Abbaye de Fontevraud. La cloche Gabrielle a été décochée

Ce mardi 14 février une nouvelle cloche est née au sein de la fonderie Cornille-Havard en Normandie. Gabrielle, un joli bébé de plus d'une tonne viendra s'ajouter au printemps prochain aux trois autres cloches qui résonnent actuellement dans les jardins de l'Abbaye de Fontevraud.

Moment d’émotion et concrétisation d’un long travail ce mardi 14 février 2023 au cœur de département de la Manche, à Villedieu-les-Poêles. Mais « pourquoi un média local de la région saumurois s’intéresserait à la Normandie ? », pourraient s’interroger le lecteur. Et bien c’est parce que c’est au sein de la fonderie Cornille-Havard, l’une des deux dernières encore en activité en France, que Gabrielle est née et a été décochée ce mardi. Cette cloche de 1.280 tonne et de 1.28m de haut a été décorée par l’artiste Paul Cox et intégrera l’exposition unique de l’abbaye de Fontevraud dans le cadre du dispositif artistique « A toute Volée » (relire nos articles). Ce projet, lancé en 2019 vise à remettre au sein du site de l’Abbaye des cloches qui étaient autrefois accrochées dans le clocher et rythmaient la vie de l’abbaye, mais aussi des habitants alentours. L’objectif est donc de créer 6 nouvelles cloches à raison d’une par an. Gabrielle est la 4e après Aliénor, Richard et Pétronille. Le nom de cette dernière création vient de Marie-Madeleine Gabrielle de Rochechouart, 33e abbesse de Fontevraud. Gabrielle sera installée au sein de l’abbaye au printemps 2023.

La cloche Gabrielle selon Paul Cox

« La première idée qui m’est venue à l’esprit en commençant à travailler sur la cloche « Gabrielle » a été d’utiliser le motif du filet, constant sur les épigraphies, mais au lieu d’utiliser un ou des filets parallèles à la base de la cloche, plutôt de le traiter en spirale. Puis m’est venue l’idée de poser sur cette spirale des éléments figuratifs, dans un esprit d’art populaire, naïf et narratif, comme on peut le trouver dans les sculptures et les reliefs des chapiteaux et des tympans dans les églises.

J’avais en tête plusieurs références qui me sont chères : les « poyas », ces papiers suisses découpés qui montrent l’ascension des vaches vers les alpages, la Tapisserie de Bayeux, la colonne Trajan, les hiéroglyphes égyptiens, et plus près de nous les pictogrammes de Matt Mullican. Cette spirale, au départ simple intuition formelle dictée par le volume de la cloche, m’a paru aussitôt être une forme symbolique permettant de figurer l’élévation spirituelle. Elle peut évoquer également une portée musicale, rythmée par les éléments qui l’animent.

Les visiteurs percevront la cloche en deux temps : d’abord, de loin, ils verront le motif dominant de la spirale, puis, s’approchant, ils viendront déchiffrer les petits éléments en tournant autour de la cloche et de ses spires (il y a en réalité deux spirales, dessinant sept étages). Les éléments que j’ai placés sur la cloche évoquent la vie de Gabrielle de Rochechouart de Mortemart, à qui la cloche est dédiée, et qui fut abbesse de Fontevraud de 1670 à 1704, mais aussi la vie de l’abbaye et du monde rural alentour. C’est une sorte d’imagier aux allures de praxinoscope, où se côtoient religieuses et religieux, paysans, personnages de la Cour (dont Gabrielle fut proche, étant la soeur de Madame de Montespan), éléments d’architecture de l’abbaye, animaux, évocations des saisons et du temps, figures symboliques. Ordonnés selon une progression chronologique, ils gravissent la pente vers le faîte de la cloche. Le début des spirales montre des images de commencement, scènes d’enfance, lever de soleil, leur fin évoque la sérénité, l’ascension, la mort. Il y a parfois des voisinages cocasses, comme ce cochon qui jouxte Louis XIV, ou l’oie qui accompagne une courtisane, ou ce petit diable qui seul dévale la pente à contre-courant. Mais à part lui, tout ce monde, régulier comme séculier, est entraîné par l’ascension spirituelle de la vie monastique qui guide la procession vers le haut.
La cloche « Gabrielle » sonnera un ré, première syllabe de « résonner », selon les noms de la gamme imaginés par Guido d’Arezzo – on ne pouvait rêver meilleure note pour évoquer le rayonnement de Gabrielle et de l’Abbaye. », explique Paul Cox.

A propos de Paul Cox

Paul Cox est né à Paris en 1959. Autodidacte en art, son intérêt pour les Constructivistes et autres avant-gardes l’encourage à poursuivre dans une voie pluridisciplinaire. Auteur de nombreux livres pour les enfants, il crée aussi depuis une trentaine d’années des affiches pour des théâtres et des opéras (Opéra de Nancy, Grand Théâtre de Genève, Théâtre Dijon-Bourgogne, Théâtre du Nord, Théâtre Nanterre-Amandiers…). Il travaille aussi pour la scène, concevant décors et costumes, notamment pour plusieurs chorégraphies de Benjamin Millepied. Il se passionne pour toutes les techniques d’impression, notamment lithographie et sérigraphie, qu’il utilise plus à des fins de production expérimentale que de reproduction. Il crée des installations interactives, comme « Jeu de Construction » au Centre Pompidou, « Exposition à faire soi-même » au 104, ou encore « Plans » au Frac Dijon-Bourgogne. La base continue de son travail est la peinture, centrée sur le paysage, qui a fait l’objet d’une exposition à l’Abbaye de Fontevraud en 2013, « Paysage ». Une rétrospective vient de lui être consacrée au Itabashi Museum of art à Tokyo. Paul Cox a entrepris la publication périodique de l’ensemble de son travail (peinture, travaux graphiques, etc.) sous forme de livre, dont le premier tome, « Coxcodex 1 », est paru en 2004 aux éditions du Seuil, et le second tome est en cours de préparation.

A propos de la fonderie Cornille-Havard

Toutes les cloches de ce projet ont été coulée à la fonderie Cornille-Havard dans le département de la Manche. Dès le Ve siècle, la fabrication des cloches est l’apanage des moines forgerons afin de fournir des cloches dans les communautés. Installée à Villedieu-les-Poêles, la société Cornille- Havard est l’héritière d’une longue tradition de fondeurs de cloches depuis le Moyen Âge. Chaque année depuis 1865, une centaine de cloches monumentales sortent de l’atelier, perpétuant ainsi le savoir-faire et les méthodes des compagnons d’autrefois. Les méthodes de fabrication des cloches sont restées traditionnelles : les moules sont fabriqués au trousseau à l’aide d’argile et de crottin de cheval, tout en utilisant des techniques plus modernes : les profils de cloches sont calculés en CAO (Conception Assistée par Ordinateur), les gabarits découpés au laser, le contrôle de sonorité effectué à l’aide d’un analyseur de spectre électronique. De nouvelles méthodes permettant d’atteindre une sonorité parfaite. Depuis plus de 25 ans, Cornille-Havard fait la promotion de la création artistique contemporaine sur les cloches afin d’enrichir le patrimoine campanaire de demain.

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