Saumur. Les enseignants s’opposent à la réforme des lycées professionnels

Un collectif d'enseignants du lycée professionnel Sadi-Carnot Jean-Bertin de Saumur ont débrayé durant une heure en fin de matinée ce lundi pour faire entendre leur opposition au projet de réforme des lycées professionnels pour la rentrée prochaine.

Ce lundi 5 juin, des enseignants du lycée Sadi-Carnot-Jean-Bertin ont débrayé durant une heure de 11h à 12h afin de faire entendre leur mécontentement face à la proposition de « pacte » enseignant annoncé par le gouvernement (relire notre article) et le projet de réforme de la voie professionnelle pour la rentrée 2023. Ils se sont retrouvés devant le parvis du lycée du lire une lettre ouverte adressée notamment au Président de la République, Emmanuel Macron, au ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, Pape Ndiaye, à la ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnels, Carole Grandjean, et à la secrétaire d’État chargée de la Jeunesse et du Service national universel, Sara El Haïry, de manière apolitique et sans accointance avec un quelconque syndicat.

Une réforme pour la rentrée 2023

Comme dans l’enseignement général, le Pacte du côté du lycée professionnel est une revalorisation salariale supplémentaire, conditionnée à des missions basées sur le volontariat. Parmi les esquisses de missions, évoquées dans le dossier ministériel : remplacements de courte durée, interventions en collège, tutorat, animation de bureaux des entreprises… « Cette réforme privilégie l’aspect économique et oublie totalement l’intérêt des élèves. Ce projet de loi a été écrit, une fois encore, sans prendre en considération l’avis des professionnels qui sont sur le terrain. Il est absolument hors sol et démontre une méconnaissance du quotidien des élèves et des enseignants », indique Marine Bossard, enseignante de lettres et histoire. Des élèves étaient également présents pour « soutenir » les professeurs. « Nous craignons également que cette réforme ne freine l’accès aux études supérieures en privilégiant ainsi l’accès à un travail rémunéré. Les filières nécessitant des études plus longues seront tout simplement vidées », témoignent Antoine et Gianelli. Le collectif dénonce notamment l’annualisation du temps de travail, la mise en place d’épreuves du baccalauréat dès le mois de mars « au risque de voir les classes se vider ensuite », la mise en place de remplacements dans un contexte ou la création d’emplois du temps est très difficile… Les enseignants estiment par ailleurs que la mise en place de cette réforme ne pourra se faire si rapidement.

La lettre

« Nous sommes enseignants en lycée, et nous considérons aussi que le lycée professionnel est la voie de l’excellence, contrairement à ce que pensent de nombreuses personnes, qui n’ont que mépris pour lui. Les nombreuses réussites dont nous avons été témoins confirment notre façon de penser. Notre action est indépendante de tout syndicat et se veut en dehors de tout parti politique. Nous agissons en tant que professionnels qui ont une conscience pour les jeunes dont ils ont la responsabilité, jeunes qui constituent le berceau de la société que l’on envisage, comme vous, pour notre pays. Vous avez la responsabilité de garantir à cette jeunesse un avenir digne de ce nom, vous avez la responsabilité de garantir à cette jeunesse d’avoir l’ambition qui lui est due, vous avez la responsabilité de garantir à cette jeunesse l’ouverture culturelle à laquelle elle a le droit, vous avez la responsabilité de garantir à cette jeunesse l’égalité au sein de notre République. Votre projet de loi va à l’encontre de ces garanties. Les valeurs de notre devise ne doivent pas être de vains mots. L’ensemble des élèves de notre République doit être traité à égalité, ce qui n’est hélas pas le cas. L’Institution, dans le cadre d’un PNF (Plan National de Formation), nous forme actuellement à la laïcité et aux valeurs de la République. Nous ne contestons absolument pas cette nécessité. En revanche, l’Etat ne devrait-il pas s’appliquer à lui-même ce qu’il exige des autres ?

