régulation, couplée à la trousse d’urgence par le centre 15.

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