Depuis quelques années, et aujourd’hui encore plus qu’hier, nos élèves de lycées professionnels sont maltraités par l’Institution, par ceux qui devraient au contraire les protéger et leur garantir un avenir serein. Certes, ils ne sont pas les enfants de nos décideurs, mais ils ont le droit d’avoir les mêmes chances que les autres. Ils sont eux-aussi des enfants de la République qui vont devoir défendre les valeurs que cela implique. Or, avec l’injuste réforme qui s’annonce, ils sont aujourd’hui considérés comme la variable d’ajustement pour faire face aux pénuries de main d’oeuvre dans de nombreux secteurs. Avec l’injuste réforme qui s’annonce, on va leur refuser l’accès à la culture qui leur est dû, et qui est pourtant le seul moyen de lutter contre les obscurantismes. Avec l’injuste réforme qui s’annonce, vous leur déniez le droit à une poursuite d’études. Avec l’injuste réforme qui s’annonce, vous les poussez tout droit dans la précarité, vous leur refusez le droit de s’épanouir, vous leur promettez un avenir de simple exécutant qui ne doit pas réfléchir pour rester docile.

Par ailleurs, nous nous posons de nombreuses questions sur la faisabilité de votre projet. Par exemple, les remplacements prévus au pacte sont la plupart du temps impossibles, compte tenu de l’extrême complexité de la réalisation d’un emploi du temps dans un gros établissement comme le nôtre (1300 élèves). De nombreux points nous semblent plus que flous, ce qui est extrêmement inquiétant : soit le projet n’est absolument pas abouti, et il semble alors difficile de le mettre en place à la prochaine rentrée, soit il est volontairement flou pour nous cacher des éléments, ce qui serait malhonnête. Dans ce projet de réforme, il est question des bacs pros, mais quid des CAP ? Quid des 3èmes prépa pro ? Là encore, nous cache-t-on des choses ? Peut-être des intérêts particuliers liés au tissu économique, et qui concernent le court terme, sont-il privilégiés aux intérêts d’une génération, qui eux concernent le moyen voire le long terme ?

Que dire de la volonté d’intégrer le SNU au temps scolaire ? Quel message cela envoie-t-il ? Les élèves ont-ils réellement besoin de moins d’heures de cours ? N’y-a-t-il pas d’autres temps que le temps scolaire pour ça ? Nous avons vraiment de magnifiques perspectives d’évolution de carrière : enseignants en collège, en maternelle, et ensuite, sergents instructeurs ? Le SNU favoriserait, selon vous, la mixité sociale ? Il stigmatisera plutôt les élèves qui ne seraient pas de nationalité française ! Mais cela est-il surprenant lorsque l’on voit l’orientation de votre politique de fermeture ? Le meilleur moyen de favoriser la mixité sociale serait d’arrêter de favoriser l’enseignement privé aux dépens de l’enseignement public, de favoriser l’intérêt de l’altérité et non l’apologie de l’entre-soi. Il n’y a pas si longtemps le terme de « décivilisation » a été employé. A vous entêter dans la voie dans laquelle vous vous engagez, c’est-à-dire à ne pas donner les outils aux enfants des populations les plus fragiles à avoir l’esprit critique essentiel pour ne pas céder à certaines sirènes, vous allez produire l’effet inverse à celui escompté. Nous sommes des professionnels de terrain, et si vous ne nous entendez pas, alors l’avenir s’annonce bien sombre ! Nous enseignons à nos élèves le droit à l’erreur, la plupart d’entre eux comprend que l’on apprend d’elle. Peut-être devriez-vous prendre le recul suffisant, en rencontrant ceux qui éprouvent au quotidien la réalité, pour prendre conscience du fait que vous faites fausse route. Nous sommes prêts à vous rencontrer.

Aujourd’hui nous sommes conscients que ces quelques mots, que vous ne lirez peut-être même pas, seront jetés à la poubelle avec mépris, le même mépris dont sont traités nos élèves, et le même mépris que vous avez à notre égard. Nous osons cependant avoir encore un infime espoir, nous osons tout de même espérer nous tromper… Nous aurons au moins la conscience d’avoir tenté de vous dire ce que l’ensemble de nos collègues pensent. Entendez ces musiques de haine, entendez ces manipulateurs des réseaux sociaux contre lesquels nous nous battons quotidiennement. Si vous vous acharnez, nous ne donnons pas cher de ce vivre-ensemble qui doit nous animer, et qui est déjà mis à mal actuellement. Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de renoncer à cette réforme plus qu’injuste, à ce pacte innommable. L’Education ne doit pas être envisagée à court terme de manière comptable et technique, elle doit être un véritable enjeu, elle doit être un investissement, elle est l’avenir de notre société, elle est ce que nous voulons pour demain. Nous ne voulons pas pour demain ce que vous êtes en train de construire. Enfin, nous réitérons notre proposition, nous sommes prêts à être reçus par vos services, non pas pour être écoutés sans être entendus, mais pour que vous réalisiez qu’avec votre projet, vous alimentez cette « décivilisation » comme vous l’appelez. »

Pour aller plus loin : Retrouvez l’ensemble des mesures proposées pour la rentrée 2023 sur https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/reformer_les_lycees_professionnels_faire_du_lycee_professionnel_-_un_choix_d_avenir_pour_les_jeunes_et_les_entreprises.pdf et sur https://www.education.gouv.fr/reforme-de-la-voie-professionnelle-des-la-rentree-2023-foire-aux-questions-378209

Commentaires 16

  1. Jean says:

    Merci d’avoir veillé à mettre en référence les informations officielles sur le réforme

  2. Francis Prior says:

    La vraie nouvelle serait que les enseignants ne dénoncent pas une réforme. Nos résultats sont si brillants qu’il ne faut surtout rien changer.

  3. Vlady Boissin says:

    Ce gouvernement de  » ploucs » est entrain de foutre en l air tout le système éducatif de notre pays. Je connais très bien le sujet, mes parents étaient enseignants, ma fille l est , mon frère de même.

  4. CONTRIBUABLE says:

    A@ à Vlady Boissin : Je ne défend pas Mr ou Mme Vlady Boissin….mais vous n’avez pas a traiter cette personne de la sorte !!! Il ou elle a le droit d’expression……. c’est ça un pays démocratique.
    A bon entendeur salut

  5. Riverin says:

    Comme d’habitude, ces chers enseignants sont contre tout ce qui est pour et pour tout ce qui est contre…
    Cela fait des années qu’ils demandent une réforme de l’enseignement professionnel, que leurs amis socialistes n’ont jamais mis en place quand ils étaient au pouvoir, et maintenant qu’une réforme sérieuse est envisagée, ils n’en veulent pas…
    Donnez leur du pognon, et vous verrez qu’ils trouveront cette réforme formidable !

  6. Janine says:

    Les enseignants en grève ! Quelle blague! Des individus ultra Privilégiés qui passent le plus clair de leur 15 h de présence à manipuler nos jeunes au lieu de les faire TRAVAILLER !!
    Ils détestent les réformes parce qu’ils sont incapables d évoluer !
    Avec eux c est toujours le service minimum !! Mais les vacances maximum !! Il y a que cela qui les intéresse !!
    AU BOULOT LES FAINÉANTS!!

    • VLADY BOISSIN says:

      ,Ma fille est professeur des écoles depuis 10 ans elle a deux masters , un salaire de 2000 euros net environ , elle passe pas 15 h en classe , elle est 24 h par semaine à l école , à cela rajoute la préparation des cours , la correction des cahiers , les rencontres avec les parents , les réunions d enseignants etc ….De plus elle enseigne dans une ZEP , en plein milieu de la Beauce , pas de possibilité de revenir dans la région avant plusieurs années . Alors le métier vous tente.?

    • Pour Janine says:

      Janine ne sait pas que le métier de prof en France est largement sous rémunéré comparé aux autres pays, Janine ne sait pas que l’état veut simplement tuer l’éducation publique et pousser les élèves dans le privé (financé à 73% par l’état), Janine n’a pas remarqué que les concours de profs n’arrivent même pas à avoir assez de candidat pour pourvoir les postes tellement ce métier est devenu puant. Janine vit hors de son temps, dans les bras de Pascal Praud surement.

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